Le nombre d'usagers de la toile russe a atteint 15 millions

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MOSCOU, 3 novembre (par Vladimir Simonov, commentateur RIA Novosti).

Une petite annonce vient d'apparaître à la porte d'entrée de l'immeuble où j'habite: "Accès Internet à bas prix. Les nouveaux clients sont les bienvenus". Un petit fournisseur d'accès qui dessert mon immeuble cherche à s'adapter aux tendances générales qui s'affirment ces derniers temps sur le marché russe: les tarifs des services online sont en baisse. Le secteur russe de la toile mondiale appelé Runet devient en se diversifiant de plus en plus séduisant. L'armée de ses usagers, selon des estimations conservatrices, a atteint presque 15 millions. Chaque année, le nombre de familles russes connectées à la toile progresse d'un tiers, et les prévisions pour l'avenir sont encore plus optimistes. Selon le ministère russe de l'information et des télécommunications, environ 14% de la population auront accès à la toile d'ici 2006. Rappelons que les internautes représentaient un peu plus de 2% de la population il y a encore quatre ans. Mais le Runet voit progresser non seulement son audience, mais aussi sa vitesse de transmission. À titre d'exemple, sur un million d'usagers individuels à Moscou 20% bénéficient de lignes spécialisées à canaux multiples d'un débit supérieur à 64 kbits/sec. Pour cet indice, la capitale russe a dépassé le Danemark où seulement 6% de la population ont un accès Internet à haut débit.

Cependant, la capitale est une chose, et la province russe en est une autre: là le tableau est moins glorieux. Pour la grande majorité des provinciaux, l'ordinateur demeure un objet de luxe peu abordable, et les services d'un fournisseur d'accès Internet un fardeau excessif pour le budget familial.

Une initiative privée qui a toutefois beaucoup réjoui les Russes émanait récemment d'un gros fournisseur d'accès qui a proposé de vendre les ordinateurs à grand rabais si l'acheteur était prêt à recourir à ses services de connexion à la toile mondiale.

Le développement du Runet est aussi bridé par sa tendance à vouloir divertir plutôt que d'adopter un comportement d'homme d'affaires.

Au premier regard, les statistiques ne confirment pas ce jugement. Si en 1999 les compagnies russes n'ont gagné que 33 millions de dollars grâce au commerce électronique, leurs recettes ont grimpé à 1,1 milliard au cours du seul premier trimestre de 2004. Toutefois, ce commerce électronique se résume dans les ventes d'espaces publicitaires online. La toile russe regorge de magasins proposant une gamme de produits séduisants, mais les Russes ont encore peur de nouer des contacts d'affaires virtuels ou, plus encore, d'afficher sur la ligne "sécurisée" le numéro de leur carte de crédit. Le génie des hackers russes est connu de tous.

Quoi qu'il en soit, les experts sont impressionnés par la réaction, la curiosité intellectuelle et l'adaptation rapide aux nouveautés manifestées par les internautes russes. Les gros producteurs de logiciels comme Microsoft sont on ne peut plus contents: les Russes assimilent rapidement les innovations du software, dépistent des lacunes de sécurité et envoient facilement des propositions par courrier électronique, une assistance massive et désintéressée beaucoup appréciée par les programmeurs occidentaux.

En général, les Russes ayant accès à l'Internet sont exceptionnellement actifs sur le plan social. On pourrait l'expliquer par le fait qu'ils engloutissent plus d'informations venant des quatre coins de l'espace virtuel mondial. Mais il y a encore un facteur qui fait ressortir une catégorie particulière d'admirateurs de la toile. L'histoire même du pays et parfois l'expérience personnelle poussent beaucoup de Russes à considérer l'Internet comme un instrument important de promotion de la démocratie nationale. L'écran d'un ordinateur devient pour eux une fenêtre sur le monde. Les gens le comprennent bien: contrairement aux médias traditionnels, il est difficile d'imposer à la toile la volonté de quelqu'un et de la mettreau pas.

Mikhaïl Gorbatchev semble avoir le mieux défini cette attitude spécifique des Russes à l'égard de la toile. "L'Internet est un environnement optimal pour la promotion de la démocratie en Russie", a indiqué l'ancien président de l'URSS qui a accepté le poste de président du directoire de Rosinternetfond, une association à but non lucratif qui se pose pour mission de multiplier les accès Internet en Russie. La compagnie voit dans cette mission le renforcement d'un élément important de la démocratie nationale.

Rosinternetfond vient d'ouvrir une filiale à Seattle, l'un des plus grands centres de l'industrie informatique américaine où se trouve le siège de Microsoft. La filiale doit aider les compagnies online américaines à s'établir sur le marché russe. Une large base de données dont elle dispose fera connaître aux milieux d'affaires outre-Atlantique les possibilités des centres russes de technologies de pointe et leur facilitera la recherche d'effectifs et de partenaires en Russie.

En somme, l'Internet n'est plus exotique en Russie, il s'est solidement ancré dans le quotidien. L'existence d'usagers russes intéresse enfin les législateurs. La Douma a reconnu que la vie dans le cyberespace demeure principalement au-delà du cadre juridique et a décidé d'examiner une panoplie de nouvelles normes législatives réglementant les rapports dans et autour du Runet.

Les parlementaires agissent face à des menaces déjà bien connues de leurs collègues occidentaux. À mesure de son évolution, le Runet, amusant, éducatif et bienveillant dans un premier temps, devient de plus en plus la plaque tournante de la cybercriminalité. Les droits de propriété intellectuelle y sont bafoués, le racisme et le fascisme fleurissent, la pornographie se répand, les hold-up de magasins online et autres manœuvres prospèrent.

Pour la Douma, il est clair que des lois sur la toile s'imposent depuis longtemps. Mais l'affaire achoppe sur un dilemme: faut-il élaborer une seule et même loi ou plusieurs actes législatifs concernant certains domaines d'application des technologies d'information suffiront-ils? Dans tous les cas on s'accorde à dire que la nouvelle législation ne devrait pas porter atteinte à la nature démocratique de la toile et, surtout, du secteur russe. Respecter les règles du jeu et censurer sont des choses différentes. "Les actions visant à prévenir et à réprimer les violations ne doivent pas limiter les usagers honnêtes ou entraver la promotion de l'Internet", estime, convaincu, Dmitri Milovantsev, l'un des dirigeants de l'Agence fédérale des télécommunications.

En d'autres termes, le Runet doit rester un miroir dans lequel la jeune démocratie russe pourrait se reconnaître.

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