Le cosmodrome de Baïkonour restera russe jusqu'à 2050

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par Iouri Zaïtsev, RIA-Novosti

La signature d'un accord prolongeant l'exploitation par Moscou du cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan, est un des acquis de 2004. Les négociations russo-kazakhes n'ont pas été faciles. Rappelons que le ministère russe de la Défense avait déclaré à maintes reprises que le programme de développement des cosmodromes devait être centré sur le cosmodrome russe de Plessetsk. En novembre dernier, lors de son inspection du cosmodrome de Plessetsk, le ministre de la Défense Sergueï Ivanov a indiqué qu'à partir de 2005, le site de Plessetsk servirait de base de lancement non seulement des fusées porteuses légères et intermédiaires, mais aussi des fusées lourdes. "La Russie doit avoir un accès indépendant à l'espace", a-t-il souligné.

Pour certains médias, ces propos annonçaient l'intention russe de renoncer à l'exploitation du cosmodrome de Baïkonour à partir de 2005. Le ministre a dû expliquer que cette déclaration ne concernait que les lancements militaires: "J'avais en vue l'espace militaire, et non l'ensemble de l'activité spatiale russe. Je n'exclus pas que les tirs de tous les satellites fonctionnant pour le compte du ministère de la Défense soient transférés au cosmodrome de Plessetsk. Cependant ce sera possible dans un avenir lointain et non dans trois ou quatre années à venir".

Les experts estiment que même la mise en exploitation des nouveaux lanceurs "Angara" et "Rus", ne permettra pas à la Russie de transférer plus de 80% des lancements militaires à Plessetsk. Pour ce qui est de l'espace civil, le directeur de l'Agence aéronautique et spatiale russe Rosaviakosmos, Iouri Koptev, a relevé que la réalisation des programmes russes et internationaux est impossible sans l'utilisation de Baïkonour. "Même si nous créons une infrastructure et des nouvelles fusées pour Plessetsk dès demain, nous ne devons pas oublier les lois de la mécanique céleste. Ces lois indiquent notamment que les lancements vers l'orbite de la Station Spatiale Internationale (ISS) peuvent être effectués uniquement depuis le cosmodrome de Baïkonour. L'ISS sera exploitée jusqu'à 2014-2015 au minimum. "Rosaviakosmos" estime que Baïkonour doit garder le statut de cosmodrome principal russe. Ses paramètres techniques permettent d'assurer le trafic marchandises au niveau de 1.500 tonnes par an, soit 40% du potentiel de tous les sites spatiaux du monde.

Outre la durée du bail, la Russie et le Kazakhstan ont dû s'entendre sur le montant du loyer qui constitue 115 millions de dollars par an aux termes de l'ancien accord. Le Kazakhstan proposait soit d'augmenter cette somme, soit de lui verser une partie des recettes provenant des lancements commerciaux. Un membre de la délégation russe a noté: "Est-ce que vous donnez une partie de l'argent que vous avez gagné en transportant des frets ou des passagers au bailleur quand vous louez une voiture? On ne paie pas deux fois pour la même chose". Les officiels assurent que la question du loyer n'a même pas été évoquée pendant les négociations.

Cependant la Russie est prête à partager les recettes des projets conjoints réalisés au cosmodrome de Baïkonour avec le Kazakhstan. Les parties pourraient notamment mettre en œuvre le projet de mise au point des fusées "Baïterek" sur la base du lanceur russe "Angara". Ce projet à long terme est très coûteux et requiert des investissements importants. Si Astana participe à son financement, il sera en droit de compter sur une part appropriée des recettes.

Pendant les négociations, le Kazakhstan a annoncé sa disposition à débloquer 200 millions de dollars pour la réalisation du projet. Ces fonds suffiraient pour mettre en place la base du complexe (sans compter les fusées-porteuses et l'infrastructure de lancement). Une participation financière de la partie kazakhe permettrait de réduire les délais d'exécution du projet et faciliterait le règlement de certains autres problèmes dont le problème écologique.

Le Kazakhstan a manifesté à maintes reprises son mécontentement face aux tirs de fusées porteuses (surtout des "Proton") utilisant des ergols à base toxique depuis le cosmodrome de Baïkonour. Ces dernières années, les spécialistes russes ont travaillé dur pour améliorer les paramètres écologiques des "Proton" et réduire l'impact négatif des lancements sur l'environnement. Leurs efforts ont été assez fructueux. Le remplacement des lanceurs "Proton" par les fusées écologiquement propres "Angara" réglera ce problème.

Qui plus est, les tirs des fusées "Angara" depuis le site du Kazakhstan, plus proche de l'Équateur, seront plus efficaces que ceux effectués depuis le cosmodrome septentrional russe de Plessetsk dont l'utilisation est également envisagée. Les "Angara" perfectionnées auront une capacité de charge de 28-30 t grâce aux nouveaux propulseurs auxiliaires. La Russie occupera alors une position dominante sur le marché prometteur des lancements commerciaux vers l'orbite géostationnaire qui est surtout optimale pour les satellites de télécommunications. Rappelons que "Proton" peut emporter une charge utile de 2,6 t sur orbite géostationnaire et "Angara", même dotée des propulseurs actuels, 5-6 t.

"Angara" a été conçue comme un lanceur universel qui pourrait être léger, intermédiaire ou lourd en fonction du nombre d'accélérateurs. Mais au début de 2003, le ministère de la Défense, qui a commandé la mise au point de la fusée, a préféré d'utiliser les lanceurs russes "Soyouz", "Kosmos- 3M", ainsi que les fusées "Rockot" et "Strela" dérivés de missiles balistiques, à la place des lanceurs légers "Angara" pendant les tirs effectués depuis le cosmodrome de Plessetsk. Or Baïkonour servira de base de lancement des "Angara" dans ses trois versions. Cela réglera le conflit entre la Russie et la compagnie américaine Lockheed Martin qui a obtenu une franchise pour l'exploitation des droits commerciaux des "Angara" sur le marché international. La société américaine a versé 68 millions de dollars au centre spatial de Recherche et de Production Khrounitchev pour le projet "Angara" à condition que la première fusée légère soit lancée en 2003.

Bref, la base de Plessetsk servira aux lancements militaires et fédéraux, ce qui est tout à fait correct du point de vue juridique et militaire, alors que le cosmodrome de Baïkonour, qui restera russe pour une cinquantaine d'années, sera utilisé pour les lancements commerciaux.

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