Le Liban appelle les pays arabes au secours: «pourquoi investiraient-ils dans un pays tenu par une mafia?»

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Beyrouth après l'explosion - Sputnik Afrique, 1920, 21.04.2021
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Face à l’effondrement du Liban, l’ancien Premier ministre Hassan Diab s’est rendu au Qatar pour demander l’aide des pays arabes. Mais compte tenu du poids du Hezbollah, les pétromonarchies renâclent. Tant que la situation interne ne changera pas, il n’y aura ni aide ni investissement au Liban, juge Francois Bacha, analyste politique.

Décidément, Beyrouth ne sait plus où donner de la tête. Après l’initiative française, les déplacements à Moscou, la tournée des ambassadeurs américains, français, saoudiens, les regards des Libanais se tournent maintenant vers les pays du Golfe. En visite à Doha, le Premier ministre sortant Hassan Diab a appelé le Qatar à l’aide. Une visite loin d’être anodine, le petit émirat pouvant faire office de médiateur entre l’axe iranien et l’axe saoudien.

En définitive, face à l’effondrement politique et économique du pays, les dirigeants libanais cherchent le soutien de l’étranger. Au cours de son déplacement, Hassan Diab a même martelé que le Liban était «sur le point de s’effondrer». De ce fait, lors d’un entretien avec les médias locaux, il a déclaré «nous toquons à la porte du Qatar tout comme nous toquerons à celle de nos frères arabes, et nous attendrons qu’on nous ouvre la porte, comme le Qatar l’a fait.» «Le Qatar nous a confirmé qu’il continuait de soutenir le Liban, son peuple, sa sécurité et sa stabilité», a-t-il ajouté. Mais ces belles paroles seront-elles suivies d’actes? Francois Bacha, fondateur du site d’information Libanews et analyste politique libanais, en doute très fortement.

«Officiellement, le manque de solidarité arabe est expliqué par le poids du Hezbollah dans les instances politiques du Liban. Mais officieusement, c’est autre chose, s’il y avait des opportunités réelles au Liban, ils investiraient», explique-t-il au micro de Sputnik.

Les pays du Golfe reprochent en effet au Liban de s’aligner sur les directives iraniennes. Compte tenu de l’influence grandissante du Hezbollah dans le pays, Riyad et Abou Dhabi craignent de voir le pays du Cèdre devenir un satellite de Téhéran. Depuis 2016, le parti chiite est considéré comme une organisation terroriste par le gouvernement saoudien. Par conséquent, l’Arabie saoudite et ses partenaires sunnites ont pris plusieurs mesures restrictives et coercitives à l’égard de Beyrouth.

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Le Liban peine donc à jouer la carte de la solidarité arabe pour sauver le pays. Les chiffres reflètent d’ailleurs la diminution des relations économiques avec le Golfe ces dernières années. Les exportations libanaises vers l’Arabie saoudite ont littéralement fondu, passant de 427 millions de dollars en 2014 à 128 en 2018. Le constat est le même avec les Émirats arabes unis, les importations ayant chuté de374 millions de dollars à uniquement 37 sur la même période. Seul le Qatar fait office d’exception, les échanges entre l’émirat et le pays du Cèdre ayant augmenté ses dernières années. François Bacha explique cette tendance à la baisse par «l’effondrement du système bancaire libanais.»

«Pourquoi investiraient-ils dans un pays tenu par une mafia?», assène le fondateur du site d’information Libanews.

Pourtant, auparavant, les Saoudiens étaient friands des montagnes libanaises pour passer l’été. Or, depuis 2012, les autorités saoudiennes ont interdit à leurs citoyens de se rendre au Liban. Et malgré la levée de cette proscription en 2019, les touristes saoudiens se font toujours rares.

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Les ressortissants libanais dans le Golfe pâtissent aussi de cette situation. Appréciés pour leur compétence dans le domaine de l’ingénierie, des assurances et de la finance, ils sont aujourd’hui mis en concurrence avec les Occidentaux et ont perdu leur monopole dans ces domaines. Le chef de la diplomatie émirati avait déclaré en décembre 2020: «nous constatons en réalité une détérioration des relations arabes du Liban, notamment avec les pays du Golfe, durant les dix dernières années. Le Liban paie en partie le prix de cela en ce moment.»

«Le Golfe –à part le Qatar– obéissait aux directives saoudiennes. Aussi, les pays du Golfe possèdent d’importantes communautés chiites, à Bahreïn notamment, ou dans les zones pétrolières en l’Arabie saoudite. Il y a la crainte des pouvoirs locaux que le Hezbollah et l’Iran influencent ces communautés», estime François Bacha.

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En novembre 2020, les Émirats ont limité la délivrance de visas aux Libanais. Ces restrictions de déplacements n’ont pas manqué d’avoir un impact considérable sur l’économie libanaise. Le pays reste en effet tributaire de sa diaspora, 20% du PIB libanais provenant des revenus de la communauté présente dans le Golfe sur la période 2005-2015. Mais pour François Bacha, le problème est plus profond. Les causes de ces blocages sont avant tout liées à la situation politique du Liban: «il serait vain d’espérer quoi que ce soit sans déblocage politique en interne», souligne-t-il.

«Pour le moment, rien ne peut être fait sur le plan financier ou économique. Toute aide internationale est bloquée et tributaire des négociations avec le FMI. Aucun pays au monde ne pourra aider le Liban tant que les négociations avec le FMI sont bloquées», conclut-il.
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