Sauts intégrationnistes

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Sauts intégrationnistes

MOSCOU, 5 juillet (par Arsénii Palievski, commentateur de RIA Novosti). Les traditions mondaines se perpétuent en Russie. Le 3 juillet, pour la première fois de l'ère post-soviétique, la manifestation hippique "Les sauts pour le prix du président russe" s'est déroulée sur l'Hippodrome central de Moscou. La dernière fois, des sauts d'une telle amplitude ont été effectués il y 90 ans, à la veille de la Première Guerre mondiale.

Cette manifestation s'est déroulée au niveau le plus élevé et a constitué en fait un sommet informel des chefs d'Etat des pays de la CEI.

Ces derniers temps la Russie reconstitue progressivement ses forces après une longue période de récession, elle commence à mener une politique de plus en plus active à l'égard des pays de la CEI. Selon le ministre des Affaires étrangères de Russie, Serguéi Lavrov, pour la Russie, la CEI "est une sphère d'intérêts vitaux dictés par l'histoire elle-même. Notre politique visant à développer les processus intégrationnistes et la coopération contribue à rehausser notre niveau de stabilité, ce qui répond objectivement aux souhaits de la communauté mondiale".

Cependant, la pratique montre que l'Occident n'est pas du tout enthousiasmé face aux initiatives intégrationnistes de la Russie dans l'espace postsoviétique. La tendance à la transformation de l'espace de la CEI en aire de rivalités et de luttes pour la conquête des sphères d'influence est visible aujourd'hui même.

La position négative sans équivoque de l'Union européenne envers la participation de l'Ukraine à la formation de l'Espace Economique Unique (EEU) rassemblant la Biélorussie, la Russie, le Kazakhstan et l'Ukraine parle en faveur de ce scénario d'évolution des événements.

Enfin, certains médias occidentaux se font de plus en plus les imprécateurs jaloux des "ambitions impériales" de la Russie.

Selon le chef de la chaire d'Intégration européenne du MGUIMO, Olga Boutorina, "en Occident on accuse la Russie de ce qui provoque dans les pays européens eux-mêmes un sentiment de honte, parce que, dans leur grande majorité, les pays d'Europe sont d'anciennes puissances impériales. C'est pourquoi le renforcement des positions géopolitiques de la Russie suscite une certaine jalousie, la rivalité. Et en conséquence, on assiste à l'émergence de la thèse selon laquelle la Russie tend vers "l'hégémonisme impérial". Le but de cette thèse est l'obtention du droit moral de contrer le renforcement des positions de la Russie qui sont par essence légitimes et fondées".

La nature unique des processus intégrationnistes qui se déroulent dans le cadre de la CEI réside dans le fait que des pays désormais indépendants ont vécu des décennies durant, voire pendant des siècles, au sein d'un Etat unique. Si bien que leurs économies sont interdépendantes et complémentaires, car en vertu de traditions, elles ont une base technologique commune. Cet héritage du passé constitue un énorme potentiel pour effectuer le saut intégrationniste.

La situation géographique des pays de la Communauté les pousse également à renforcer leur coopération. C'est que l'espace de la CEI réunit deux marchés énergétiques importants et prometteurs — un marché européen et un marché asiatique. Et c'est précisément la raison pour laquelle il est convenu de considérer la coopération dans le domaine du complexe combustible-énergie comme une des axes prioritaires.

Selon les différentes estimations, les quatre pays membres de l'EEU, qui forment le "noyau dur" de la CEI, pourront dès 2007-2010 créer un marché unique des ressources énergétiques, ce qui favorisera même l'élévation de la compétitivité de leurs économies nationales.

Dans ce sens, le choix imposé par l'Union européenne à l'Ukraine — participer à l'EEU ou intégrer l'UE — peut être justement perçu comme une manifestation de la lutte concurrentielle.

Selon Olga Boutorina, "la participation d'une des parties à une association régionale ne l'empêche pas de développer ses liens avec un autre groupe régional. Il y a des précédents historiques, par exemple, entre l'UE et l'Association Européenne de Libre Echange (AELE), un accord cadre a été conclu et l'Espace Economique Européen (EEE) a été formé". Si bien que, selon les experts, la question du choix obligatoire est un faux problème, bien que "l'UE s'efforce certes de renforcer ses positions géopolitiques, et toutes les raisons existent de penser que dans l'avenir l'Occident continuera d'exercer une telle pression sur les pays de la CEI".

Néanmoins, l'approfondissement des processus intégrationnistes dans l'espace postsoviétique est un fait parfaitement objectif, qui, de plus, répond aux intérêts nationaux des Etats membres. C'est pourquoi on peut s'attendre dans un avenir relativement proche à l'approfondissement ultérieur de l'intégration, tant dans le format élargi de l'ensemble de la CEI que dans le cadre de l'Espace Economique Unique au sein des "quatre" locomotives.

Ou des "trotteurs". "Les sauts pour le prix du président" pourraient dans un proche avenir se transformer en forum informel des leaders des pays ayant effectué leur saut intégrationniste.

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