Vladimir Poutine essaie de faire renaître l'élite russe

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Moscou, 22 novembre (par Youri Filippov, commentateur politique de RIA-Novosti).

L'élite nationale a une importance fondamentale dans l'existence de tout Etat, mais c'est encore plus vrai en Russie.

Il y a six ou sept ans, la question de savoir qui dirige la Russie, qui est son élite nationale était en suspens. Le président malade Boris Eltsine rarement au Kremlin, la valse des ministres corrompus aux visages vite oubliés et inconnus du grand public, les hommes d'affaires aux allures d'escrocs et les soi-disant "oligarques" au passé quasi-criminel: tous ont prétendu jouer le rôle de "leaders de la nation" bien qu'ils ne l'aient pas été en réalité. Les uns, comme Boris Eltsine, ont perdu leurs qualités de leader dans le tohu-bohu des réformes, les autres (la majorité) n'avaient pas les capacités de jouer ce rôle, car la barre était trop haute pour eux : ils ne pouvaient que faire semblant d'être une élite, en jetant de la poudre aux yeux des profanes.

Après son investiture en mai 2000, Vladimir Poutine a probablement ressenti cette lacune du sommet russe. Il ne s'y est pas adapté et ne l'a pas soigné: il l'a tout simplement coupé. Vladimir Poutine a commencé par supprimer l'institution non officielle des "oligarques" du Kremlin, hommes qui avaient reçu à vil prix, sous Eltsine, d'immenses biens de l'Etat, ce qui leur avait permis d'entrer au Kremlin sans frapper aux portes. Après l'arrivée de Vladimir Poutine, ils n'y ont pas été admis. Ensuite, ce fut le tour des "oligarques" régionaux, dirigeants des régions qui, profitant de la maladie et de la faiblesse de Boris Eltsine, avaient utilisés leurs fiefs à des fins d'enrichissement personnel. Bien que tous les dirigeants régionaux n'aient pas des inclinations criminelles, Vladimir Poutine a pris une décision ferme: la chambre haute du parlement (Conseil de la Fédération) constituée des dirigeants des organes du pouvoir exécutif et législatif régionaux a été, en fait, dissoute en 2002 et formée d'autres membres.

Ces cinq dernières années, le criblage de l'élite nationale s'est poursuivi non seulement au parlement, mais aussi au gouvernement, dans l'armée, la police, même dans l'administration présidentielle d'où sont partis plusieurs célèbres personnalités de l'époque eltsinienne.

Une question logique se pose inévitablement au président Vladimir Poutine: sur qui doit-il s'appuyer pour appliquer sa politique, si la pseudo-élite des années 90 n'existe plus et si celle des années 2000 ne s'est pas encore formée?

Ces derniers temps, Vladimir Poutine semble de plus en plus souvent solitaire. Il intervient à la télévision, accorde des interviews et expose ses plans réformateurs, mais cela ne trouve pas, on ne sait pourquoi, un retentissement, un soutien et une résonance qu'il serait en droit d'escompter.

Vladimir Poutine jouit d'une confiance immense, sa cote de popularité dépasse 60 %, même d'après les évaluations les plus critiques. Comme toujours, il y a de nombreuses personnes prêtes à louer tout ce que propose le chef de l'Etat. Mais cela ne suffit pas pour conduire un pays aussi immense que la Russie. Vladimir Poutine a besoin d'autres hommes politiques, soit pas de la même envergure, mais cependant assez populaires, reconnaissables et aimés de la population qui expliquent constamment et intelligemment la politique de l'Etat et la mettent en oeuvre. Autrement dit, le président Vladimir Poutine a besoin d'une élite politique nationale.

A présent, il semble être prêt à la créer. La participation du président à la formation des élites régionales fait partie des récents projets de Vladimir Poutine. Il y a deux semaines, la Douma (chambre basse du parlement russe) a approuvé la conception de la loi présidentielle, selon laquelle les dirigeants des régions seront élus par les assemblées législatives régionales sur proposition du président. Vladimir Poutine est prêt à aller plus loin: lorsque les gouverneurs occuperont leurs places, il consent à les faire revenir à la chambre haute du parlement (Conseil de la Fédération) et, par conséquent, à accorder à ces gens une tribune politique nationale à Moscou.

A la différence de l'ancien Conseil de la Fédération qui a été réformé par Vladimir Poutine en 2002, le nouveau Conseil de la Fédération sera constitué des gouverneurs qui jouiront du soutien non seulement des régions, mais aussi du président russe et qui seront membres de l'équipe fédérale, et pas seulement des équipes régionales. Du point de vue politique et psychologique, le président aura plus de confort pour travailler avec ces gens. Et, bien entendu, vice versa, c'est pourquoi la "verticale du pouvoir" ou l'"Etat efficace", dont on parle beaucoup ces derniers temps en Russie, bénéficiera d'un appui important.

L'essentiel est de ne pas se tromper en choisissant les cadres, car cette fois c'est avant le président Vladimir Poutine qui sera responsable de la formation de l'élite politique russe.

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