Un bouquet de roses révolutionnaires

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MOSCOU, 29 novembre. (Par Andreï Iliachenko, commentateur politique de RIA Novosti). La position rigoureuse de l'Occident face aux résultats de l'élection du président ukrainien a suscité une réaction pas moins vigoureuse de Moscou. Probablement sans précédent. On pourrait évoquer ici la confrontation de l'époque de la guerre en Yougoslavie, mais alors la Russie avait un autre président, une autre politique intérieure et étrangère. La réaction de Vladimir Poutine, dont le leitmotiv de la diplomatie est le partenariat avec l'Occident, est plus brusque que jamais. Pourquoi?

Bien sûr, les liens historiques et culturels qui se sont tissés au fil des millénaires entre la Russie et l'Ukraine sont quelque chose de sacré pour Moscou.

Bien sûr, alors que Moscou est préoccupé par le rapprochement de l'OTAN, il ne serait pas dans ses intérêts d'accepter l'insertion d'une nouvelle puissance dans la sphère d'influence de l'Alliance.

Bien sûr, l'Ukraine en tant qu'Etat transitaire pour les hydrocarbures russes a pour le Kremlin une portée géopolitique importante.

Bien sûr, ce qui est en jeu c'est le prestige international du président et celui-ci doit montrer s'il jouit ou non d'une influence réelle en Ukraine, le pays voisin le plus important pour la Russie dans l'espace post-soviétique.

Cependant, pour une autre raison aussi Vladimir Poutine n'a pas le droit de perdre la partie ukrainienne.

Tout ce qui se passe actuellement à Kiev a un rapport direct à l'élection présidentielle de 2008 en Russie. Quelle que soit la controverse politique sur les moyens utilisés par Vladimir Poutine pour rester au pouvoir à l'issue de son mandat, le scrutin aura lieu. Maintenant la question est de savoir dans quel climat.

Dans les années à venir, des révolutions de la rose pourraient se succéder dans plusieurs républiques post-soviétiques. L'ancienne élite soviétique qui actuellement détient le pouvoir devra tôt ou tard passer par le creuset des élections.Après l'Ukraine ce pourrait être au tour du Kazakhstan, de la Kirghizie et de l'Ouzbékistan. Il est fort peu probable que l'Occident accepte le passage en douceur du pouvoir aux héritiers de la nomenclature. Depuis Tbilissi voici un an et Kiev maintenant on sait quelle pourrait être l'alternative.

Moscou s'est très activement immiscé dans la campagne électorale en Ukraine, opérant ouvertement aux côtés de Viktor Yanoukovitch. La veille du scrutin Vladimir Poutine s'était rendu à deux reprises en Ukraine. Cependant, il ne faudrait pas oublier non plus que cette année la capitale ukrainienne a reçu les visites de George Bush senior, de Madeleine Albright et de Zbigniew Brzezinski. Voilà pour les pontes auxquels il faut ajouter ceux qui sont restés hors du cadre, soit plus de 600 conseillers travaillant dans les états-majors de Viktor Youchtchenko, les moyens financiers et techniques utilisés pour la tenue des meetings et des manifestations à Kiev. Lorsque l'on regarde les rangées de tentes sur la place de l'Indépendance il est difficile de se débarrasser de l'impression que tout cela avait été organisé à l'avance.

Les représentants de toutes les grandes organisations européennes sont eux aussi déjà arrivés à Kiev. Toutefois, il est probable qu'après l'annulation des résultats du scrutin ces émissaires soient considérés comme impartiaux. Par contre, on peut légitimement s'interroger sur l'appui financier et idéologique accordé par les pays occidentaux aux actions anticonstitutionnelles de l'opposition. Les formulations approximatives de l'Union européenne et des Etats-Unis ne laissent pas beaucoup de place aux démarches diplomatiques, mais elles sont perçues par l'opinion comme un soutien patent à Viktor Youchtchenko.

La réitération à Kiev du scénario de Tbilissi avec en perspective une évolution des événements identique en Asie centrale incite à se demander si la même situation ne pourrait pas se produire aussi en Russie avant la présidentielle de 2008.

Si l'Occident apporte à Vladimir Poutine un bouquet de roses révolutionnaires dans l'espace post-soviétique, le chef de l'Etat russe pourra soit suivre l'exemple du président biélorusse, Alexandre Loukachenko, et dans ce cas renoncer à l'insertion dans la société occidentale, soit se résigner à une ingérence active de l'Occident dans des élections dans ses propres murs.

Dans la question ukrainienne l'Europe et les Etats-Unis ont misé sur la confrontation directe avec Moscou. Cela signifie que des changements se produisent dans la compréhension du caractère de la coopération avec la Russie. Et ici il ne s'agit pas d'une simple tentative pour indiquer à Moscou la modeste place qui lui revient. C'est une évolution de l'attitude à l'égard de Vladimir Poutine. Au fond, on le prive lui et son parti de tout avenir politique.

Le président russe acceptera-t-il la chose? A l'heure qu'il est pour lui le scrutin en Ukraine est légitime. Le Kazakhstan, la Kirghizie, l'Ouzbékistan sont solidaires avec lui. La Chine aussi.

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