Le Kosovo: un ghetto pour les Serbes

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par Boris PETROV, commentateur de RIA Novosti

"Une province crucifiée", a dit, en parlant du Kosovo, le président de la Fondation Saint-André, Alexandre Melnik, au cours de la conférence de presse tenue mardi au siège de l'Agence RIA Novosti et consacrée au bilan de la mission humanitaire accomplie au Kosovo par la Fondation à l'occasion du Noël orthodoxe. Le voyage avait pour but d'informer l'opinion publique de la situation de la population serbe du Kosovo.

Nous avons visité des localités peuplées par des Serbes qu'il est impossible de qualifier autrement que de ghettos contemporains, et aussi les églises orthodoxes qui n'avaient pas encore été détruites, a dit M.Melnik. Dans cette province de la Serbie, la population serbe décroît à un rythme effréné : 30 000 Serbes et Roms ont quitté le Kosovo pendant la première vague de l'exode après les événements de l'été 1999. Quelques mois plus tard le nombre des réfugiés dépassait 250 000.

Les Serbes sont actuellement installés dans plusieurs zones rurales tandis que les grandes villes, à l'exception de Mitrovica, se sont pratiquement vidées de leurs habitants serbes. Dans certaines villes - Prizren, Gnilan, Orahovac - il ne reste que quelques groupes épars.

A Obilic qui comptait 6000 Serbes on ne compte plus aujourd'hui que quelque cent personnes qui ne peuvent se déplacer en ville qu'accompagnées de soldats de la Force multinationale de paix (KFOR).

La population serbe du Kosovo, si peu nombreuse qu'elle soit, est de surcroît vouée au chômage car son unique moyen de subsistance est le travail de la terre sur le lopin attenant à la maison.

Dans le village de Gorazdevac peuplé d'un millier de Serbes il n'y a ni médecin ni infirmier. Un enfant blessé le 1er août à la jambe par des bandits albanais a été plâtré au lieu d'être opéré.

La délégation de la Fondation Saint-André a visité le monastère du Patriarcat de Pec où, protégées par un triple cordon de sécurité, 23 religieuses continuent d'officier dans l'établissement fondé au XIIIe siècle et qui, depuis sept cents ans, est la résidence des Patriarches de l'Eglise orthodoxe serbe. Ce monastère est l'un des derniers lieux sacrés serbes qui existent encore, tandis que les Albanais ont déjà détruit 117 monastères et églises au Kosovo depuis que la KFOR y a été implantée. Sa garde a subi plus d'une attaque à l'arme à feu. La guérite est toute criblée de balles, ce qu'on peut voir sur les diapositives présentées lors de la conférence de presse. Des impacts de balles sont également visibles sur les murs. A Pec, ville voisine, et dans les villages des environs il ne reste pratiquement plus de Serbes alors qu'avant 1999 ils y étaient 32 000.

La délégation a visité aussi Pristina, capitale du Kosovo. Sur les 20 000 Serbes qui habitaient la ville avant les bombardements otaniens de 1999, il n'en reste que 150. Ils sont tous logés dans un seul immeuble, une sorte de ghetto dont la KFOR monte la garde vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les Serbes et même les députés qui les représentent au "parlement multiethnique" du Kosovo ne peuvent se déplacer qu'accompagnés par les casques bleus. Aucun des habitants de la communauté n'a de travail. Deux fois par semaine, escortés par des militaires, ils font leurs courses à Kosovska Mitrovica. Les personnes âgées ayant 65 ans révolus reçoivent de l'ONU une allocation de 30 euros (un pain coûte 0,5 euro). Comme l'immeuble est équipé de cuisinières électriques et que les coupures d'électricité sont fréquentes et durables, ses locataires n'ont pas la possibilité de cuisiner. L'assistance médicale la plus élémentaire y fait également défaut. En cas de décès, les funérailles deviennent un problème pour la communauté parce qu'elle ne peut pas enterrer dignement le défunt de peur de voir sa tombe profanée, faute de dispositif de sécurité personnelle.

Lors de la conférence de presse, l'Eglise orthodoxe serbe a diffusé un mémorandum sur la situation au Kosovo. Elle souligne dans le document que la destruction des églises, des monastères, des cimetières et des monuments culturels serbes fait partie de la stratégie albanaise consistant à modifier radicalement non seulement la démographie mais également les particularités culturelles et historiques de la province.

Les membres de la délégation russe ont déclaré que la paix, le calme et la stabilité ne sauraient être instaurés pour une seule nation. La Fondation se prononce pour le respect des droits des minorités nationales et pour la sauvegarde du patrimoine culturel et historique mondial. La Fondation appelle les forces sociales à participer activement à la protection et au rétablissement des sites et des reliques sacrés orthodoxes et à apporter leur soutien moral et matériel aux Serbes qui restent contre vents et marées au Kosovo.

On peut ajouter que les entretiens des membres de la délégation avec les hiérarques de l'Eglise orthodoxe serbe, les représentants de l'opinion publique serbe et les responsables de la mission de l'ONU au Kosovo ont abouti à des ententes de principe sur l'assistance à apporter aux enfants et aux communautés orthodoxes serbes. Des mesures pratiques ont été prévues au niveau des organisations sociales de différents pays du monde.

Ainsi que l'a déclaré lors de la conférence de presse Serguéi Chtcheblyguine, membre du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe) et du Conseil d'administration de la Fondation Saint-André, la Fondation a l'intention de présenter un rapport sur la situation critique des Serbes du Kosovo à la prochaine session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) à Strasbourg.

En conclusion, quelques mots à propos de la Fondation. Créée en 1992 elle doit son nom à Saint-André, l'un des disciples les plus proches (premiers appelés) de Jésus-Christ et patron de la Russie et de l'Ecosse. Elle milite pour réveiller chez l'homme les principes spirituels étroitement liés à l'histoire et à la culture des peuples. L'activité de la Fondation repose sur le mariage des valeurs traditionnelles pour la Russie avec le dialogue des civilisations, partant du principe que le dialogue entre les peuples et les Etats est inconcevable sans le respect mutuel et sans la reconnaissance de la valeur intrinsèque de chaque culture.

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