La «relation spéciale» américano-britannique: «deux piliers d’une future mondialisation»

© AP Photo / Alexander ZemlianichenkoLe drapeau de la Grande Bretagne
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Comment deux think tanks mondialistes influents –Chatham House et le Council on Foreign Relations– sont-ils nés de la «relation spéciale» entre les États-Unis et la Grande-Bretagne? Que signifie cette relation pour les deux pays? Analyse de John Laughland, historien et auteur, pour le Désordre mondial.

La «relation spéciale» entre les États-Unis et le Royaume-Uni a-t-elle pris fin? Est-ce Donald Trump qui a mis le dernier clou dans son cercueil?

Le concept remonte à 1981, lorsque deux âmes sœurs idéologiques de la droite libérale –le Président Républicain américain, Ronald Reagan, et le Premier ministre conservateur britannique, Margaret Thatcher– se sont entendues tant sur le plan personnel que politique. Et Donald Trump s’est placé dans la continuité de cette histoire, promettant dans la période qui a précédé les dernières élections britanniques que si Boris Johnson, le chef du parti conservateur, gagnait, le Royaume-Uni bénéficierait de nouveaux accords commerciaux et de merveilleux privilèges avec les États-Unis, une idée alléchante en plein Brexit, ce divorce acrimonieux d’avec l’Union européenne.

Mais Trump a tenu peu de promesses et ses actions ont été rares sur ce front. Cette relation, autrefois spéciale, a-t-elle tourné au vinaigre?

John Laughland, historien, auteur, titulaire d’un doctorat de l’Université d’Oxford et enseignant dans des universités de Paris et de Rome, revient sur les origines de cette relation particulière:

«L’Empire britannique et les États-Unis devaient être les deux piliers d’une future mondialisation, d’un futur état mondial. Et pour œuvrer à cet objectif, ils ont créé deux institutions assez connues: Chatham House –l’Institut Royal des Relations internationales– et, d’une notoriété beaucoup plus grande, le Conseil des Relations étrangères (The Council on Foreign Relations) aux États-Unis. Ce sont deux instituts gouvernementaux qui devaient œuvrer vers le gouvernement mondial.»

L’historien explique que la relation entre les deux pays n’est pas interprétée de la même manière de chaque côté de l’Atlantique:

«Ce sont toujours les élites britanniques qui sont demandeurs de cette expression. C’est elle qui demande aux Présidents américains qu’ils évoquent ouvertement et explicitement la "relation spéciale". Et c’est toujours assez pénible. On comprend bien à chaque fois, d’ailleurs, que les Présidents américains hésitent un peu à évoquer cette "relation spéciale".
S’ils acceptent de le faire, à chaque fois, ils donnent un autre sens au mot "spécial" que les Britanniques. Quand les Britanniques disent "relation spéciale", ça veut dire relation privilégiée. Mais les Présidents [américains, ndlr] évoquent cette relation seulement dans le sens où elle est effectivement particulière, c’est-à-dire un peu différente des relations que les États-Unis peuvent avoir avec d’autres pays.»

Au-delà des mots, John Laughland développe la manière dont chaque pays envisage cette relation privilégiée. Des approches pour le moins déséquilibrées:

«Pour les Britanniques, cette relation spéciale est une façon de se projeter dans le monde, de maintenir l’illusion d’être toujours une puissance mondiale. C’est une sorte d’opération de substitution. La perspective américaine est radicalement différente. D’abord, l’hyperpuissance américaine a une politique étrangère universelle. Les Américains prennent leurs alliés partout dans le monde… Ils ont une vision mondiale ou impériale de la politique étrangère dans laquelle le Royaume-Uni ne joue aucun rôle privilégié.»
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