Russie : la confiance peut se renforcer sur le marché des valeurs

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MOSCOU. /par Iana Iourova, commentatrice politique de RIA Novosti/. L'année 2005 a de bonnes chances d'être heureuse pour le marché des valeurs russes, si on ne lui fait pas de croc-en-jambe.

Rappelons que cet été les autorités russes se disaient préoccupées par la situation sur le marché des valeurs qu'elles trouvaient étroit et faible. Le directeur du Service fédéral des marchés financiers, Oleg Viouguine, affirmait alors qu'il était nécessaire de l'agrandir et de le développer en y plaçant des actions du deuxième échelon. Le gouvernement avait alors soutenu cette idée mais rien n'a encore été fait de concret pour donner un coup d'épaule à la mise en œuvre de cette initiative. C'est le moins que l'on puisse dire car de nombreuses démarches engagées par les fonctionnaires depuis ces derniers temps dissuadent tout simplement les investisseurs.

Que pourrait-on attendre du marché des valeurs l'année prochaine ? A juger par le contexte macro-économique, tout est, en Russie, favorable à son extension : des cours élevés du pétrole, un budget excédentaire, des réserves de change énormes. Les investisseurs étrangers ont même "pardonné" l'"affaire Ioukos" à la Russie : deux des plus grandes agences de notation internationales (Moody's et Fitch Ratings) lui ont attribué une note d'investissement. Les experts s'attendent à ce que cette tendance soit étayée en 2005 par Standard & Poors', la plus grande autorité pour les investisseurs conservateurs.

Mieux, d'après le Bureau russe de l'analyse économique, l'intérêt que les investisseurs extérieurs portent pour les titres russes n'est pas maintenu que par le renforcement des positions de la Russie dans l'espace économique et politique mondial mais également par l'accroissement du niveau de capitalisation des sociétés russes. Depuis ces deux dernières années les sociétés et groupes russes affichent des résultats comparables à ceux des leaders des affaires internationales et se sont fait attribuer le statut international. Les dividendes produits par les actions russes ont augmenté depuis ces quatre dernières années en passant de 0% à 2% en dollars US, ce qui correspond au niveau de nombreux marchés développés.

Dans l'idéal, de ce fait, 2005 doit être une année faste pour le marché des valeurs. En premier lieu parce qu'il a un potentiel de croissance colossale. A l'heure actuelle, seulement une vingtaine des plus de mille actions négociées sur le marché russe sont liquides. Les dix plus importantes d'entre elles, celles que l'on appelle les "blue chips", interviennent pour 95% environ dans le chiffre d'affaires du marché. A noter que les titres du secteur pétrogazier y entrent pour 70% (et ceux de Gazprom pour 22%).

Cependant la Russie compte 40 000 sociétés par actions dont beaucoup sont en bonne santé et prometteuses. C'est une réserve de croissance du marché. L'année prochaine peut donc devenir celle d'entrée en lice des actions du deuxième échelon. Des conditions spéciales doivent pourtant être réunies à cet effet.

Les entreprises du deuxième échelon commencent à se remuer pour rattraper celles du premier échelon quant au niveau de gestion. Elles se rendent compte que pour attirer des investissements il est nécessaire de s'installer sur le marché des valeurs, de commencer à vendre leurs actions sur le marché libre. Une trentaine d'entre elles sont en principe prêtes à se décider. Mais pour que leurs titres puissent commencer à être négociés, l'argent ne doit pas faire défaut sur le marché. Hélas ! il ne cesse de fuir massivement le pays. A la fin de l'année, 12 à 15 milliards de dollars auront été expatriés. Et néanmoins, l'espoir de les faire revenir n'est pas mort. De l'avis d'un professeur du Haut Collège d'Economie, Nikolaï Berzone, l'essentiel, aujourd'hui, est que les autorités russes ne dissuadent pas les investisseurs par leurs attaques contre différentes sociétés comme cela a été le cas de Ioukos. Alors S&P attribuerait à la Russie unenote d'investissement et des ressources de fonds de retraites et de compagnies d'assurance d'Europe de l'Ouest et des Etats-Unis viendraient dans le pays en gros montants et à long terme. Des ressources colossales. Elles seraient, partiellement, placées dans les titres du premier échelon qui sont les instruments financiers les plus sûrs mais dont certains sont dès maintenant très chers, c'est pourquoi les investisseurs qui aiment le risque se mettraient à miser sur les actions du deuxième échelon.

Si cela doit se produire en réalité, le marché des valeurs continuera à se développer de façon dynamique. Les titres des deuxième et troisième échelons promettent d'accroître la capacité du marché de plusieurs dizaines de fois par rapport à son état actuel.

A propos, aujourd'hui, même les blue chips russes sont sous-évalués de trois à cinq fois par rapport aux actions des sociétés étrangères analogues. S'agissant de Gazprom, par exemple, la différence entre la cote de son action sur le marché intérieur et celle de son ADS atteint 80%. Les actions du deuxième échelon ont un potentiel de croissance de dix à quinze fois plus important. Autrement dit, elles peuvent être parfaitement attrayantes.

Il existe aussi d'autres moyens de développer le marché des valeurs. Aujourd'hui les titres librement négociés sur le marché représentent 8% (RAO EES ROSSII - "Réseaux d'interconnexion de Russie") à 60% (Lukoil) de leur nombre total mis en circulation. Où sont les autres ? Sont-elles gardées en réserve ? D'après les calculs du Bureau de l'analyse économique, rien qu'en augmentant le nombre des blue chips, le potentiel du marché peut s'accroître de trois à cinq fois.

En d'autres termes, toutes les conditions extérieures favorables à la croissance sont belle et bien existantes. Mais le marché est très sensible aux différents événements politiques. Souvenons-nous de la panique qui a été semée parmi les investisseurs par le fisc russe en présentant ses réclamations à Ioukos. Tout dernièrement la même instance s'est attaquée à une autre société, non moins connue, Vympelcom. Bien que ses comptes aient été authentifiés par un cabinet comptable de renommée mondiale, Price Wather House. Un temps après il a été établi que les fonctionnaires avaient fait erreur mais le marché avait déjà réagi par une chute de l'action de cette société. Le sens de cet événement réside dans le fait que dans une situation aussi confuse les investisseurs ne comprennent nullement les règles du jeu.

Nul ne sait, par exemple, comment le marché se comportera si la Cour des comptes présente quand même sa liste, déjà dressée, des sociétés qui ont d'une façon ou d'une autre violé la loi lors des privatisations de la propriété publique pendant la période 1993-2003.

Autant dire que l'année prochaine la dynamique de développement du marché des valeurs sera commandée, en Russie, par l'humeur changeante des fonctionnaires d'Etat. Et pourtant, d'après les prévisions, même les plus optimistes, l'année 2005 sera employée à rétablir la confiance des investisseurs étrangers dans le marché russe. Le pays ne pourra pas compter sur plus de 5 à 6 milliards de dollars d'investissement. Mais dès la fin de l'année prochaine, l'indice RTS retrouvera son niveau des 700 à 720 points. C'est-à-dire qu'il se remettra de sa chute de 2004.

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