Dans la guerre des vaccins, «la santé publique n’entre pas en ligne de compte»

© Photo Pixabay / HVesnaVaccination. Image d'illustration
Vaccination. Image d'illustration - Sputnik Afrique
S'abonner
Accusée par le gouvernement allemand de freiner l’arrivée du vaccin Pfizer sur le marché européen, la France dément favoriser les intérêts du laboratoire Sanofi. Une situation toutefois loin d’être inimaginable pour un généraliste français qui évoque des précédents de soutiens étatiques dans la «guerre des labos».

L’État français est-il capable de freiner les achats de vaccins par Bruxelles pour satisfaire Sanofi? «En France, c’est tout le temps comme ça», tranche le docteur Vincent Reliquet, membre de l’Association internationale pour une médecine scientifique, indépendante et bienveillante. Les accusations du gouvernement allemand ne l’étonnent guère.

vaccin de Pfizer - Sputnik Afrique
En France, 200 maires s'engagent à se faire vacciner pour donner l'exemple
En effet, selon le magazine allemand Der Spiegel, Jens Spahn, le ministre allemand de la Santé, aurait insisté pour que l’Europe acquière davantage de doses du vaccin Pfizer-BioNTech, craignant une pénurie. Mais le ministre allemand affirme que plusieurs pays, dont la France, aurait contrecarré sa démarche, au motif que l’UE avait déjà précommandé 300 millions de doses du vaccin au laboratoire français Sanofi et au britannique GlaxoSmithKline. Une accusation rapidement démentie par Clément Beaune, le secrétaire d’État français aux affaires européennes, et par la Commission européenne.

L’État tend-il à favoriser les intérêts de Sanofi?

Pourtant, la guerre des vaccins ne date pas d’aujourd’hui (ni d’hier). Le docteur Vincent Reliquet rappelle ainsi l’affaire des vaccins contre l’hépatite B entre le français Genhevac, produit par l’Institut Pasteur, et l’Engerix, fabriqué par GlaxoSmithKline. En 1990, «on a tout fait pour bloquer l’arrivée d’Engerix sur le marché français»:

«On a réussi notre coup, puisque c’est le Genhevac français qui a servi à vacciner quasiment tous les enfants à l’époque [contre l’hépatite B, ndlr], alors qu’on savait qu’il était plus mauvais que l’autre», rappelle Vincent Reliquet.

Ainsi l’hypothèse que l’État français favorise les intérêts de Sanofi n’étonne guère notre interlocuteur.

Les défauts du vaccin Sanofi détectés à temps

Ségolène Royal - Sputnik Afrique
«Après avoir vacciné les anciens, ce sont les jeunes qui doivent être prioritaires», pense Ségolène Royal
Pour le docteur Reliquet, les risques ne sont pas à prendre à la légère.

«A priori, il est défectueux, ce n’est pas la première fois qu’ils font un vaccin qui ne fonctionne pas. Heureusement, on s’en est rendu compte bien avant de pouvoir le mettre sur le marché», juge Vincent Reliquet.

Ainsi trouve-t-il rassurant que la mise sur le marché du produit de Sanofi soit repoussée à la fin 2021.

Le docteur Reliquet précise que le vaccin de Sanofi est un vaccin «à l’ancienne», nécessitant un adjuvant (un agent pharmacologique ou immunologique qui améliore la réponse immunitaire). Or, pour ce vaccin,  Sanofi «est allé chercher ce qu’on avait en matière d’adjuvant –le squalène, un produit qu’on soupçonne d’être à l’origine de tous les effets secondaires qu’on a eu à déplorer au moment de la campagne vaccinale de 2009 contre la grippe H1N1 par le produit Pandemrix».

Ce dernier vaccin, «développé à toute vitesse», a provoqué dans les deux mille cas de narcolepsie chez des enfants, «une maladie gravissime dont on ne guérit jamais». Sur 5,74 millions de Français vaccinés à l’époque, il reste encore près de deux cents victimes toujours pas indemnisées, que le docteur Reliquet décrit comme «des adultes incapables de travailler, de conduire, de tenir une réunion, de surveiller une machine, de garder un enfant».

Pharmacovigilance contre la «guerre des labos»

vaccin de Pfizer - Sputnik Afrique
La confiance dans le vaccin grandit aux États-Unis, tandis qu’elle recule en France
L’Association internationale pour une médecine scientifique, indépendante et bienveillante, dont fait partie le docteur Reliquet, s’intéresse aux «conflits entre l’intérêt du public et l’intérêt des financiers» dans le secteur du médicament.

«Si vous êtes une firme pharmaceutique, vous êtes cotée en bourse, il y a des actions, des stock-options, des actionnaires, un rapport d’activité annuel…. Si vous n’êtes pas rentable, vous sautez. L’intérêt de la santé publique n’entre pas en ligne de compte!» résume Vincent Reliquet.

«L’immoralité des firmes pharmaceutique n’est plus à démontrer», martèle le praticien.

Bien sûr,  l’histoire récente de Sanofi, dont dépend désormais en grande partie la vaccination des Français, est parsemée d’épisodes scandaleux. L’un des plus marquants reste sa mise en examen dans le dossier de l'anticonvulsif Dépakine, qui peut provoquer de graves malformations pour un fœtus s'il est pris par une femme enceinte. Par ailleurs, les Philippines ont accusé le laboratoire d'avoir causé la mort de plusieurs enfants avec le Dengvaxia, son vaccin contre la dengue.  En 2018, l'État américain du Minnesota a porté plainte contre trois laboratoires, dont Sanofi, les accusant d’avoir doublé le prix de l'insuline sur un temps très court.

En définitive, le laboratoire abuse-t-il de son pouvoir, laissant les citoyens bien démunis?

«La solution est l’honnêteté et la pharmacovigilance! affirme Vincent Reliquet. Premièrement, on ne met pas en circulation des produits aux effets secondaires abominables. Deuxièmement, on met en place un système de surveillance du médicament moins lamentable que celui qu’on a aujourd’hui.»
Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала