Vue d'Alger, la reconnaissance de l’assassinat de Boumendjel est «un geste positif mais Paris peut faire plus»

© AFP 2023 ERIC FEFERBERGAli Boumendjel
Ali Boumendjel - Sputnik Afrique, 1920, 05.03.2021
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Alger a exprimé sa "satisfaction" à la suite de la reconnaissance par le Président Emmanuel Macron de l’assassinat, en 1957, de l’avocat Ali Boumendjel par l’armée française. Selon un universitaire algérien, cet acte «doublement symbolique» pourrait être le prélude à la reconnaissance des crimes coloniaux commis en Algérie

En recevant, mardi 2 mars, les petits-enfants d’Ali Boumendjel au palais de l’Élysée, le Président français a levé le voile sur un crime d’État qui date de 64 ans. Il a affirmé que l’avocat membre du collectif de défense des militants du Front de libération nationale «ne s’est pas suicidé. Il a été torturé puis assassiné». Le chef de l’État français a également rendu hommage à sa veuve, Malika Boumendjel, décédée au mois d’août 2020 à l’âge de 101 ans, qui avait consacrée sa vie à rechercher la vérité sur le sort qui avait été réservé à son époux. Le communiqué cite également le nom du général Paul Aussaresse comme étant l’instigateur de l’assassinat de Boumendjel.

«Au cœur de la Bataille d’Alger, il fut arrêté par l’armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957. Paul Aussaresses avoua lui-même avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide», précise le communiqué officiel de l’Élysée.

Alger salue la reconnaissance

La reconnaissance de la torture subie par Ali Boumendjel et de son assassinat a donné lieu à des réactions diverses en France. Marine Le Pen y voit une volonté du Président Macron «d’envoyer des signaux désastreux de repentance, de division et de haine de soi».

De l'autre côté de la méditerranée, «l'Algérie a pris acte avec satisfaction la décision du Président français, Emmanuel Macron, le mardi 2 mars 2021, de rendre hommage au chahid (martyr, ndlr) Ali Boumendjel, en reconnaissant le parcours de lutte du défunt, arrêté en Algérie en 1957, placé en détention et torturé jusqu'à sa mort en martyr.» peut-on lire dans un communiqué publié jeudi 4 mars, par l'agence officielle algérienne APS. Contacté par Sputnik, il indique que l’acte d’Emmanuel Macron a une «portée doublement symbolique», avec la reconnaissance de l'assassinat et de la pratique de la torture.

«À travers la déclaration du Président Macron, la France officielle reconnaît la torture puis l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel. Avouer que de telles pratiques ont eu lieu durant la guerre d’Algérie, notamment en 1957 lors de la bataille d’Alger, est extrêmement important. Mais Ali Boumendjel est loin d’être un cas isolé. Larbi Ben M’hidi, chef de la zone autonome d’Alger, a subi la même chose et est mort dans des conditions identiques. Idem pour Slimane Asselah qui était psychiatre et élève de Franz Fanon. Mort le 4 mars 1957, son corps a totalement disparu. Il y a également Nadji Abbas Turki, un commerçant de 22 ans dont plusieurs témoignages attestent qu’il a été torturé par un certain Jean-Marie Le Pen», explique Hassan Arab.

Emmanuel Macron et Benjamin Stora - Sputnik Afrique, 1920, 22.01.2021
Le rapport Stora vu d’Alger: un travail «francocentriste» destiné aux «algéronostalgiques»
La reconnaissance française fait partie des recommandations du rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie rédigé par Benjamin Stora, et remis au Président français le 20 janvier dernier. «Poursuivons ensemble, par des actes, l'indispensable travail de reconnaissance», avait alors indiqué le Président Emmanuel Macron en recevant le document des mains de l’historien originaire de Constantine. La reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel est donc une nouvelle étape de ce processus engagé par l’Élysée. Hassan Arab estime nécessaire que la partie française rouvre au plus vite d’autres dossiers liés aux crimes coloniaux.

«Ce premier geste pourrait être le prélude à la reconnaissance des crimes coloniaux, du moins ceux commis durant la guerre de libération. De très nombreux dossiers sont en instance depuis plus de six décennies. À titre d’exemple, les membres de la wilaya IV -région située au centre de l’Algérie selon un découpage du Front de libération nationale (FLN) durant la guerre de libération- réclament depuis des années les dépouilles de Mohamed Bouguerra et Djilali Bounaâma, leurs chefs charismatiques. Ils ont perdu la vie durant des batailles mais leurs corps ont été emportés par l’armée française», souligne-t-il.

Retombées radioactives

L’indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires français effectués dans le Sahara de 1960 à 1966 figure également sur la longue liste des dossiers inclus dans le chapitre des crimes coloniaux. Pour l’heure, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français (CIVEN) n’a pris en considération que les demandes introduites par les victimes françaises, essentiellement d’anciens militaires. Une situation discriminatoire pour les autorités algériennes.

«L’opinion publique internationale a découvert avec une certaine inquiétude que le sable du Sahara, parvenu jusqu’en Europe, est radioactif. Mais la France n’a jamais reconnu les conséquences criminelles de ces essais alors que les Algériens sont confrontés quotidiennement à la radioactivité. Il est temps que les autorités françaises prennent en compte les demandes d’indemnisation des victimes algériennes.
Emmanuel Macron peut prendre une décision historique en reconnaissant officiellement la globalité des crimes coloniaux commis par la France en Algérie», ajoute Hassan Arab.
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