La métallurgie en Russie : l'avenir dépend de la solution donnée aux problèmes actuels

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En 2001, la Russie a produit 59 millions de tonnes d'acier, soit 7% de la production mondiale (4e place). Cette année-là, elle a exporté 55% de ses laminés, soit 26 millions de tonnes (10% du commerce mondial et la première place dans le monde).

La part de la Russie dans la production des six principaux métaux non ferreux - aluminium, nickel, cuivre, zinc, plomb et étain - est de près de 8,5%. Environ 80% de la production nationale des métaux non ferreux et 70% des métaux rares sont exportés.

A la charnière entre deux siècles, la globalisation s'affirme comme le vecteur principal des relations économiques internationales. Cela se manifeste pleinement dans l'industrie métallurgique. Les liens économiques internationaux se sont transformés en outil de répartition des ressources et d'amélioration de la productivité à l'échelle mondiale. Ainsi ces tendances globales conditionnent en partie les problèmes rencontrés par l'industrie nationale des métaux. Faisant face à toutes sortes de restrictions tarifaires et non tarifaires, les entreprises métallurgiques russes sont graduellement évincées des marchés de produits à grande valeur ajoutée. Les matières premières et semi-produits (minerai de fer, rebut, coke, fonte, lingots, ébauches, brames) constituent plus de 60% des exportations du secteur sidérurgique.

Pour ce qui est du secteur des non ferreux, 80% des principaux métaux primaires mais 10% seulement des produits de transformation ou d'affinage (laminés et autres produits) sont exportés. Dans ce domaine également, les entreprises russes font les frais de la pression croissante des pays tels que la Chine, l'Inde et le Brésil. En effet grâce à de faibles coûts de production et à l'exploitation de minerais de haute qualité ces pays ont su mobiliser d'importants investissements internationaux et créer une industrie métallurgique moderne.

Investissements en hausse

La croissance soutenue que la Russie connaît ces 3-4 dernières années a rendu son économie plus attrayante pour les investissements productifs. D'après le Comité d'Etat aux Statistiques, au premier semestre 2003 les investissements occidentaux dans l'industrie nationale ont augmenté de 33,3% par rapport à la même période en 2002. La moitié de ces capitaux, ou presque, ont été investis dans l'industrie des métaux. Les investissements occidentaux dans ce secteur économique ont enregistré une hausse de plus de 90%. Les producteurs des métaux non ferreux ont enregistré les meilleurs résultats soit 2,3 fois plus d'investissements dans ce secteur que durant les six premiers mois de l'année dernière. Les experts en déduisent que l'Occident semble être plus confiant dans l'industrie russe en générale, mais il convient de nuancer car la conjoncture favorable du marché mondial des métaux explique aussi pour une large part ce bilan. Ainsi les capitaux occidentaux affluent vers l'industrie métallurgique nationale : au cours du premier semestre 2003, ce secteur a attiré près de 2 milliards de dollars d'investissements internationaux. Il est donc en tête des branches industrielles à avoir contracté des prêts financiers à l'étranger. Il s'agit effectivement de prêts obtenus auprès de pays aux systèmes bancaires libéraux, comme la Suisse et le Luxembourg. Les spécialistes estiment que le rapatriement des capitaux qui avaient fui pendant de nombreuses années la Russie a commencé.

Objectifs

Face à la concurrence internationale, l'Etat a défini les grands axes de sa politique à l'égard de l'industrie nationale des métaux. Tout compte fait, il s'agit de créer, pour les entreprises du secteur des conditions conformes à celles qui existent déjà pour le développement de la métallurgie dans les principaux pays acteurs du marché mondial des métaux.

Vu cet objectif, garantir la compétitivité de l'industrie nationale des métaux sur le marché mondial passerait, avant tout, par la mise en oeuvre d'une série de mesures fiscales, douanières et tarifaires, ainsi qu'en matière de commerce extérieur.

Le deuxième axe de la politique industrielle de l'Etat est lié à l'application de mesures spéciales visant à encourager la restructuration de l'industrie des métaux. A cette fin, l'accent sera mis sur l'extension de la demande intérieure en produits de métal, sur la dynamisation de l'effort d'innovation dans le secteur, sur la restructuration des entreprises et sur le règlement des problèmes sociaux.

Leaders sectoriels

Les processus qui ont cours dans l'industrie des tubes sont caractéristiques à bien des égards. Ne citons qu'un seul exemple, le projet de production d'hydrocarbure Sakhline-1 (développé sur le plateau continental de l'île russe de Sakhaline). L'appel d'offres pour les livraisons de tubes y a été remporté par la Société métallurgique unifiée (OMK, Russie). Il y a deux ou trois ans, en projetant des travaux de ce niveau, les sociétés pétrolières et gazières préféraient s'adresser à des producteurs étrangers. Des groupes allemands, japonais ou italiens étaient considérés comme fournisseurs traditionnels de tubes de 550 à 1 200 mm de diamètre. Mais la situation est en train de changer : de 1 000 000 tonnes en 2001, les importations russes de tubes sont passées à 620 000 un an plus tard. Le marché russe est désormais régi par les lois de la concurrence : les entreprises nationales produisent des tubes de qualité, tout à fait en mesure de se substituer aux importations, et les multinationales observent avec beaucoup d'attention les succès de l'industrie nationale. Toutes les grandes usines de tubes en Russie font l'objet de reconstruction ou modernisation.

La Société métallurgique unifiée, ce dont fait partie le producteur numéro un de tubes en Russie, les Aciéries de Vyksa, serait l'un des participants les plus actifs à ce processus. A trois reprises, l'usine avait remporté des appels d'offres dans le cadre du projet Sakhaline-1, avant d'être sélectionnée par Exxon Neftegas, opérateur du projet, comme unique fournisseur possible. En juillet 2003, aux termes d'un contrat avec ce même Exxon Neftegas dans le cadre du projet Sakhaline-1, l'usine a fourni un premier lot de tubes de 610 mm de diamètre et de 125 atm de pression de service. Jamais encore les entreprises russes n'avaient fourni de tubes semblables pour de grosses conduites, l'indice maximal s'élevant à 85 atm seulement. Les tubes de Vyksa peuvent être utilisés par moins 60°C en chantier et par moins 12°C en exploitation. Le consortium russo-japonais formé par Mitsui & Co. et la Société métallurgique unifiée livrera des tubes pour l'oléoduc qui traversera Sakhaline sur près de 740 km. Sakhaline et les projets développés dans l'île deviennent l'un des marchés russes les plus attrayants pour les entreprises se spécialisant dans la production de tubes.

Scénarios pour le développement de la métallurgie russe jusqu'à 2010

La période de constitution rapide de groupes dans le secteur des métaux en Russie est achevée. Hier encore agressives et résolues, les sociétés nationales préfèrent désormais agir avec circonspection, cherchant à faire adapter chacune de leurs démarches à la situation sur le marché intérieur, à la situation politique et économique dans le pays.

A l'étape actuelle, les perspectives de développement et de modernisation de la métallurgie russe dépendent dans une grande mesure des capacités des compagnies métallurgiques à trouver des financements propres et à attirer des capitaux d'emprunt, autant de démarches dont le succès est conditionné par le perfectionnement de la législation dans le domaine des investissements, des tarifs, de l'innovation, des finances publiques, des échanges, de la fiscalité, de la formation des prix, etc.

Une grande partie des entreprises métallurgiques frôlent déjà le seuil de la rentabilité et si des mesures adéquates ne sont pas prises, l'industrie des métaux risque d'être confrontée à un scénario de récession qui prévoit une phase de stagnation pour le secteur des métaux non ferreux et un recul de 15 à 20%, d'ici 2005, pour le secteur sidérurgique.

Seule une politique des investissements judicieuse et la mise en oeuvre des mesures opportunes énumérées - qui devraient lever les obstacles au développement et encourager le développement de la métallurgie - sont susceptibles de conduire à une amélioration notable des indices qualitatifs dans le secteur et d'augmenter de 20 à 30% la production d'ici à 2010.

Compte tenu de la demande pronostiquée de métaux, la production de laminés de métaux ferreux en 2010 pourrait augmenter par rapport à 2001 de 18 à 20%, la production d'aluminium et de nickel de 7 à 9%, celle de cuivre de 10 à 14%.

La structure des produits finis connaîtra elle aussi des améliorations. En sidérurgie, la part du métal en tôles dans la production globale de laminés devrait augmenter de 53 à 55% d'ici 2010. Dans le secteur des métaux non ferreux, la production des électrodes, des alliages durs, des semi-conducteurs et celle de la métallurgie spéciale devrait augmenter également. Aux alentours de 2010, le chiffre d'affaires de ces industries constituera 22 à 25% du chiffre d'affaire global du secteur des non ferreux.

Le secteur des produits à degré élevé de transformation et des produits nouveaux dépassera en taux de croissance les productions traditionnelles, la nomenclature des produits s'élargira, alors que la production de métaux et de terres rares, d'alliages durs, d'aciers au carbone, de semi-conducteurs - ces branches couvrent les besoins des branches spéciales et de haute technicité - sera en hausse.

Un plus vaste recours aux technologies économisant l'énergie et les ressources, notamment en main-d'oeuvre, est appelé à garantir une meilleure compétitivité des productions nationales. Les progrès technologiques devront permettre de réduire, d'ici 2010, les dépenses spécifiques en combustibles et énergie de 8 à 10% dans l'industrie minière, de 17% dans la transformation des métaux (dont de 20 à 23% dans la production d'aluminium, le plus "vorace" sur le plan de la consommation d'énergie) et de 13 à 15% les frais de production dans l'ensemble du secteur métallurgique.

Par rapport à 2000, la productivité du travail dans le secteur métallurgique devrait progresser de 50% au moins. Le perfectionnement de la structure technologique des entreprises métallurgiques doit se solder par une amélioration de l'état de l'environnement dans les régions où elles sont situées, alors qu'il est prévu de réduire les rejets nocifs dans l'atmosphère de 2 à 2,5 fois.

L'application de mesures visant à développer l'industrie métallurgique russe permettra d'augmenter la productivité et la compétitivité de la branche et se répercutera de manière positive sur les exportations et le développement des branches consommatrices de métaux en Russie, sur les dotations des budgets à tous les échelons et la circulation de capitaux en devises. Cela donnera en même temps la possibilité d'envisager le règlement des problèmes écologiques, de prévoir un développement équilibré et de compter sur la stabilité sociale dans les régions métallurgiques.

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