Dualité du pouvoir en Ukraine

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MOSCOU, 24 novembre. (Par Arseni Oganessian, commentateur de RIA Novosti). Le second tour de la présidentielle en Ukraine a eu lieu le 21 novembre. Selon les résultats préliminaires annoncés par la Commission électorale centrale (CEC) d'Ukraine, Viktor Yanoukovitch devance Viktor Youchtchenko de trois points. Cependant, l'opposition conteste catégoriquement ce résultat et estime que le vainqueur est Viktor Youchtchenko.

Mardi soir, après que le président du parlement, Vladimir Litvine, eut repoussé la proposition de l'opposition de faire prêter serment à son candidat, Viktor Youchtchenko a quand même procédé à cette cérémonie, la main posée sur la Bible. A ce moment la direction de la Rada suprême au complet avait quitté la salle. Viktor Youchtchenko était entouré de ses partisans, 191 députés alors que le quorum est de 226 élus. Bien entendu, le président du parlement ukrainien a qualifié d'illégale l'investiture de Viktor Youchtchenko. En effet, le quorum n'avait pas été atteint et en plus le parlement n'est pas habilité par la Constitution à annuler les résultats d'élections ni à émettre un vote de défiance à l'égard de la CEC. Seul le président en exercice, à savoir Léonide Koutchma, peut le faire. Ce dernier a qualifié de "farce politique" les actions de l'opposition.

"La farce politique à laquelle se livrent aujourd'hui le bloc "Notre Ukraine" et ses partisans, qui, par souci de rationalité révolutionnaire, ont proclamé un "président populaire" et appelé à ne pas se plier aux décisions du pouvoir légitime, est extrêmement dangereuse et peut avoir des conséquences imprévisibles", a déclaré Léonide Koutchma.

Le président du Comité de la Douma (chambre basse du parlement russe) pour les affaires de la CEI, Andreï Kokochine, a déclaré de son côté que l'opposition était sortie du champ juridique et avait misé sur un coup d'Etat. Selon lui, ce genre d'action foule au pied la Constitution, les normes de la démocratie et celle de l'Etat de droit. Le député a également souligné que l'exercice de la politique dans la rue était très dangereux. Ce jeu là peut précipiter dans une grave crise, qui pourrait avoir des retombées européennes. De l'avis du politique, maintenant énormément de choses vont dépendre des démarches et des décisions du président ukrainien en exercice, Léonide Koutchma.

Cependant, la crise politique actuelle en Ukraine comporte plusieurs composantes. Tout d'abord, c'est la vague de manifestations qui déferle sur l'ensemble du pays. De multiples actions de soutien à Viktor Youchtchenko sont menées dans sa partie occidentale ainsi que dans la capitale. Dans l'est du pays ce sont des partisans de Viktor Yanoukovitch qui manifestent. Parallèlement une vague de mécontentement tout aussi ample et spontanée se déploie. Selon des informations en provenance de l'état-major de campagne de Viktor Yanoukovitch, quelque 7.000 actions en justice ont été intentées pour fraudes électorales au profit du candidat de l'opposition. De son côté l'état-major de campagne de Viktor Yanoukovitch a préparé environ 700 recours identiques. Par conséquent les résultats obtenus dans de nombreux bureaux de vote pourraient rapidement être annulés. Enfin, troisième composante des batailles électorales, la formidable pression extérieure exercée sur la situation en Ukraine. L'Union européenne, les Etats-Unis et l'OTAN ont déclaré qu'ils ne donnaient pas foi aux résultats officiels de l'élection présidentielle. Selon la teneur des déclarations, si Viktor Yanoukovitch devenait chef de l'Etat, l'Ukraine serait passible de sanctions allant jusqu'à l'isolement international, semblable à celui dont la voisine du Nord, la Biélorussie, fait l'objet actuellement.

Le président russe, Vladimir Poutine, a exposé mardi la position de la Russie en ce qui concerne la reconnaissance des résultats de la présidentielle en Ukraine. Selon lui, la Russie ne peut ni reconnaître, ni réfuter les résultats du scrutin du moment qu'ils n'ont pas été proclamés officiellement. Dans le même temps il a souligné qu'il avait félicité l'un des candidats à la magistrature suprême en fonction d'un sondage effectué à la sortie des urnes, mais que seule la Commission électorale centrale d'Ukraine était habilitée à se prononcer. Selon le président russe, tout doit rester dans le champ juridique. L'Ukraine est un grand Etat européen avec un système juridique développé et elle n'a pas de leçon à recevoir.

Le président Poutine a critiqué la déclaration des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne remettant en cause les résultats du scrutin en Ukraine. Je pense que c'est là une immixtion déplacée du moment que les résultats officiels n'ont pas encore été annoncés. Etant donné qu'elle a été faite à partir des rapports des observateurs de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), je pense que ceux-ci devraient se montrer plus précis et plus sérieux dans leurs fonctions. Si d'aucuns persistent à utiliser l'OSCE en qualité d'instrument pour parvenir à des objectifs tactiques, alors cette organisation continuera de ternir son prestige sur la scène internationale et de perdre sa raison d'être, a souligné Vladimir Poutine.

Le chef de l'Etat russe a indiqué que le recours aux épouvantails du passé dans le contexte ukrainien, quand un candidat est coloré aux couleurs russes tandis que l'autre l'est aux couleurs occidentales, est totalement improductif et erroné du point de vue de l'édification de rapports internationaux modernes, orientés vers l'avenir. Il s'agit là d'un procédé primitif d'examen de la question, qui en réalité est bien plus complexe, a dit le président. Pour celui-ci, "cela exacerbe les problèmes auxquels le pays est confronté et c'est ce qui explique la violente réaction du président Léonide Koutchma.

Dans le même temps, le président russe a pleinement approuvé l'UE qui a appelé les deux candidats à la course présidentielle de ne pas verser dans la violence. Il faut que tous les intéressés restent dans le cadre de la loi, a souligné Vladimir Poutine.

Pour ce qui est du chef de l'Etat ukrainien, il a instamment demandé aux forces politiques du pays de s'asseoir à la table de négociation. Pour lui, c'est là la seule façon d'empêcher une partition de l'Ukraine. Selon certaines rumeurs circulant à la Rada suprême, si ces pourparlers entre Viktor Yanoukovitch et Viktor Youchtchenko aboutissaient, ce dernier pourrait se voir confier le poste de premier ministre.

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