«Le Frexit pourrait l’emporter»: 60% des Français désormais favorables au protectionnisme

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Une majorité de Français se déclare favorable au protectionnisme, selon un sondage OpinionWay pour le Printemps de l'économie et l'Inseec U. Un chiffre en forte augmentation depuis la crise du Covid-19. Pour Charles-Henri Gallois, président de Génération Frexit, il s’agit d’une tendance de fond qui pourrait mener à un référendum sur le Frexit.

Ils étaient déjà majoritaires, ils sont encore plus nombreux. Selon deux vagues d’un sondage OpinionWay pour le Printemps de l'économie et l'Inseec U, la part de Français favorables au protectionnisme est passée de 51% en mars à désormais 60%.

«C’est une tendance de fond. Ce sondage confirme le désir de protection des Français qui ressortait déjà du baromètre annuel "Fractures françaises". Ils sont de plus en plus favorables au protectionnisme et leur sentiment s’est vu renforcé par la crise du Covid-19», se félicite au micro de Sputnik Charles-Henri Gallois, président de Génération Frexit et ex-cadre de l’UPR.

Ce dernier fait référence à la 8e vague du baromètre annuel «Fractures françaises» réalisée par Ipsos/Sopra Steria pour Le Monde, le Cevipof, La Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne, et publiée en septembre dernier. L’enquête montre que 60% des Français interrogés considèrent la mondialisation comme «une menace pour la France» et que 65% estiment que «la France doit se protéger davantage du monde d’aujourd’hui», un niveau jamais observé depuis la création de ce baromètre.

​Charles-Henri Gallois est persuadé que la crise du Covid-19 a mis en exergue que «la souveraineté n’est pas un concept fumeux mais se constate au quotidien»:

«En cas de crise majeure, un pays va en priorité tenter de protéger sa population et l’approvisionner en premier au détriment des autres. Et c’est normal. C’est bien pour cette raison qu’au début de l’épidémie, la France s’est retrouvée en pénurie de masques et autres respirateurs dans les hôpitaux.»

L’ex-cadre de l’UPR fait notamment référence à ce qui a été pointé par de nombreux observateurs comme un manque de solidarité européenne au début de la crise du Covid-19. En mars dernier, devant la propagation du virus, l’Allemagne avait interdit l’exportation de matériel médical de protection.

«Quand vous comptez sur la Chine pour importer des produits qui s’avèrent de première nécessité en cas de crise, vous vous retrouvez dans une situation compliquée. Cette volonté de sous-traiter à l’autre bout du monde, en plus de causer des problèmes économiques, une désindustrialisation massive et du chômage, pose un problème d’autonomie.»

Si le désir de protection des Français s’accroît, selon le sondage OpinionWay pour le Printemps de l'économie et l'Inseec U, c’est précisément l’inverse concernant les partisans du libre-échange qui passent de 46% à 35%.

Les jeunes moins friands d’un monde ouvert?

Pas étonnant pour Charles-Henri Gallois, auteur de «Les Illusions économiques de l'UE», aux éditions Fauves:

«Les arguments en faveur du libre-échange tentent de faire passer le protectionnisme pour un projet d’isolement type nord-coréen. C’est totalement faux. La France faisait du protectionnisme intelligent durant les Trente glorieuses. Les échanges commerciaux se faisaient dans un cadre loyal qui limitait la concurrence faussée, au contraire de ce qui se passe avec le libre-échange.»

Le sondage montre également que le vent est en train de tourner concernant les 18-24 ans, «connus traditionnellement pour être en faveur de l'ouverture au monde», comme le souligne dans La Tribune Pierre-Pascal Boulanger, président-fondateur du Printemps de l'économie. Ces derniers ne sont désormais plus que 49% à être partisans du libre-échange contre 60% en mars dernier. «Les écarts se resserrent nettement puisque désormais 44% des très jeunes sont en faveur du protectionnisme contre 37% en mars», note Pierre-Pascal Boulanger.

​Charles-Henri Gallois souligne de son côté que la 8e vague du baromètre annuel «Fractures françaises» montre que pour 65% des Français, «il faut renforcer les pouvoirs de notre pays même si cela doit conduire à limiter ceux de l’Europe», un niveau supérieur à celui enregistré en juin 2018 mais inférieur au pic d’avril 2016 (74%).

«C’est la clef. Quand Macron parle de "souveraineté européenne", cela ne veut strictement rien dire. La souveraineté ne peut être que nationale. Nous avons bien vu que l’Italie s’est sentie abandonnée par ses partenaires au printemps dernier. La "souveraineté européenne", ce sont les délocalisations en Pologne», martèle le président de Génération Frexit.

Pour Charles-Henri Gallois, toute velléité protectionniste européenne est directement mise à mal par des intérêts nationaux. Il prend pour exemple les récentes déclarations du ministre français de l'Économie Bruno Le Maire sur la possible mise en place d’une taxe carbone européenne aux frontières, que ce dernier juge indispensable, mais qui ne plaît pas à Berlin.

​«Pourquoi? Parce qu'ils disent que ce sera perçu comme une mesure protectionniste par la Chine, que la Chine est un des grands marchés sur lesquels l'Allemagne exporte et donc elle est moins allante que nous sur la taxe carbone aux frontières», a expliqué le ministre lors d'une master class sur les relations franco-allemandes avec des lycéens à Verdun dans la Meuse.

«Même chose concernant la taxation des Gafam [Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft, ndlr]. Cela fait des années que le sujet est sur la table. Mais l’Allemagne bloque car les États-Unis sont un partenaire commercial majeur de Berlin et l’Allemagne a peur que Washington contre-attaque en taxant notamment l’importation de véhicules, ce qui blesserait économiquement Berlin», explique Charles-Henri Gallois, ex-responsable des questions économiques à l’UPR.

Ce dernier assure que l’Union européenne pratique des droits de douane beaucoup plus faibles que ses concurrents et que «l’on y rentre comme dans du beurre». «Contrairement à ce que disent certains médias, le Royaume-Uni ne craint pas un Brexit sans accord. Les droits de douane de l’Union européenne sont tellement faibles que Londres n’aura aucun problème à continuer d’exporter sur le continent», affirme-t-il.

Bientôt un référendum sur la sortie de la France de l’UE?

Le partisan du Frexit assure que l’Europe n’est pas prête à changer de politique:

«Les traités européens ne peuvent être modifiés qu’à l’unanimité. Vous n’aurez jamais de changements radicaux, or ils sont ultra favorables au libre-échange. C’est le contraire de la souveraineté.»

Le projet de Charles-Henri Gallois se heurte à une difficulté de taille: les partis pro-Frexit peinent grandement à séduire et ne récoltent que de faibles pourcentages aux élections.

«C’est toute la problématique du jeu politique en France et du système de l’élection présidentielle qui va donner lieu à du vote utile. Cela mène à un paradoxe qui fait que 80% des Français ne veulent pas d’un duel Macron-Le Pen en 2022 et que pourtant, c’est ce qui se profile dans les intentions de vote», se désole-t-il.

Un sondage Elabe diffusé le 12 février montrait que 80% des personnes interrogées étaient opposées à un nouveau duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen en 2022. Pourtant, les récentes enquêtes d’opinion montrent que les deux candidats sont effectivement au coude-à-coude devant leurs adversaires.

​Si Charles-Henri Gallois regrette cette situation, il pense qu’elle n’est pas figée. Pour le président de Génération Frexit, la question européenne englobe toutes les dimensions politiques et économiques mais n’est qu’un thème parmi d’autres durant la campagne présidentielle. Il faut donc la mettre au centre des discussions.

«La question européenne dépasse le clivage gauche-droite qui existe encore lors de la présidentielle. La meilleure façon de reprendre le contrôle, selon Génération Frexit, est de mettre le référendum sur la sortie de la France de l’UE au cœur du débat politique. Cela fera voler les clivages et vous aurez des gens de différents bords politiques qui feront campagne pour le oui ou le non, comme nous avons pu le constater au Royaume-Uni», analyse-t-il.

Charles-Henri Gallois rappelle que Nigel Farage, leader du Parti du Brexit, ex-patron du Ukip et grand artisan de la sortie du royaume de l’Union européenne, n’a jamais remporté les élections générales. «Mais il a mis une telle pression pour obtenir un référendum et a réussi à créer un véritable débat sur la question de la souveraineté et du protectionnisme», se félicite-t-il.

Réalisable en France?

«Le référendum sur le Brexit a montré que c’était possible. Si on obtient la même chose en France, le Frexit pourrait l’emporter. Je rappelle qu’en 2005, les Français avaient voté contre le traité établissant une constitution pour l'Europe malgré tous les pronostics», répond Charles-Henri Gallois.
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