Les lancements ratés des missiles balistiques seront repris

S'abonner
MOSCOU, 11 mars (par Viktor Litovkine, commentateur militaire de RIA-Novosti).

La technique est responsable, et non pas à ceux qui la manient. Telle est la conclusion de la commission intersectorielle présidée par le général Alexandre Roukchine, chef adjoint d'Etat-major des forces armées russes, chef de la Direction opérationnelle principale, qui a travaillé dans la Flotte du Nord. La commission a dressé le bilan de l'enquête sur les causes des lancements ratés des missiles balistiques de stationnement maritime RMS-54 à partir des sous-marins atomiques du projet 667 BDRM (d'après la classification de l'OTAN, "Delta-4") - "Novomoskovsk" et "Carélie" - au cours des exercices stratégiques d'état-major et de commandement "Sécurité-2004". Il s'agit d'un incident d'importance nationale. Il s'est produit le 17 février, lorsque le président russe Vladimir Poutine, Chef suprême des armées, se trouvait à bord du croiseur sous-marin atomique lourd "Akoula", le plus grand au monde, projet 941 (d'après la classification de l'OTAN, "Typhon"). Au moment où le Chef suprême observait les entraînements sur la passerelle de commandement du navire, le système d'information et de direction "Omnibus-BDRM" du sous-marin atomique "Novomoskovsk" a bloqué la sortie de deux missiles RSM-54 qui devaient partir des profondeurs de la mer de Barents vers le polygone de Koura au Kamtchatka.

L'amiral de la flotte Vladimir Kouroiedov, commandant en chef de la Marine de guerre russe, a dit ensuite que "le lancement était conventionnel, électronique". Mais le lendemain, 18 février, lorsque le président russe se trouvait déjà sur le polygone de Plessetsk, un missile analogue RSM-54 lancé du sous-marin "Carélie" a dévié de sa trajectoire initiale et s'est détruit à la 98e seconde de vol.

Le 1er mars, à la réunion du gouvernement au Kremlin, Vladimir Poutine a exigé que le ministre de la Défense Serguei Ivanov éclaircisse les causes de cet incident et prévoie de nouveaux exercices qui prouveront, notamment au président, que les insuffisances ont été effectivement éliminées.

Selon les communiqués du ministère de la Défense, ces exercices sont prévus. Comme l'a déclaré Serguei Ivanov, ils auront lieu en avril, au plus tôt. Premièrement, la Russie doit informer les Etats-Unis, son partenaire dans le cadre du Traité sur la réduction des armements offensifs stratégiques (START-1) des nouveaux lancements de missiles balistiques à partir de sous-marins, de même que Washington doit le faire à l'égard de Moscou dans le même cas. En règle générale, cette procédure s'effectue avec deux ou trois semaines, voire avec un mois d'avance. Deuxièmement, il faut préparer les appareils télémétriques de tel ou tel signataire du Traité START-1 pour mesurer les paramètres techniques du vol des missiles. Par exemple, les postes terrestres russes de contrôle et de mesure qui suivent le vol des missiles stratégiques sont situés, en règle générale, dans la zone de la merzlota (pergélisol), dans la toundra et la taïga, le long du littoral de l'Océan Glacial Arctique. Pendant les intempéries de printemps, les avions ou les hélicoptères ont du mal à y parvenir. Il faut du temps pour cela. Mais, l'essentiel, il est nécessaire de vérifier minutieusement et de régler, peut-être de remplacer, tels ou tels sous-ensembles et pièces auxiliaires de tous les appareils et systèmes qui participent au lancement et au vol des missiles balistiques tirés des sous-marins. Il s'agit, entre autres, des systèmes de navigation des sous-marins nucléaires et des appareils spatiaux de guidage et de poursuite des vols des missiles, du système d'astrocorrection, du système informatique de bord, du même système informatique dotant le missile RMS-54, etc.

Après l'échec publiquement enregistré lors des exercices stratégiques d'état-major et de commandement "Sécurité-2004", les ressources financières et techniques indispensables ont été tout de suite trouvées. Comme le dit le proverbe "à quelque chose malheur est bon".

Pourquoi avoir tant attendu pour prendre ces mesures? De l'avis des experts militaires, il est inutile de poser cette question. Il est notoire que l'argent manquait catastrophiquement ces dernières années, surtout à la fin du siècle dernier, pour le rééquipement technique de l'armée et de la flotte russes. Le général Alexei Moskovski, chef de l'équipement des forces armées russes, a publiquement reconnu que, de 1996 à 2000, les volumes prévus par le budget pour la commande militaire de l'Etat concernant l'achat et la modernisation des armes et du matériel de guerre (y compris les pièces détachées) n'ont jamais été respectés. En 1996, le ministère des Finances a affecté 8,2 milliards de roubles, contre 21,8 milliards prévus. En 1997, 5,0 milliards de roubles (contre 25,5 milliards de roubles prévus), en 1998, 1,8 milliard (contre 15,2 milliards prévus), en 1999, 15,8 milliards de roubles (contre 23,7 milliards prévus), en 2000, 38,2 milliards, contre 38,8 milliards de roubles prévus. En janvier 2004, la dette du ministère de la Défense envers l'industrie d'armement pour la commande militaire de l'Etat a atteint près de 2 milliards de roubles.

Ce qui est surprenant, ce ne sont pas les déficiences techniques, mais le fait que le matériel fonctionne quand même. Dans les situations critiques, lorsque tel ou tel élément est en panne, il n'explose pas ou ne s'allume pas, il est bloqué. Il faut remercier pour ces conceptions les spécialistes russes qui ont su créer des armes aussi "intelligentes". Malgré les propos tenus sur l'état critique du bouclier nucléaire russe, les lancements ratés des missiles à partir des sous-marins "Novomoskovsk" et "Carélie" prouvent, aussi paradoxal que cela soit, que les missiles russes peuvent être exploités en toute sécurité.

Evidemment, chacun comprend qu'ils ont été créés non pas pour prouver leur sûreté d'exploitation, mais pour dissuader l'agresseur éventuel. Les missiles RSM-54, arme principale de dissuasion dont est dotée la Marine de guerre russe, sauront-ils accomplir leur mission? C'est la question principale posée par le président Vladimir Poutine au ministre de la Défense et aux dirigeants de la Marine de guerre. Et la réponse est attendue non seulement au Kremlin mais aussi, de toute évidence, dans les pays du "club nucléaire". Par conséquent, les prochains "exercices réitératifs", dont le coût déjà annoncé est d'environ 2 milliards de roubles (équivalent de la dette de l'Etat envers le complexe militaro-industriel) constitueront un examen très sérieux pour les marins des forces navales, pour l'industrie d'armement et pour le pays dans son ensemble.

Les incidents du 17 et du 18 février obligeront probablement le gouvernement de la Russie à envisager dans une optique nouvelle les besoins techniques des forces armées, l'essence de la réforme militaire et l'édification d'une armée nouvelle. Le gouvernement doit comprendre que l'incident est un rappel de la crise qui a de longues années durant affecté les troupes russes à cause du sous-financement de la commande d'Etat, des travaux de recherche-développement, des achats et de la modernisation des armements. Si des efforts supplémentaires ne sont pas déployés prochainement pour changer la situation, les exercices réitératifs devront être effectués plusieurs fois.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала