Après la Russie, la Chine est-elle devenue l’ennemi public numéro 1 des Occidentaux?

© AP Photo / Thibault CamusEmmanuel Macron et Xi Jinping
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Subissant les foudres de l’Occident, la Chine a adopté une communication plus qu’agressive. Retour sur cette escalade de tensions médiatique, diplomatique et commerciale depuis la crise sanitaire avec Pierre Picquart, géopolitologue, spécialiste de la Chine.

«Nous aurions tort, en Europe et dans le monde occidental en général, de nous servir de la Chine comme d’un bouc émissaire à nos incapacités à remonter la pente»: les propos de Maurice Gourdault-Montagne, ancien ambassadeur de France à Pékin, recueillis le 30 juillet dans la revue L’Hémicycle sonnent fort à propos.

Tandis qu’Européens et Américains dénoncent tour à tour la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, qualifiant les autonomistes de «terroristes», les traitements subis par les Ouïghours ou encore les pratiques d’espionnage, la réponse de Pékin se fait offensive. Interrogé par Sputnik, Pierre Picquart, géopolitologue et spécialiste du pays, considère que «la Chine a décidé de ne pas se laisser marcher sur les pieds».

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De nouvelles relations entre Occidentaux et Chinois ont émergé du fait de la crise sanitaire. Alors que Donald Trump a accusé Pékin d’être à l’origine du Covid-19, le qualifiant de «virus chinois», Pékin a vivement riposté, évoquant des cas antérieurs d’infection en Italie et en Chine. Les Chinois espionnent les États-Unis, Donald Trump décide en représailles de fermer le consulat chinois de Houston. Ce à quoi Xi Jinping répond par la fermeture du consulat américain de Chengdu.

«Une tentative de déstabilisation» 

Difficile de ne pas échapper au haro politico-médiatique dirigé contre la Chine, à tort ou à raison. L’image de la Chine a donc pris un sérieux coup en Occident ces derniers temps. Pierre Picquart le confirme: «la Chine nous fait peur», évoquant même «une tentative de déstabilisation». À l’instar du diplomate français précédemment cité, Pierre Picquart estime que Pékin constitue un «bouc émissaire» parce qu’elle est «en position de force» face aux atermoiements européens et américains.

«Vous n’avez qu’à regarder la presse occidentale […] Vous avez des articles qui ne sont pas vérifiés qui font la une de tous les journaux mondiaux […] En géopolitique, l’éducation, les médias et l’opinion publique font partie de la politique […] On est vraiment dans les fake news.»

C’est le cas notamment du nombre officiel de morts en Chine, qui a suscité maintes polémiques, Pékin n’ayant déclaré jusqu’à maintenant que 4.634 décès. Ou de la mainmise chinoise sur l’OMC, organisation qui s’est attirée les foudres de Donald Trump.

​Alors que la demande mondiale a drastiquement chuté suite au confinement d’une grande partie de la population mondiale, l’«atelier du monde» semble avoir mieux traversé la pandémie que ses concurrents. Ainsi, la croissance chinoise au deuxième trimestre est-elle positive, atteignant 3,2%. C’est Pascal Boniface, le directeur de l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) qui, dans Le Parisien, déclare que «la Chine sort gagnante de la pandémie», révélant des tendances lourdes préexistantes, notamment le rattrapage économique des États-Unis. Avec la contraction du PIB américain de 32,9% au second trimestre, le phénomène pourrait s’avérer plus rapide que prévu.

La puissance établie craint-elle de se voir dépasser par la puissance ascendante, au point d’entrer en conflit avec cette dernière? C’est le scénario du «Piège de Thucydide», théorisé par le professeur de Harvard Graham Allison. Washington semble se rapprocher d’un conflit direct ou tout du moins d’une nouvelle guerre froide avec l’Empire du Milieu. Selon Picquart, la Chine exprime une vision multipolaire face aux États-Unis, un pays qui «est toujours en guerre quelque part et veut imposer sa loi». Se défendant de toute naïveté, le géopolitologue prédit que Pékin «ne refera pas l’erreur d’être en confrontation directe».

Les «Loups guerriers»

Le signe de l’évolution des rapports de forces? Le fait que Pékin n’accepte plus aucune critique, estime Barthélémy Courmont, chercheur à l’IRIS, interrogé le 22 juillet par Sputnik. Un changement de ton qui aurait selon lui pris corps il y a deux ou trois ans, illustré par le discours de Xi Jinping lors du 70e anniversaire de la République populaire de Chine à l’automne 2019.

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Et le blockbuster chinois Wolf Warrior, sorti en 2015, aurait fait le reste: comme le décrit RFI, son héros invincible, Leng Feng, est comparable au personnage de Rambo, mais tout en exaltant les valeurs chinoises. Il n’en fallait pas plus pour qualifier les diplomates chinois de «loups guerriers» qui, depuis le début de la pandémie, se sont fait remarquer pour leurs sorties offensives. C’est le cas de Lu Shaye, l’ambassadeur chinois à Paris, qui a provoqué un tollé médiatique en dénigrant publiquement l’Occident au mois d’avril: il a même été convoqué au Quai d’Orsay pour s’expliquer. En mars, le compte Twitter de la même ambassade avait évoqué d’éventuelles responsabilités américaines sur le déclenchement de la pandémie:

«La Chine essaie de contrôler son information, d’avoir un langage clair,» justifie Picquard. Ce message clairement offensif est également associé à une diplomatie sanitaire, notamment par l’envoi de millions de masques à l’étranger. Une opération qualifiée de «route de la soie de la santé». Une stratégie peu goûtée par Amélie de Montchalin, secrétaire d’État aux Affaires européennes, qui a notamment reproché à Pékin «d’instrumentaliser» son aide internationale et de la «mettre en scène».

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