«Des minorités qui font la loi»: Michel Onfray dénonce la culture «woke» d’une gauche qui n’a plus rien à dire

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Des manifestants anti-Trump aux USA - Sputnik Afrique, 1920, 01.03.2021
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Sur fond de civilisation judéo-chrétienne sur le point de s’écrouler, une gauche qui a renié ses combats du passé sombre dans un naufrage idéologique. C’est l’amer constat du philosophe Michel Onfray. L’auteur de «La Nef des fous: des nouvelles du Bas-Empire» dépeint face aux caméras de Sputnik «une époque qui s’effondre».

«Un mélange de rire voltairien et de rire jaune.» C’est comme cela que Michel Onfray définit son dernier ouvrage, La Nef des fous: des nouvelles du Bas-Empire (éd. Robert Laffont). Le philosophe s’est amusé à compiler sous forme d’éphéméride de l’année 2020 «des choses assez sidérantes de cette époque qui s’effondre». Parmi elles, beaucoup sont le fait d’une gauche en pleine dérive, accuse Michel Onfray.

À commencer par la presse. Selon le philosophe, Libération ou Le Monde sont «des journaux qui ont été de toutes les erreurs depuis cinquante ans».

«Ils ont été maoïstes, ont défendu le structuralisme, la pédophilie, etc.», rappelle-t-il .

Et Michel Onfray de rappeler la très controversée tribune signée dans Libération en 2014 par le philosophe transsexuel Paul B. Preciado, ex-compagnon de l’écrivain et militante de gauche Virginie Despentes: «Depuis cette modeste tribune, j’invite tous les corps à faire la grève de l’utérus. Affirmons-nous en tant que citoyens entiers et non plus comme utérus reproductifs. Par l’abstinence et par l’homosexualité, mais aussi par la masturbation, la sodomie, le fétichisme, la coprophagie, la zoophilie… et l’avortement. Ne laissons pas pénétrer dans nos vagins une seule goutte de sperme national catholique.» «C’est ça la gauche de Libération? Ma gauche n’est pas coprophile et n’est pas zoophile», lance Michel Onfray.

«On est chez Orwell»

D’après le philosophe, l’«effondrement des valeurs est total»:

«Si la gauche qui a défendu le peuple, les petits, les miséreux et les sans-grades nous invite aujourd’hui à manger des matières fécales et à sodomiser notre poisson rouge, c’est qu’effectivement quelque chose ne va pas.»

Michel Onfray s’en prend également à la «culture woke». Ce mouvement issu des universités américaines milite pour la protection des minorités et contre le racisme. Les militants, souvent des étudiants et des professeurs, se disent donc «éveillés». Ils sont à l’origine de bien des polémiques ces dernières années sur les campus. Les pressions exercées sont de plus en plus fortes. En juin 2020, Le Figaro rapportait qu’un professeur de UCLA avait été «suspendu pour avoir refusé de favoriser les étudiants noirs dans [sa] notation».

​En 2017 déjà, c’est le professeur de biologie américain Bret Weinstein qui avait été poussé à la démission de l’université d’Evergreen, dans l’État de Washington cette fois. Il avait pris position contre l’organisation d’une journée interdite aux Blancs. Dans une longue interview accordée au Figaro, Bret Weinstein lançait un avertissement: «Les gens ne prennent pas ces mouvements au sérieux parce qu’ils sont ridicules. Mais quand ils s’y retrouvent confrontés, ils n’ont plus qu’un choix: soit se soumettre, soit être détruits

L’université d’Evergreen a justement fait l’objet d’une vidéo publiée sur la chaîne YouTube de «Sanglier Sympa» et intitulé «Evergreen et les dérives du progressisme». La vidéo montre plusieurs scènes de vie du campus entre combat contre «la blanchitude», pressions sur l’équipe éducative et accusations de racisme tous azimuts. Vue plus d’un million de fois, elle a déchaîné les réactions d’internautes interloqués ou scandalisés. Michel Onfray a vu cette vidéo:

«Je me suis dit: "C’est une parodie. C’est fait pour rigoler et se moquer de ces gens." Pas du tout!»

Pour l’auteur de Théorie de la dictature (éd. Robert Laffont), la culture «woke» est analogue aux maux dénoncés dans l’univers dystopique de 1984:

«On est chez Orwell. C’est l’obscurantisme que l’on nous présente comme éclairé.»

Et cet obscurantisme, avec lequel «les minorités font la loi» serait déjà arrivé, ou plutôt serait de retour en France selon Michel Onfray. Cette «idéologie de campus américain» revient comme un boomerang dans un Hexagone d’où elle est partie: «Avec les structuralistes des années 70 comme Foucault, Deleuze, Guattari, Derrida, etc.»

«Pas beaucoup de débats, mais beaucoup d’insultes»

Selon le philosophe, leurs œuvres ont traversé l’Atlantique pour donner «la fameuse "French Theory" qui nous revient sous forme intersectionnelle». Une théorie dont les afficionados seraient «souvent très incultes»:

«Il n’y a pas beaucoup de débats, mais beaucoup d’insultes. On est racistes, on est homophobes, on est misogynes, on est phallocrates. C’est l’anathème. Ou vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous. Et si vous êtes contre nous, vous êtes des ennemis. C’est une guerre impitoyable et pas un débat. On pourrait débattre, argument contre argument. Ce n’est pas le cas. Au final, vous serez un fasciste, un nazi, un pétainiste, vous êtes d’extrême droite et l’affaire est réglée.»

Michel Onfray dénonce un phénomène «extravagant» qui mène à des situations qui interrogent. Comme en mai 2020 à la Martinique, quand des manifestants ont renversé deux statues de Victor Schœlcher, l’homme qui… a initié le décret d’abolition de l’esclavage promulgué le 27 avril 1848. «Schœlcher n’est pas notre sauveur», ont notamment expliqué les manifestants dans un communiqué.

«On pourrait se féliciter qu’un Blanc ait embrassé la cause des esclaves et des gens de couleur. Pas du tout. C’est un Blanc, donc il a tort. Quoi qu’il fasse et quoi qu’il dise», se désole Michel Onfray.

La «cancel culture», épiphénomène de l’idéologie «woke», visant à modifier ou à supprimer des œuvres jugées «offensantes» pour certaines minorités attriste le philosophe. L’un des derniers en date à en avoir fait les frais n’est autre que l’immense Ludwig van Beethoven dont on célébrait les 250 ans de la naissance mi-décembre 2020.

​Un anniversaire que les présentateurs américains Nate Sloan et Charlie Harding n’ont en effet pas fêté. Comme le rapporte Le Figaro, ces derniers ont publié une tribune sur le site américain Vox pour livrer une analyse… bien à eux: «Les hommes blancs riches, qui ont embrassé Beethoven et ont fait de sa symphonie un symbole de leur supériorité et de leur importance. Pour certains dans d’autres groupes –femmes, personnes LGBTQ, personnes de couleur–, la symphonie de Beethoven peut être principalement un rappel de l’histoire de l’exclusion, et de l’élitisme de la musique classique.»

«Tout le monde y passe, il ne reste plus rien»

Pour dénoncer un phénomène qu’il juge absurde, Michel Onfray a compilé ce que l’on pourrait reprocher à plusieurs philosophes pour justifier de «les brûler»:

«Aristote a par exemple dit que tant que les navires ne fonctionnerait pas tout seuls, il faudrait des esclaves. Il a défendu l’esclavagisme donc on ne lit plus La Métaphysique.»

Michel Onfray assure que, avec ce mode de réflexion, «tout le monde y passe, il ne reste plus rien».

«Le slogan de la gauche "faisons table rase" est vraiment l’impératif catégorique de ces gens-là», martèle le philosophe, qui souligne qu’«il est évident que, au XVIIe siècle, vous n’allez pas trouver un personnage qui pense comme au XXe siècle, cela n’a aucun sens».

Un discours qui se rapproche de celui de David Chanteranne, historien spécialiste de Napoléon. Récemment interrogé par Sputnik à propos des polémiques entourant les commémorations du bicentenaire de la mort de l’empereur le 5 mai prochain, il répondait ceci: «On ne peut plus du tout parler et d’histoire et travailler le sujet sans avoir les jugements de valeur d’aujourd’hui. Si on part de ce principe, on ne traitera plus de la guerre de Cent Ans ou des deux conflits mondiaux.»

​Signe de ces temps plus que tendus, les autorités marchent sur des œufs concernant le 5 mai. Les adversaires de l’empereur l’attaquent de toutes parts. Dans Le Parisien, la politologue et militante féministe Françoise Vergès a qualifié Napoléon Ier de «raciste, sexiste, despotique, militariste et colonisateur». Quant à Alexis Corbière, député LFI de Seine-Saint-Denis, il s’est opposé à toute commémoration, comme l’a rapporté le quotidien de la capitale: «Que le débat intellectuel soit encouragé à cette occasion, oui. Mais la République n’a pas à célébrer son fossoyeur.»

«Je pense que Corbière voudrait bien qu’on célèbre Staline, Mao, Lénine, Castro Robespierre, Marat ou les gens qui sont à l’origine de la Terreur et du génocide vendéen. Là, il n’y a aucun problème», ironise Michel Onfray. 

Le philosophe n’est pas admiratif de Napoléon ni l’un de ses spécialistes. Mais il appelle tout de même à célébrer le 5 mai prochain: «Napoléon fait partie de l’histoire de France» et les commémorations «seront l’occasion de dire qui il était».

Le philosophe fustige la position d’une certaine gauche sur le sujet, notamment du côté de La France insoumise: «Ça veut dire quoi? Qu’il y a une poignée de gens que l’on va célébrer. Puis finalement, dans la poignée, il en restera deux ou trois. Ensuite, l’on fera des grands portraits et l’on descendra l’avenue des Champs-Élysées avec ces portraits de Marx, de Lénine, de Jean-Luc Mélenchon et d’Alexis Corbière? Ce sera ça, la République? C’est une drôle de conception de la République.»

«Des gens qui font applaudir le régime du goulag et qui nous expliquent que Napoléon ne devrait pas être célébré… Là encore, on marche sur le tête», conclut Michel Onfray.
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