Nucléaire iranien: «les USA ne peuvent pas se permettre que l’Iran reste dans le camp chinois»

© AP Photo / Lintao Zhang/Pool PhotoLe ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, à droite, et le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, à gauche, assistent à une réunion bilatérale mardi 15 septembre 2015 à Pékin, Chine
Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, à droite, et le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, à gauche, assistent à une réunion bilatérale mardi 15 septembre 2015 à Pékin, Chine - Sputnik Afrique, 1920, 21.04.2021
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Washington et Téhéran veulent-ils s’entendre sur le nucléaire iranien? Malgré les tensions entre l’Iran et Israël, les pourparlers de Vienne se poursuivent. L’avocat franco-iranien Ardavan Amir-Aslani juge que les États-Unis et l’Iran parviendront à un accord satisfaisant. Mais peu de chance qu’il soit promulgué avant les élections iraniennes.

Trois ans après le retrait fracassant des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien par Donald Trump et les multiples tensions qui en ont découlé, les pourparlers entre Téhéran et Washington ont repris ces derniers jours à Vienne.

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Si les négociations ont encore lieu de manière indirecte, elles confirment la volonté aussi bien des États-Unis que de l’Iran de parvenir à une entente. Un point de vue développé par l’avocat franco-iranien Ardavan Amir-Aslani dans le dernier entretien de Lignes Rouges.Ce spécialiste de l’Iran soutient en effet qu’un accord entre Washington et Téhéran répondrait aux aspirations politiques des deux pays:

«Aujourd’hui, les États-Unis ne peuvent pas se permettre de rester dans cette situation d’animosité et d’antagonisme face à l’Iran. [Parce que, ndlr] l’Iran est la garantie de l’indépendance énergétique de la Chine. C’est le seul pays qui dispose des gisements miniers d’importance qui ne sont pas sous la domination américaine», avance-t-il.

Amorcée sous Barack Obama et intensifiée sous Donald Trump, la rivalité américano-chinoise sera bien le grand défi de la nouvelle Administration Biden.

Le désengagement US du Moyen-Orient passe par Téhéran

Et pour tenter de contrecarrer la domination de Pékin, qui passe par le développement et l’obtention des richesses naturelles de l’Iran, estime Ardavan Amir-Aslani, les États-Unis devraient chercher à éloigner l’Iran de la puissance de l’Empire du Milieu:

«On le constate aujourd’hui, les États-Unis sont rentrés dans une phase totalement conflictuelle avec la Chine. Et donc en pratique, les États-Unis sont obligés de faire en sorte qu’il y ait une dépendance chinoise face aux ressources énergétiques des États-Unis ou sous contrôle américain. Donc les États-Unis ne peuvent pas se permettre que l’Iran reste dans le camp chinois.»

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Discuté quelques mois après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, le «pacte de coopération stratégique de 25 ans» entre Téhéran et Pékin a été annoncé en juillet 2020 et signé le 27 mars dernier. Un partenariat conclu permettant à l’Iran d’exporter ses matières premières et particulièrement son pétrole contre des investissements chinois, d’un montant annoncé de 400 milliards de dollars. Mais au-delà du secteur commercial, une paix conclue avec l’Iran permettrait aux États-Unis de poursuivre sereinement leur désengagement, notamment militaire, du Moyen-Orient:

«Quand on parle de l’Iran, on parle de la Syrie, de l’Irak, du Liban, du Yémen, de l’Afghanistan. Le Président Biden a annoncé que les États-Unis envisageaient de se retirer le 11 septembre prochain d’Afghanistan. Croyez-vous qu’une telle chose soit possible sans au moins la neutralité iranienne?»

Ainsi, l’Administration Biden chercherait-elle à tout prix à conclure un accord avec la République islamique. Mais contrairement à celui de 2015, Washington voudrait y intégrer, outre la question du nucléaire, celles du balistique et de l’influence iranienne dans toute la région.Cependant, Téhéran a clamé pendant des années sous Trump, et l’a rappelé depuis l’avènement de Joe Biden, qu’il n’acceptait aucune discussion en dehors du sujet du nucléaire.

Téhéran accepterait-il un accord global?

Dans les faits, pour Ardavan Amir-Aslani, l’Iran souhaiterait aussi un grand deal (nucléaire, balistique, influence régionale), puisque le précédent, qui ne comprenait que la question nucléaire, n’a donné aucun résultat positif pour Téhéran:

«Les Iraniens ont constaté que cet accord du 14 juillet 2015 ne sert à rien. McKenzie, le lendemain de cet accord, a sorti un rapport qui annonçait que l’Iran pouvait recevoir potentiellement 1.000 milliards de dollars d’investissements sur les 20 années qui allaient suivre. En pratique, l’Iran n’a même pas reçu cinq milliards.»

Ces multiples investissements étrangers devaient permettre à l’Iran de moderniser un pays de plus de 80 millions d’habitants. Mais la non-levée des sanctions par le Congrès américain sous Trump puis l’imposition de nouvelles par ce dernier ont empêché la respiration économique et financière dont l’Iran a tant besoin.

«Donc partir à nouveau dans un accord qui a prouvé son inefficacité n’est pas la panacée pour les Iraniens. Il leur appartient aujourd’hui de négocier un grand accord global avec les Américains, qui ne seraient se résumer au retour des États-Unis dans l’accord sur le nucléaire.»

Mais si Washington et Téhéran semblent obligés de s’entendre, ont-ils intérêt à le faire maintenant?En effet, le Président modéré Hassan Rohani pourrait quitter ses fonctions dans moins de deux mois, en cas de défaite au scrutin du 18 juin prochain.

Considérations politiciennes, obstacle à un accord

Et les conservateurs, qui ont dominé les dernières élections législatives, ont toutes les chances de l’emporter dans la situation actuelle:

«S’il y a un accord avant les élections présidentielles iraniennes, cela donnerait un coup de boost majeur au candidat “pragmatique et réformateur” de la tendance de Rohani. Une chose que les conservateurs, beaucoup plus proches du Guide suprême, ne pourraient tolérer et accepter. Et je vois difficilement le Guide entériner un accord qui profiterait à ceux qui ne sont pas de son camp.»

Ardavan Amir-Aslani, auteur de nombreux ouvrages de géopolitique dont Le siècle des défis: Grands enjeux géostratégiques internationaux (Éd. l’Archipel), n’envisage pas que Téhéran valide prochainement un nouvel accord. Et il peut en être de même pour Washington:

«Je vois difficilement comment l’Administration Biden, qui contrôle à peine le Sénat, peut se mettre les Démocrates à dos. […] Biden ne peut pas se permettre aujourd’hui, au bout d’un premier rendez-vous depuis quelques jours, d’aboutir à un accord à la grande stupéfaction de tous.»

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En effet, aux États-Unis, la majorité des sénateurs, qu’ils soient Républicains ou Démocrates, continuent de nourrir une grande animosité contre la République islamique. Cette opposition explique aussi pourquoi Joe Biden, qui en a pourtant le pouvoir en tant que Président, n’a pas levé certaines sanctions, ce qu’avait réclamé Téhéran.

Cependant une fois que les sujets négociés seront acceptés par toutes les parties et que chacune y trouvera son compte, un accord pourrait voir le jour. S’il a donc peu de chance d’être annoncé prochainement, il conviendra de scruter les pourparlers de Vienne dont le prochain round aura lieu la semaine prochaine.

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