La Russie a besoin de la main-d'oeuvre immigrée

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par Olga Sobolevskaïa, RIA-Novosti

La dépopulation suscite la préoccupation croissante des autorités en Russie. Du fait de l'éclatement de l'URSS, les 25 millions de Russes des anciennes républiques soviétiques sont devenus des étrangers. Autre phénomène concomitant: l'émigration grandissante dans la partie asiatique (74,8 % du territoire de la Russie) due à la précarité de la situation socio-économique dans cette région. La densité de population au-delà de l'Oural se chiffre aujourd'hui à 2,4 personnes par km carré.

"La Russie perd sa population en raison de la mortalité élevée et de la faible natalité, le taux de fécondité étant seulement de 1,25 naissance par femme", dit Nikita Mkrtchian, expert de l'Institut des pronostics économiques de l'Académie des sciences de Russie. Et la probabilité de voir ce processus s'infléchir avec les années est pratiquement égale à zéro. "Pour maintenir la population à son niveau actuel, soit 145 millions, la Russie devrait dès maintenant accueillir 0,7 à 1,1 million d'émigrés et 0,9 à 1,7 million au-delà de 2025", souligne le chercheur.

Mais cet objectif semble illusoire. Aujourd'hui, l'immigration ne compense les pertes démographiques qu'à 4,7%. D'ici à 2025, affirment les experts de l'ONU, la population nationale sera de 138 millions d'habitants seulement, et ceci selon le scénario le plus optimiste.

Il va de soi qu'en pleine crise démographique le pays doit prendre des mesures énergiques pour attirer sur son sol les immigrés, en misant essentiellement sur les Russes vivant dans les pays de la CEI et les pays baltes. Le président Poutine a fait des déclarations réitérées dans ce sens.

C'est l'économie de la Russie qui a surtout besoin de "bras", a-t-il souligné à plusieurs reprises, et notamment Moscou, dans des secteurs tels que les transports, le commerce, le bâtiment, la gestion municipale. En 2002, les plus gros pourvoyeurs de main-d'oeuvre en Russie ont été l'Ukraine (91 000, soit 25,2% des travailleurs étrangers), la Chine (41 000, soit 11,4%), le Vietnam (27 000, 7,5%) et la Moldavie (21 000, 5,8%). Avec la poursuite attendue de la croissance, le pays aura besoin de nouveaux effectifs de travailleurs étrangers.

D'autre part, le vieillissement général se répercute sur la population apte au travail. Au-delà de 2010, elle pourrait se réduire au rythme annuel de 1 million de personnes et seule l'immigration sera en mesure d'assurer l'équilibre entre les travailleurs et les non-travailleurs.

Le retour des Russes dans leur patrie historique est donc une mission prioritaire pour l'Etat. Mais, affirme le démographe Evgueni Andreev, "bien que le pays ait annoncé ses projets d'accueillir des russophones des pays de la CEI et baltes, la loi sur la citoyenneté de la Fédération de Russie gêne leur entrée". Elle ne "convient donc pas" à un pays qui a besoin d'immigrés. La durée des formalités de naturalisation - 5 ans - la rendrait bonne pour l'Occident, mais pas pour la Russie et les habitants de l'ex-URSS qui veulent s'installer sur son territoire.

De l'avis des fonctionnaires, la loi permet une naturalisation "graduelle et sûre". C'est ce qu'on affirme notamment au Service fédéral de migration auprès du ministère de l'Intérieur. La naturalisation est échelonnée sur trois étapes. D'abord, l'obtention du permis de travail provisoire, qui garantit au migrant la liberté de choisir son activité rémunérée. Vient ensuite le permis de séjour, puis la citoyenneté.

Fin octobre, le Conseil de la Fédération, chambre haute du parlement, a approuvé les amendements présidentiels à la Loi "De la citoyenneté", qui libéralisent les procédures d'obtention de la citoyenneté russe. Les ex-citoyens de l'URSS domiciliés en Russie au 1er juillet 2002, les vétérans de la Grande guerre patriotique, les enfants et les incapables citoyens étrangers ou apatrides sont rangés, en vertu de ces amendements, dans la catégorie des "hôtes privilégiés".

A partir de 2004, les étrangers servant dans les forces armées russes sous contrat pourront eux aussi bénéficier de procédures simplifiées de naturalisation.

Et pourtant, malgré cette relative libéralisation, la Russie ne devrait pas compter sur un grand afflux de migrants. "Le phénomène de migration de masse des années 1990 ne se répétera pas, estime Nikita Mkrtchian. - L'immigration est en baisse car les républiques de l'ex-URSS ne connaissent plus de graves conflits politiques ou ethniques, certains pays de la CEI, préoccupés par le reflux de leur population, prennent des mesures en vue de renforcer le statut des russophones et de la langue russe. La situation économique s'y améliore aussi peu à peu et la population, qui commence à penser en termes de catégories économiques, n'est pas pressée de tout abandonner et de partir pour la Russie. Certains Russes vont même travailler dans les pays de l'ex-URSS".

D'autre part, Moscou ne parvient pas toujours à canaliser les flux migratoires vers la Sibérie et l'Extrême-Orient. Les collectivités locales promettent aux migrants des logements et du travail dans les zones touchées par la dépopulation, mais les améliorations tardent à se faire sentir. "Certes, il y a là des programmes de développement, mais ces régions ne dépasseront, quant à la qualité de la vie et des opportunités économiques, ni Moscou ni la Région fédérale du Centre, précise Nikita Mkrtchian. - Et c'est le Centre qui absorbe le gros de la migration légale, jusqu'à 70% des étrangers répartis entre les différentes régions du pays".

Sur ce fond, on ne manquera pas de noter la présence croissante des Chinois dans la partie asiatique qui assiste au départ des autochtones. Les ressortissants de RPC tentent de contrôler l'économie et de s'affirmer peu à peu dans les structures officielles locales, constate le Service fédéral de migration.

"Mais fermer les frontières aux citoyens des pays d'Asie-Pacifique et cultiver des tensions ethniques n'est pas une solution, poursuit Nikita Mkrtchian. - La République populaire de Chine est un pays en pleine expansion économique, avec lequel la Russie doit avoir de solides relations économiques. Seulement, il faut faire en sorte que les Chinois, les Coréens et les Vietnamiens qui vivent en Russie s'y sentent plus à l'aise que dans leurs pays d'origine. Il faut contribuer à leur assimilation".

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