Enjamber sans problèmes la période de radicalisation de la politique extérieure des Etats-Unis

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MOSCOU, 15 novembre - par Constantin Kossatchev, président du Comité international de la Douma d'Etat - RIA Novosti. La campagne électorale aux Etats-Unis a confirmé une fois de plus que ce ne sont guère les plates-formes électorales, mais plutôt les technologies politiques qui permettent de remporter les élections dans ce pays. Les programmes de George Bush et de John Kerry n'avaient pas beaucoup de divergences de principe. Mais le président Bush et son équipe ont réussi un bon et sage coup ayant choisi les valeurs morales comme un des slogans essentiels de la campagne. Parallèlement à la sécurité, la lutte contre le terrorisme et la guerre en Irak, l'accent a été mis sur les questions de la politique de famille, des mariages homosexuels, de la liberté de conscience. La victoire de George Bush est due pour beaucoup au fait qu'il a réussi à attirer aux urnes les personnes jusqu'ici politiquement inactives, ce qui lui a permis de recueillir des voix supplémentaires.

Le "rôle de la personnalité dans l'histoire" y a aussi été important. Je me rappelle la caricature que j'ai vue dans un journal américain à la veille des élections. Dans le magasin "Couleurs", il y a deux présentoirs : derrière le premier, George Bush vend des peintures blanche et noire. Derrière le second, John Kerry ne propose aux clients que la couleur grise. Ceci m'a semblé être une description assez spirituelle des candidats : aucun d'entre eux n'avait pas de palette multicolore ni pour les Etats-Unis ni pour le monde qui les entoure. Cependant, George Bush, plus radical et plus catégorique, s'est avéré être plus proche de la plupart des électeurs américains.

Ces dernières années, les Etats-Unis, selon les propos de George Bush, sont en état de guerre contre le terrorisme. Mais le président sortant a toujours remporté les élections américaines lorsque le pays menait une guerre, et il est douteux que les récentes présidentielles aient pu constituer une exception. Pour les Américains,les questions économiques ont été moins importantes que celles de sécurité. C'est le deuxième facteur principal qui a favorisé la victoire de George Bush. En outre, le candidat John Kerry s'est avéré absolument dépourvu de charisme. La campagne électorale se déroulait donc plutôt selon le scénario "Bush contre Bush" que "Kerry contre Bush". Aussi étrange que cela paraisse, seulement un candidat, en un sens, a participé à ces présidentielles. Symptomatiques étaient les pronostics des analystes américains : tout grand acte terroriste sur le territoire des Etats-Unis à la veille des élections aurait été favorable pour la campagne de George Bush, mais un attentat pareil commis en Irak aurait diminué ses chances. Toutes les spéculations circulaient autour de la figure de George Bush, mais personne n'a essayé d'analyser les facteurs favorables et défavorables pour John Kerry.

George Bush a remporté les élections également grâce aux erreurs des démocrates. Il faut reconnaître que le parti démocrate est aujourd'hui en train de traverser une crise : dans le contexte des événements trop radicaux aux Etats-Unis et dans le monde, la prudence politique et le comportement politiquement correct qui leur sont propres s'avèrent moins avantageux que les couleurs blanche et noire de la caricature américaine.

Néanmoins, cet état de choses ne peut rester sans nous mettre sur nos gardes. Mes préoccupations sont liées au fait que les républicains peuvent considérer leur victoire comme un mandat qui les autorise à poursuivre la radicalisation des actions politiques des Etats-Unis dans l'arène mondiale. La politique extérieure du président Bush réélu sera sans doute plus radicale qu'elle ne l'était durant les quatre années précédentes, du moins au cours des mois à venir.

Quelles seront alors les relations entre les Etats-Unis et la Russie ? Les bonnes relations personnelles entre les présidents Bush et Poutine, de même que les bons rapports politiques entre les deux pays, laissent espérer que la tendance positive qui s'est profilée pendant les quatre années précédentes sera maintenue. Je ne pense pas que la victoire de John Kerry aurait aggravé considérablement les relations entre les Etats-Unis et la Russie. Il aurait été question de nuances et non pas de principes. Cependant, il faut prendre en compte que le président Bush avait démontré ces derniers temps son attitude particulière envers la Russie. Il s'est rendu par exemple personnellement à l'ambassade russe afin d'exprimer ses condoléances à l'occasion de la tragédie de Beslan. C'était un acte non seulement humain, mais aussi politique très important : le protocole diplomatique ne l'exigeait point, et tout le monde aux Etats-Unis le savait.

Un autre signe positif est la déclaration du secrétaire d'Etat américain Colin Powell qu'il a faite fin octobre suite au soutien qu'a exprimé Vladimir Poutine au candidat républicain. Colin Powell a alors indiqué que le déroulement des événements en Russie (notamment, la réforme du système politique) ne violait pas les processus démocratiques et que le pays progressait dans une direction juste malgré certaines nuances.

Même si Colin Powell quitte son poste de secrétaire d'Etat l'année prochaine, il est peu probable que les républicains reviennent sur leur position en la matière. Cette position constituera un facteur modérateur dans les relations bilatérales qui permettra d'enjamber sans problèmes les premiers mois de la seconde présidence de George Bush, qui seront les plus dangereuses du point de vue de la radicalisation de la politique extérieure des Etats-Unis.

Il se peut que cette radicalisation se traduira dans d'autres domaines de la politique américaine, mais pas dans les relations avec la Russie. Dans ce contexte, la victoire de George Bush est plus préférable pour la Russie que celle de John Kerry, un candidat presque inconnu.

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