Les USA attaquent les finances du Hezbollah, au risque d’aggraver la crise libanaise

© Sputnik . Zahraa El-AmirDrapeaux libanais et du Hezbollah à Jaroud Ersal
Drapeaux libanais et du Hezbollah à Jaroud Ersal - Sputnik Afrique, 1920, 12.05.2021
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Le département du Trésor américain a annoncé des sanctions contre des personnalités du Hezbollah. Les États-Unis continuent d’attaquer les finances du parti chiite pour saper son influence au Moyen-Orient. Une action qui s’accompagne d’une influence sur le terrain, via des réseaux locaux, explique Fadi Assaf, politologue libanais.

L’Administration Biden ne déroge pas à la règle, le Hezbollah reste l’ennemi de Washington. Le 11 mai, le Bureau du contrôle des avoirs étrangers (Office of Foreign Assets Control - OFAC) du Département du Trésor américain a sanctionné sept personnes affiliées au puissant parti chiite libanais. L’association Al Qard el Hassan est également ciblée par les États-Unis. Proche du mouvement pro-iranien, celle-ci a été fondée en 1982 et opère comme une banque, avec 30 filiales.

«L’Administration Biden maintient et accentue la pression sur les réseaux de financement du Hezbollah, dans sa double dimension libanaise et globale», résume au micro de Sputnik Fadi Assaf, fondateur de Middle East Strategic Perspectives, un cabinet de conseil basé à Beyrouth.

Selon les termes du communiqué officiel du Trésor américain, Al Qard el Hassan est une structure «utilisée par le Hezbollah comme couverture pour gérer les activités financières du groupe terroriste et accéder au système financier international.» Les personnes visées par les sanctions auraient transféré plus de 500 millions de dollars au Hezbollah, malgré les sanctions déjà en vigueur. Andrea Gacki, directeur de l’OFAC, a quant à lui déclaré que le Hezbollah continuait «d’abuser du secteur financier libanais et de drainer les ressources financières du Liban à un moment déjà difficile.»

Washington continue ainsi d’attaquer le parti chiite au portefeuille. «Le message qu’adresse Biden au Hezbollah est clair: il ne veut pas que le Hezbollah puisse avoir une autonomie financière qui lui permettre de dominer totalement la scène politique», précise Fadi Assaf. Et cette logique ne date pas d’hier. Après avoir classé le mouvement parmi les organisations terroristes en 1995, Washington a pris les premières sanctions contre le parti chiite dès 1996. La loi d’Amato-Kennedy sanctionnait la Syrie et l’Iran pour le soutien apporté au mouvement libanais. Or, depuis, les mesures prises par Washington sont de plus en plus ciblées.

Washington veut rendre le Hezbollah impopulaire au Liban

Cherchant coûte que coûte à couper les vivres du Hezbollah, le gouvernement américain a déjà procédé à une série de mesures coercitives contre plusieurs personnalités proches du parti de Dieu. En 2015, le Président Obama promulguait le «Hezbollah International Financing Prevention Act». Ce décret permettait de geler les avoirs aux États-Unis de tout individu ou entité soupçonnée de financer le Hezbollah ou d’avoir un quelconque lien avec le mouvement.

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Depuis, les autorités américaines sanctionnent directement des dirigeants du parti. En septembre dernier, le Trésor américain avait en effet ciblé deux personnalités libanaises accusées d’avoir aidé le mouvement chiite. Il s’agissait de Youssef Fenianos, ancien ministre des Transports, et de l’ancien ministre des Finances, Ali Hassan Khalil. Le Hezbollah avait réagi en affirmant que «tout ce qui émane de cette Administration (américaine) est condamné et rejeté.» Mais pour Fadi Assaf, certains mécanismes bancaires ont été mis en place pour tenter de contourner les sanctions américaines.

«Les banques libanaises, qui s’efforçaient de respecter les directives américaines, étaient tentées, pour des raisons politiques et mercantiles, de détourner leur regard pour laisser faire de telles opérations au profit du Hezbollah. L’Administration US semble peu se soucier d’enfoncer en même temps les banques libanaises, qui se retrouvent prises au piège de leurs propres contradictions», estime-t-il.

Washington n’hésiterait donc pas à plonger le Liban encore plus dans la crise pour s’en prendre au Hezbollah. Par le biais de ces nouvelles sanctions, et craignant un Hezbollah tout-puissant, la logique américaine serait donc finalement de rendre impopulaire le parti chiite aux yeux du peuple libanais. Une politique qui s’appuie également sur diverses formes de pressions.

Les États-Unis financent des ONG contre le Hezbollah

De fait, indépendamment des sanctions économiques, le gouvernement américain a mis en place une série de mesures visant à saper l’influence du Hezbollah. Par l’intermédiaire d’un réseau associatif, éducatif et journalistique, la diplomatie publique américaine tente de nuire à l’image du parti chiite.

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Ainsi, Washington a-t-il financé un organisme humanitaire local, le MEPI (Middle East Partnership Initiative) pour contrer les actions entreprises par le mouvement pro-iranien. Mais ce financement touche également des partis politiques hostiles ainsi que des médias locaux et régionaux. "Les pays qui s’opposent à l’influence iranienne au Liban et au Levant, disposent d’une panoplie de moyens pour contenir cette influence" explique le politologue. De plus, les dirigeants américains feraient pression sur ses partenaires européens pour qu’ils classent le Hezbollah dans la liste des organisations terroristes. Après le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Serbie, la Lettonie a accédé à cette demande en décembre dernier, une décision saluée par les États-Unis. Si Paris a classé l’organisation militaire du Hezbollah parmi les organisations terroristes, elle se refuse pour l’instant à le faire pour sa branche politique.

Derrière ces pressions américaines se cache une inconnue. En pleines négociations avec l’Iran, Washington aurait-il commis une erreur en sanctionnant les finances du Hezbollah?

«Par les pressions qu’elle exerce contre les milices pro-iraniennes au Levant et dans l’ensemble de la région, dont font partie les nouvelles sanctions contre la “banque” du Hezbollah, l’Administration US s’invite aussi dans le jeu politique interne en Iran, avec toujours l’ambition d’appuyer en sous-main le camp des réformateurs», estime Fadi Assaf.
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