Quand le Covid cache la montée de la Chine: 2020, l’année du basculement?

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La rivalité entre les États-Unis et la Chine n’a fait que s’accroître cette année, et pourtant le sujet médiatique majeur reste le coronavirus. Pour le géopoliticien Thomas Flichy de la Neuville, l’année 2020 bouleverse la donne géopolitique. Entretien vidéo.

Exagérée, la pandémie? Un second confinement était-il vraiment nécessaire en France? Régulièrement posées et légitimes, ces questions sont souvent taxées de complotisme. Les critiques à l’égard du documentaire Hold-Up, retour sur un chaos, paru le 11 novembre, le reflètent: il est bien difficile d’apporter un regard contradictoire sur la pandémie. Une pandémie dont le premier cas a été recensé il y a tout juste un an, et qui a fait 1,3 million de victimes dans le monde.

C’est ce que tente pourtant le géopoliticien Thomas Flichy de la Neuville, qui revendique se focaliser sur le temps long et appelle à adopter le «recul de l’historien». Selon ses termes, «la marée géopolitique» a été gelée par la pandémie, en apparence, durant plusieurs mois.

Lignes rouges –Jean-Baptiste Mendes reçoit Thomas Flichy de la Neuville, géopoliticien et auteur du livre «2020, une année géopolitique au prisme de l’histoire», aux Éditions Bios.

Jugeant que le coronavirus est «sans aucun rapport avec les grandes épidémies que l’Occident a pu connaître depuis l’Antiquité», il estime pourtant que «l’année 2020 est une année de basculement». La «course de vitesse pour le leadership mondial» entre les États-Unis et la Chine est en effet «attisée aujourd’hui par l’épidémie.»

Rappelons-nous simplement des invectives mutuelles entre Donald Trump qui évoque toujours le «virus chinois» et les diplomates de Pékin. Des insultes qui traduisent sans doute la «peur du péril asiatique» qui s’enracine dès la fin du XIXe siècle.

«On peut dire qu’il y a une translation du centre de gravité géoéconomique mondial, une translation progressive de l’Occident vers l’Orient, si bien que les usines du monde que sont devenues l’Inde et la Chine prennent une importance croissante.»

Signe de cette vitalité, la Chine a signé le 15 novembre l’accord de libre-échange le plus vaste au monde, le Partenariat économique régional global réunissant quinze États d’Asie et du Pacifique. En octobre, le FMI annonçait déjà que la Chine serait le seul pays du G20 atteignant une croissance positive, avec une augmentation du PIB de 1,9%.

La rivalité Chine-USA «attisée par l’épidémie»

Pour le géopoliticien, l’événement majeur de 2020 est donc bien la montée en puissance de la Chine et non le coronavirus dont il relativise la portée historique. Car son constat se veut froid. «Il n’y a pas d’aggravation conséquente de la mortalité», affirme-t-il avant d’ajouter que d’autres fléaux tels que le choléra, la peste et la grippe espagnole ont fait davantage de victimes par le passé.

«Au XIVe siècle, la peste tue la moitié de la population européenne et ne s’arrête que dans les massifs montagneux ou bien dans les plaines de Russie, faute d’hommes pour transmettre la maladie. Au début du XIXe siècle, avec l’épidémie de choléra en Provence, des villages entiers sont rayés de la carte, il ne reste plus que les corbeaux pour contempler les êtres morts.»

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Certains médias ont pourtant évoqué une surmortalité en France à partir des chiffres de l’INSEE, qui démontrent une augmentation de 30.000 morts entre le 1er mars et le 5 octobre par rapport à 2019. Si l’appréciation de la gravité de cette augmentation est contestable, force est de constater que le bilan humain du Covid-19 est difficilement comparable aux grandes épidémies.

«Des peurs qui ne sont pas tout à fait rationnelles»

Pour le géopoliticien, les décisions prises par les divers gouvernements sur la planète à ce propos ne sont donc pas fondées sur des faits établis:

«Les mesures sanitaires de confinement répondent peut-être à des peurs qui ne sont pas tout à fait rationnelles: la peur d’engager sa responsabilité devant quelque chose d’inconnu, une peur qui se contamine d’un pays à l’autre, mais qui ne répond pas forcément à une nécessité sanitaire.»

Un seul homme, Donald Trump, semble avoir cristallisé toutes les peurs et critiques en Occident concernant la gestion de la crise sanitaire. Elle lui a probablement coûté un second mandat, après que les États-Unis ont atteint le 18 novembre le seuil fatidique des 250.000 morts dus à la pandémie. Mais encore est-ce là une tendance qui masque des réalités profondes: un pays de plus en plus fracturé. Ainsi Flichy de La Neuville considère-t-il que «les États-Unis ont bien compris qu’ils étaient dans une phase de déclin, de décroissance.» Aussi font-ils peser un risque considérable sur le monde: avec Joe Biden à la Maison-Blanche, Thomas Flichy de la Neuville s’attend à un «regain de tensions», le candidat Démocrate ayant une «posture plus interventionniste dans les affaires du monde». Vers une nouvelle guerre froide?

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