Le cinéma russe entre dans l'ère des blockbusters

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MOSCOU, 29 septembre - par Olga SOBOLEVSKAÏA, commentatrice RIA Novosti.

Les blockbusters sont désormais à la mode en Russie. S'ils correspondent ou non aux idées occidentales du blockbuster, laissons en juger les spectateurs dont 80% ont moins de 30 ans. Cette jeunesse a grandi dans les années où les productions américaines régnaient sans partage sur le grand écran, et elle en sait long sur les films jalons d'outre Atlantique.

Les Russes Egor Kontchalovski et Timour Bekmambetov ont la réputation d'auteurs de blockbusters russes. Leurs films sont nés de la publicité, tous deux étant réalisateurs de spots publicitaires à succès. Les productions qui précèdent leurs blockbusters ne sont que les premiers pas. Mais, tournant décisif, Kontchalovski sort en 2002 son "Antikiller" et, un an plus tard, son "Antikiller-2".

Les deux thrillers sur le policier Filipp Korenev (dans l'interprétation de Gocha Koutsenko, superstar de nombreux films des dernières années et animateur télé) opposé d'abord à la mafia, puis aux terroristes ont attiré principalement des jeunes qui aiment les fortes sensations s'ils ne l'étaient pas par une campagne publicitaire sans précédent: les auteurs ont engagé tous les supports pub existants, allant des panneaux de rue à l'Internet. Il y a eu même un jeu électronique "Antikiller"... La vieille génération ne pouvait que s'étonner en voyant des vedettes d'âge mûr prenant part à cette expérimentation d'Egor Kontchalovski montée à la façon d'un spot publicitaire et qui ne donne pas beaucoup de matière à réfléchir.

"La Ronde de nuit" de Timour Bekmambetov tourné d'après un roman de Sergueï Loukianenko est devenu le hit de 2004. Les États-Unis en ont déjà acheté les droits. Ce film réalisé dans le genre plébiscité de science-fiction et dont l'action se passe de nos jours à Moscou et fait référence aux batailles mythologiques entre le Bien et le Mal est le champion de la distribution cinématographique russe. Par ces recettes, il amême dépassé la série oscarisée du "Seigneur des anneaux" en décrochant 16 millions de dollars. La clé du succès est à peu près la même que chez Kontchalovski: myriade de superstars, sujet tendu, musique et décors de style, mais surtout l'assaut publicitaire.

Enthousiasmés par les lauriers des pionniers Kontchalovski et Bekmambetov, leurs confrères Alexeï Sidorov et Nikolaï Lebedev se décident aussi à tourner des blockbusters, exigés finalement par le marché russe et qui pourraient rivaliser avec le cinéma occidental. Tous les réalisateurs précités font partie de la nouvelle génération qui se soucient du marketing: distribution, recettes et accueil du public. "L'Etoile" de Nikolaï Lebedev a en partie assouvi la vieille soif du patriotisme. Ce film sur l'exploit d'un détachement d'éclairage retranché dans l'arrière-front de l'ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale a même obtenu le Prix d'État en 2003 et attiré la vieille génération dans les salles. Aujourd'hui, Lebedev s'adonne à la science-fiction à la mode avec son nouveau projet "Chien-loup" dont on sait seulement qu'il ne paraîtra pas avant décembre 2005 et que le tournage s'est déroulé en Russie, en Slovaquie et à Malte.

Alexeï Sidorov dont le feuilleton "La Brigade" a eu un succès scandaleux (il a romantisé des amis criminels, poussé des groupes d'adolescents à commettre plusieurs crimes spectaculaires et relancé le débat sur la mission morale de l'art) est en train de tourner "Un Combat avec l'ombre". Son personnage, un boxeur en quête de la gloire, lutte contre le milieu criminel. Le film sortira sur les écrans en mars prochain.

En 2005, on attend aussi la sortie d' "Antikiller-3". Mais c'est un autre film d'Egor Kontchalovski, "La Fuite", qui promet être plus intéressant. Kontchalovski le tourne dans l'esprit du "Fugitif" (1993), avec Harrison Ford, et en a déjà confié les rôles clés aux vedettes de son "Antikiller".

La vieille génération des réalisateurs voient d'un oeil sceptique les productions des jeunes. Pour Andreï Mikhalkov-Kontchalovski, 67 ans, cinéaste renommé avec expérience occidentale et père d'Egor Konchalovski : "Le cinéma de fiction devient purement divertissant. Il ne domine plus sur les idées. L'homme contemporain n'a plus besoin d'un cinéma qui cherche à comprendre le mystère de l'homme. Il lui faut divertissements, fast-foods et McDos".

"Le cinéma était l'art quand les mots "marketing" et "superstar" n'existaient pas. A l'époque de Fellini, il n'y avait pas de superstars, mais des stars tout court. Là où commencent les "super-", le cinéma n'est plus", conclut Andreï Kontchalovski.

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