Malgré certains risques, la Russie mise beaucoup sur les élections en Ukraine

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PARIS, par Angela Charlton, en exclusivité pour RIA Novosti. On a la drôle impression que le président russe Vladimir Poutine est candidat à l'élection présidentielle ukrainienne prévue pour dimanche prochain. Son intervention à la télévision à Kiev et sa longue visite en Ukraine témoignent qu'il y accorde plus d'attention qu'à certaines régions russes pendant la campagne électorale présidentielle en Russie.

On comprend bien l'intérêt russe pour le sort de l'Ukraine. Mais tandis que Vladimir Poutine réfléchissait sur la fraternité des peuples slaves, d'autres "amis" russes déchaînaient les passions en Ukraine et cherchaient à diviser les électeurs en deux camps opposés en ayant recours à des campagnes de diffamation. Les élections de dimanche seront un exemple de la démoctatie sous son aspect le plus changeant et instable. La Russie, est-elle prête à faire face aux conséquences d'une telle ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat voisin et à coopérer avec ce qu'il restera de l'Ukraine lundi matin?

Les pipelines ukrainiens sont un élément important du transit de pétrole et de gaz russe en Europe. Sébastopol est la base de la Flotte russe, unité stratégique de la Marine de guerre russe sur les côtes de la mer Noire. L'industrie de défense russe dépend des composants ukraniens. Ne parlons même pas des liens culturels et spirituels séculaires entre les deux peuples slaves.

Moscou redoute que la victoire du leader de l'opposition Victor Iouchtchenko porte atteinte à ces intérêts. Aussi le Kremlin cherche-t-il à maintenir la situation actuelle en Ukraine en misant sur le Premier ministre Victor Ianoukovitch, protégé du président Léonid Koutchma. Au début du mois, le favori de Moscou a été invité à l'anniversaire de Vladimir Poutine. Des panneaux publicitaires louant ses actes ont été installés dans la capitale russe. Des rumeurs courent que des "experts russes de retournement d'opinion" sont cachés dans des maisons secrètes situées dans les banlieues de Kiev. Selon les rumeurs, ces professionnels de la propagande doivent créer une ambiance propice à la victoire de Victor Ianoukovitch pendant les élections ou même obtenir des résultats plus radicaux permettant au président Koutchma de rester au pouvoir.

Quelque élaboré que paraîsse le mécanisme de la participation russe aux élections ukranienne, la Russie est exposée à plusieurs facteurs de risque.

Premièrement, il est probable que ce mécanisme ne marche pas. La campagne électorale est toujours tendue et elle devient de plus en plus hideuse. Le soutien apporté par Vladimir Poutine à Victor Ianoukovitch - il y a encore peu de temps homme politique impopulaire accusé de trahison - peut influer sur certains électeurs tout en repoussant d'autres Ukrainiens comprenant qu'ils ne sont que des pions dans les jeux géopolitiques de Moscou.

L'ambassadeur de Russie en Ukraine Victor Tchernomyrdine a compromis les projets de Moscou déclarant que la visite opportune de Vladimir Poutine en Ukraine n'était pas liée à la présidentielle.

La victoire de Victor Iouchtchenko mettra aussi Vladimir Poutine dans une position délicate par rapport à l'Occident, le laissant seul avec le président-paria biélorusse Alexandre Loukachenko alors que l'Ukraine se tourne vers des forces européennes plus progressistes.

On ne peut pas être sûr que Victor Ianoukovitch fera toujours ce que Moscou souhaite, s'il accède au pouvoir. Cet homme politique est étroitement lié aux oligarques ukrainiens et leurs intérêts ne coïncident pas toujours avec ceux de leurs collègues russes. Les élites d'affaires ukrainiennes ne sont guère fidèles à Victor Ianoukovitch. Se moquant de lui dans les couloirs, ces gros bonnets l'appuient publiquement dans l'espoir qu'il soutienne leurs intérêts.

Ianoukovitch promet d'accorder des droits plus étendus aux habitants russophones de la république. Mais il ne faut pas oublier que Léonid Koutchma a remporté la présidentielle il y a dix ansen promettant de rétablir le statut mérité de la langue russe. Cependant il a vite oublié ses promesses électorales. Ces dernières années, l'ukranien a renforcé sa position en tant que langue officielle et le parlement a peu de chances de changer la situation actuelle.

Même si l'Ukraine renonçait à l'adhésion à l'OTAN, Victor Ianoukovitch devrait mener une politique souple et modérée à l'égard de l'Union Européenne pour ne pas nuire aux relations commerciales avec ses voisins occidentaux. Tous les hommes politiques ukrainiens comprennent bien qu'il serait suicidaire pour l'Ukraine de miser uniquement sur la Russie ou sur l'Occident.

On considère Victor Iouchtchenko comme un candidat de l'Occident. Il exprime l'idéologie et les intérêts corporatifs de l'UE et des Etats-Unis et jouit du soutien des régions occidentales de l'Ukraine. Mais la tactique qu'il a choisie il y a quatre ans en tant que Premier ministre pour surmonter la crise économique en Ukraine, était inspirée de l'expérience russe. Pendant les années 1990, Victor Iouchtchenko a occupé le poste de président de la Banque d'Ukraine. A l'époque il a mené une politique financière prudente qui lui a valu en même temps des éloges et des critiques pour sa position centriste à l'égard de l'Orient et de l'Occident.

La participation aussi active de la Russie à la campagne électorale ukranienne témoigne de son complexe d'infériorité profondément enraciné par rapport à l'Occident. La stratégie russe est fondée sur la supposition que l'axe transatlantique cherche à absorber les pays voisins. L'Union Européenne, surtout ses nouveaux membres qui ont des frontières communes avec l'Ukraine - Pologne et Hongrie, ainsi que les Etats-Unis sont, naturellement, aussi intéressés à certains résultats des élections de dimanche. Cependant ni l'échelle ni l'importance du rôle joué par l'Occident dans la campagne électorale ne peuvent être comparés avec celui de la Russie.

L'Ukraine ne souhaite pas s'unir à la Russie, mais elle veut rester sa bonne amie. Le futur président ukrainien devra donc conférer un caractère de politique d'Etat à cette amitié. La Russie, quant à elle, devra mener une politique pondérée pour ne pas créer le chaos, mais une situation calme dans son voisinage.

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