Les criminels nazis vus par le procureur militaire de Leipzig Dmitri Reznitchenko

Les juges du Tribunal militaire international
Les juges du Tribunal militaire international - Sputnik Afrique, 1920, 31.07.2021
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Le projet «Nuremberg. Début de la paix» publie des photos uniques des archives du procureur militaire de la garnison de Leipzig Dmitri Reznitchenko.

Le nom de cet homme, qui a pris une part active à l’organisation du procès de Nuremberg, n’est presque pas mentionné dans les articles et ouvrages sur l’histoire de ce tribunal international. Sputnik comble cette lacune.

© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoDossier personnel de Dmitri Reznitchenko. Dmitri Reznitchenko entre au service militaire en 1935 à l’âge de 23 ans.
Les criminels nazis vus par le procureur militaire de Leipzig Dmitri Reznitchenko - Sputnik Afrique, 1920, 31.07.2021
Dossier personnel de Dmitri Reznitchenko. Dmitri Reznitchenko entre au service militaire en 1935 à l’âge de 23 ans.

En mars 2021, un habitant de la région de Moscou, Igor Reznitchenko, est venu à la rédaction de notre projet. Il possédait des archives uniques appartenant à feu son grand-père, un procureur militaire. Un seul coup d’œil de notre rédacteur sur les chemises et cartons contenant des photos et des notes a suffi pour comprendre: nous avions affaire à des documents exclusifs uniques. Dès le début du travail d'analyse sur ces documents consacrés au procès de Nuremberg nous avons constaté qu’ils étaient émaillés d’un nom qui nous était inconnu, celui de Dmitri Reznitchenko. Il nous a fallu du temps pour comprendre que cet homme avait laissé l'un de ces témoignages peu nombreux faisant la lumière sur la mort mystérieuse d’un autre procureur soviétique, Nikolaï Zoria.

© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoDmitri Reznitchenko en 1945
Les criminels nazis vus par le procureur militaire de Leipzig Dmitri Reznitchenko - Sputnik Afrique, 1920, 31.07.2021
Dmitri Reznitchenko en 1945

À notre grand regret, les recherches sur Internet fournissent très peu d’informations sur cette personne qui a joué un rôle non négligeable dans l’organisation du procès de Nuremberg. Il n’a pas pris la parole pendant le procès, n’a pas publié de mémoires et était un homme assez discret, ce qui était inévitable étant donné sa profession. Même malgré la coopération bienveillante de son petit-fils, nous n’avons appris que les étapes clés de la biographie de Dmitri Reznitchenko et il ne nous reste qu’à deviner ce qui se trouve derrière.

© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoRoman Roudenko, accusateur en chef pour l’Union soviétique pendant le procès de Nuremberg
Roman Roudenko, accusateur en chef pour l’Union soviétique pendant le procès de Nuremberg - Sputnik Afrique
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Roman Roudenko, accusateur en chef pour l’Union soviétique pendant le procès de Nuremberg
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoMark Raguinski, conseiller de l’accusateur en chef soviétique, Iouri Pokrovski, accusateur en chef adjoint, et Dmitri Reznitchenko, procureur militaire de Leipzig
Mark Raguinski, conseiller de l’accusateur en chef soviétique, Iouri Pokrovski, accusateur en chef adjoint, et Dmitri Reznitchenko, procureur militaire de Leipzig - Sputnik Afrique
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Mark Raguinski, conseiller de l’accusateur en chef soviétique, Iouri Pokrovski, accusateur en chef adjoint, et Dmitri Reznitchenko, procureur militaire de Leipzig
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoAssistant et adjoint de l’accusateur en chef soviétique
Assistant et adjoint de l’accusateur en chef soviétique - Sputnik Afrique
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Assistant et adjoint de l’accusateur en chef soviétique
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoGuéorgui Alexandrov, assistant de l’accusateur soviétique, interroge un témoin, le général de la Wehrmacht Heinz Guderian
Guéorgui Alexandrov, assistant de l’accusateur soviétique, interroge un témoin, le général de la Wehrmacht Heinz Guderian - Sputnik Afrique
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Guéorgui Alexandrov, assistant de l’accusateur soviétique, interroge un témoin, le général de la Wehrmacht Heinz Guderian
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Membre soviétique du Tribunal, le général de justice Iona Nikitchenko et son adjoint, le colonel Alexandre Voltchkov
Membre soviétique du Tribunal, le général de justice Iona Nikitchenko et son adjoint, le colonel Alexandre Voltchkov - Sputnik Afrique
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Membre soviétique du Tribunal, le général de justice Iona Nikitchenko et son adjoint, le colonel Alexandre Voltchkov
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoRoman Roudenko, accusateur en chef pour l’Union soviétique, étudie des documents lors d’une séance du Tribunal international
Roman Roudenko, accusateur en chef pour l’Union soviétique, étudie des documents lors d’une séance du Tribunal international - Sputnik Afrique
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Roman Roudenko, accusateur en chef pour l’Union soviétique, étudie des documents lors d’une séance du Tribunal international
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoDes prévenus du Tribunal de Nuremberg
Des prévenus du Tribunal de Nuremberg - Sputnik Afrique
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Des prévenus du Tribunal de Nuremberg
© Sputnik . Photo de l’envoyé spécial de l’agence TASS Evguéni KhaldeïLa salle du Tribunal militaire international. Photo de l’envoyé spécial de l’agence TASS Evguéni Khaldeï
La salle du Tribunal militaire international. Photo de l’envoyé spécial de l’agence TASS Evguéni Khaldeï - Sputnik Afrique
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La salle du Tribunal militaire international. Photo de l’envoyé spécial de l’agence TASS Evguéni Khaldeï
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoUn vœu autographe de Roman Roudenko sur le revers de la photo de la salle du Tribunal international
Un vœu autographe de Roman Roudenko sur le revers de la photo de la salle du Tribunal international - Sputnik Afrique
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Un vœu autographe de Roman Roudenko sur le revers de la photo de la salle du Tribunal international
Vue de la salle du Tribunal international
Vue de la salle du Tribunal international - Sputnik Afrique
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Vue de la salle du Tribunal international
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoAu banc des accusés du tribunal international
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Au banc des accusés du tribunal international
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoAu banc des accusés du tribunal international
Au banc des accusés du tribunal international - Sputnik Afrique
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Au banc des accusés du tribunal international
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoNotes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946
Notes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946 - Sputnik Afrique
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Notes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946
© Sputnik . Pavel Bednyakov/Archives de la famille ReznitchenkoNotes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946
Notes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946 - Sputnik Afrique
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Notes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946
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Notes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946  - Sputnik Afrique
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Notes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946
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Roman Roudenko, accusateur en chef pour l’Union soviétique pendant le procès de Nuremberg
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Mark Raguinski, conseiller de l’accusateur en chef soviétique, Iouri Pokrovski, accusateur en chef adjoint, et Dmitri Reznitchenko, procureur militaire de Leipzig
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Assistant et adjoint de l’accusateur en chef soviétique
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Guéorgui Alexandrov, assistant de l’accusateur soviétique, interroge un témoin, le général de la Wehrmacht Heinz Guderian
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Membre soviétique du Tribunal, le général de justice Iona Nikitchenko et son adjoint, le colonel Alexandre Voltchkov
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Roman Roudenko, accusateur en chef pour l’Union soviétique, étudie des documents lors d’une séance du Tribunal international
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Des prévenus du Tribunal de Nuremberg
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La salle du Tribunal militaire international. Photo de l’envoyé spécial de l’agence TASS Evguéni Khaldeï
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Un vœu autographe de Roman Roudenko sur le revers de la photo de la salle du Tribunal international
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Vue de la salle du Tribunal international
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Au banc des accusés du tribunal international
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Au banc des accusés du tribunal international
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Notes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946
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Notes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946
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Notes de Dmitri Reznitchenko sur le verdict du tribunal de Nuremberg. 1er octobre 1946

Sa carrière est tout à fait classique. Il est né peu avant la révolution soviétique, le 17 octobre 1913, dans une famille de paysans du village d’Andreïevka du district de Zmiev dans le gouvernement de Kharkov. Pendant six ans il a fait ses études à l’école de son village. Il a passé sa septième année d’études à Makeïevka avant de se faire embaucher comme apprenti mécanicien à l’usine Kirov de cette même ville. Après son apprentissage il a poursuivi ses études aux cours du Comité Central des jeunesses communistes à Odessa, puis suivi des cours juridiques à Kharkov avant de devenir juge d’instruction dans la ville de Krasny Loutch, au sein de la région de Donetsk.

En 1935, ce jeune Ukrainien est enrôlé dans l’Armée rouge. En 1937, il termine l’école de sous-officiers de la 5e brigade blindée de la région militaire de Kharkov.

Entre 1937 et 1940, Dmitri Reznitchenko travaille comme juge d’instruction militaire dans la région militaire de Kiev. Pendant la guerre soviéto-finlandaise il est muté dans la 60e division d’infanterie du 15e corps d’infanterie du front de Nord-Ouest. La campagne ne dure pas longtemps et de 1940 à 1941 il est procureur militaire dans des divisions de la région militaire de Kiev. Pendant la Grande Guerre patriotique, la région est transformée d’abord en front du Sud-Ouest, puis en front de Stalingrad. Entre 1942 et 1945, Dmitri Reznitchenko est procureur militaire adjoint dans des unités plus importantes: d’abord dans la 5e armée blindée du front de Sud-Ouest, puis dans la 28e et la 61e armées du front de Biélorussie.

«Grand-père gardait un nécessaire de rasage dans un étui en cuir: un boîtier pour le blaireau, deux rasoirs, un boîtier pour la crème. Une fois il m’a raconté que c’était un nécessaire allemand, nous a confié son petit-fils Igor Reznitchenko. Grand-père est allé inspecter une unité, ils ont beaucoup travaillé et se sont endormis à la belle étoile. Un raid aérien allemand a eu lieu cette nuit. Réveillé, grand-père est sorti de l’abri et a tiré une rafale sur un avion allemand. Ce dernier est tombé doucement, sans exploser, parce que grand-père avait atteint le pilote. Ce dernier portait un sac avec des documents, des cartes et ce nécessaire de rasage. Lorsque grand-père a rendu les affaires du pilote tué au commandant de l’unité, il lui a offert le nécessaire en disant: "Tiens, ce sera ton trophée"». 

Dmitri Reznitchenko termine la guerre à Berlin. Il a été décoré de quatre ordres de la Guerre patriotique, de deux ordres de l’Étoile rouge, de médailles du Courage, du Mérite au combat, pour la Défense de Stalingrad, pour la prise de Berlin et pour la Victoire sur l’Allemagne dans la Grande Guerre patriotique de 1941-1945.

Le 31 octobre 1945, il est nommé procureur militaire de la garnison de Leipzig avec pour mission d’enquêter sur tous les délits et crimes commis dans cette unité militaire. En outre, il prend part à la préparation du procès de Nuremberg. Il fait partie du ministère public soviétique et collecte des témoignages concernant les crimes nazis sur le territoire occupé de l’URSS, en premier lieu en Ukraine. Il est notoire qu’il a enquêté sur cela dès l’époque de la guerre, mais les traces de son travail dans les organes de la Commission extraordinaire d’État chargée de l’instruction et de l’établissement des crimes des envahisseurs allemands nazis n’ont pas été retrouvées.

«Je lui ai demandé plusieurs fois de raconter des épisodes inconnus du procès de Nuremberg, mais la réponse était toujours la même, se souvient Igor Reznitchenko. Il disait: "Je ne veux pas m’en souvenir parce que c’est abject, et bien que j’aie dû le ressasser je ne vais pas y revenir." De plus, il était apparemment lié à une obligation de ne pas divulguer les événements absents des documents officiels».

Néanmoins, les archives familiales donnent une idée du caractère du procureur militaire. Même les notes officielles laconiques sur le verdict du tribunal de Nuremberg portent son empreinte émotionnelle concernant les prévenus. Ce procureur expérimenté ne parvient pas à se retenir et qualifie von Ribbentrop de lâche, Kaltenbrunner de loup enragé et von Papen de grand espion et saboteur international.

Après le procès, Dmitri Reznitchenko revient en URSS et poursuit son service au parquet militaire. En 1947 et 1948 il suit des cours de formation continue pour les juristes militaires auprès de l’Académie militaire de Moscou et en 1948 il est nommé procureur militaire de la garnison d’Odessa. De 1952 à 1954 il est procureur militaire adjoint par intérim de la garnison de Kazan.

Lui et sa femme Ekaterina Reznitchenko (née Lioubomichtchenko) ont deux enfants. En mars 1954, il est envoyé à la retraite pour cause de maladie avec le grade de lieutenant-colonel. Il déménage dans le territoire de Krasnodar où il se construit une maison et plante un jardin. 

«Il était un homme assez sévère, mais peu rancunier et doux, se souvient Igor Reznitchenko. Jusqu’à la fin de ses jours il restait fidèle à ses habitudes: à une heure précise, il prenait place sur un canapé, allumait la radio, écoutait les informations et fumait ses cigarettes à bout cartonné Biélomor. Il mangeait toujours à la même heure, le déjeuner a toujours été accompagné d’un petit verre. Il aimait le jardinage, la raison pour laquelle ma grand-mère et lui ont déménagé dans le Sud. Il cultivait des vignes, des pêchers, des pommiers, des abricotiers.»

Dmitri Reznitchenko est décédé le 27 mars 1991 à Krasnodar.

La rédaction remercie Igor Reznitchenko d'avoir prêté des photos et d’autres documents des archives de famille.

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