Le sort des chefs-d'oeuvre de Fabergé

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La semaine dernière, le Palais des Patriarches au Kremlin présentait à l'élite politique et d'affaires du pays, dans l'exposition "Fabergé : perdu et retrouvé", une collection des oeufs de Pâques du grand joaillier russe. Après tant d'années passées à l'étranger, ces chefs-d'oeuvre se retrouvent enfin dans leur pays d'origine.

par Olga Sobolevskaïa, RIA Novosti.

La semaine dernière, le Palais des Patriarches au Kremlin présentait à l'élite politique et d'affaires du pays, dans l'exposition "Fabergé: perdu et retrouvé", une collection des oeufs de Pâques du grand joaillier russe. Après tant d'années passées à l'étranger, ces chefs-d'oeuvre se retrouvent enfin dans leur pays d'origine.

La célèbre collection — elle comprend plus de 190 pièces, dont 9 oeufs de Pâques, agrafes, tabatières, plats, plateaux et encriers tous signés Fabergé — se retrouve dans notre pays grâce à Viktor Vekselberg, vice-président du groupe pétrolier russo-britannique TNK-BP. En février, à deux mois des enchères annoncées par Sotheby's — la collection devait y être vendue — l'homme d'affaires russe l'a acquise aux héritiers de Malcolm Forbes. Ce marché d'un coût de plus de 100 millions de dollars a restitué les oeufs à la Russie.

Plusieurs mois après, l'euphorie provoquée par l'acquisition de la collection ne faiblit pas. Dans son interview accordée en exclusivité à RIA-Novosti la directrice des Musées du Kremlin de Moscou, Elena Gagarina, parle d' "un grand ouvrage consacré à cette collection qui paraîtra dans les jours à venir à New York" et d' "un film qui va passer à la chaîne Première de la télévision russe et qui présentera en détail le retour de ces chefs-d'oeuvre de Fabergé en Russie". Les journaux, les historiens d'art et les mécènes n'en finissent pas de débattre vivement du marché de Vekselberg et de sa collection. Mais la question — à qui iront en fin de compte ces trésors et qu'est-ce qui arrivera à la collection — reste jusqu'ici ouverte.

Car les Musées du Kremlin — le Palais des Armures, qui en fait partie, possède déjà une collection de 10 oeufs de Fabergé, donc la plus importante du monde, — prétendraient aussi à l'héritage de Forbes. Mais ils ont un rival puissant, le plus riche des musées de Russie et l'un des grands musées du monde, l'Ermitage de Saint-Pétersbourg. Pour les deux, des mécènes acquièrent, régulièrement, des pièces précieuses. Le Musée de l'Ermitage a eu le "cadeau" le plus généreux, le célèbre "Carré noir" de Kazimir Malevitch. Les Musées du Kremlin ont eux aussi de quoi se targuer: il n'y a pas longtemps, le producteur russe de diamants Alrosa leur a présenté deux oeufs de Fabergé et une panagie d'or (une petite icône dans un cadre précieux portée sur la poitrine par les dignitaires de l'Eglise orthodoxe), datant du début du XXe siècle.

Quant à l'Etat, il évite de s'exprimer sur le sort de la collection. En février, l'ex-ministre de la Culture, Mikhaïl Chvydkoï, déclarait à RIA-Novosti: "L'essentiel est que cette collection — sa valeur est incontestable — retourne dans le pays. Pour ce qui est de l'Etat, il ne doit pas être propriétaire de toutes les valeurs artistiques en Russie". L'acte de Vekselberg a été décrit par lui comme "une démarche normale et civilisée, témoignant des changements positifs survenant dans la vie économique, politique, culturelle et sociale de la Russie".

"La collection reste privée. Son sort sera réglé par son propriétaire, Viktor Vekselberg", a souligné dans son interview à RIA-Novosti la directrice des Musées du Kremlin, Elena Gagarina. A la question de savoir si la cession d'une partie de la collection était quand même possible, elle a répondu: "Chaque pièce présente sans aucun doute un intérêt particulier, mais, dans son ensemble, la collection n'a pas, dans son aspect actuel, d'égal dans le monde quant à sa diversité typologique et de genre. Viktor Vekselberg l'a sauvée de l'éparpillement entre différents collectionneurs et pays".

Les oeufs de Pâques de Fabergé "sont des chefs-d'oeuvre et des monuments uniques de l'art appliqué russe", souligne Elena Gagarina. "Presque tous les oeufs signés Fabergé se trouvaient au Palais des armures du Kremlin avant 1922. Ensuite, "pour colmater les brèches financières de la jeune République des Soviets, leur grande partie a été vendue à l'étranger", explique-t-elle.

La collection acquise par Vekselberg comprend, selon Elena Gagarina, les oeuvres qui marquent des étapes. Par exemple, le premier oeuf, avec une poule d'or, fut fabriqué en 1885 sur commande d'Alexandre III, père du dernier empereur russe Nicolas II, pour la tsarine Maria Féodorovna. C'est lui qui a ouvert la série pascale. L'impératrice aima tellement le cadeau que, depuis, la commande devient traditionnelle.

L'"héritage Forbes" contient aussi l'un des derniers oeufs de Fabergé, "Ordre Saint Georges", un chef-d'oeuvre fabriqué en 1916, pendant la Première guerre mondiale. C'est l'unique pièce qui fut emportée par Maria Féodorovna de sa vaste collection lorsqu'elle quittait la Russie bolchéviste à bord d'un bâtiment de guerre anglais en 1919.

Les membres de la famille impériale n'étaient pas les seuls clients du "génie inégalé de Fabergé". A l'exposition, on admirera l'oeuf-montre de la duchesse de Marlboro, celui qui a marqué le début de la collection de Forbes.

Fin juillet, la collection partira en tournée, d'abord à Saint-Pétersbourg, puis à Ekaterinbourg dans l'Oural et à Irkoutsk (Sibérie méridionale). Dans les deux années à venir, la collection pourrait être exposée à l'étranger, par exemple, en Grande-Bretagne qui a déjà fait parvenir des propositions appropriées.

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