Victor Iouchtchenko a pour mission de rétablir la stabilité de l'économie ukrainienne

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MOSCOU - par Dmitri Kossyrev, commentateur politique de RIA Novosti.

Les résultats de la présidentielle ukrainienne de dimanche dernier n'ont pas été une surprise, la défaite de Victor Ianoukovitch était prévisible. L'accord conclu sous le patronage du président sortant Léonid Koutchma signifiait que l'appareil bureaucratique de l'État ukrainien avec son potentiel financier et administratif et ses alliés parmi les entrepreneurs, a pris le parti de Victor Iouchtchenko entre les deuxième et troisième tours des élections.

Les causes de ce changement sont très sérieuses. Les événements survenus à l'automne et au début de l'hiver ont démontré que ce n'est pas l'équipe de Victor Iouchtchenko qui menace la stabilité de l'Ukraine. Tout comme Victor Ianoukovitch, M.Iouchtchenko a été un bon chef de gouvernement. C'est son groupe de soutien dont le leader de l'opposition radicale Ioulia Timochenko est le symbole, qui a été - et reste toujours - une menace.

Il y a des partisans des deux candidats à la présidence, ainsi que d'autres groupes dans l'appareil bureaucratique du pays. Mais la menace commune pour tous a été - et reste toujours d'une certaine manière - la participation réelle de Mme Timochenko et d'autres radicaux à la gestion de l'État. On a besoin des radicaux pour détruire, mais ils ne sont pas capables de construire et de gouverner. Ils ont déjà assez parlé de la corruption et de la dictature à Kiev pour effrayer les fonctionnaires de tous les niveaux et de toutes les tendances. Quel que soit l'État, les manifestants ne peuvent pas le gouverner. L'économie ne fonctionne pas sans un pouvoir stable et le respect des lois indépendamment de son orientation. Je ne parle même pas des accusations de corruption qui pèsent sur Mme Timochenko et qui se sont traduites par une peine de prison aux États-Unis pour son ancien patron Pavel Lazarenko, un autre ex-Premier ministre ukrainien. Les radicaux n'ont rien à perdre dans de telles situations et ils sonttrop dangereux.

Les prochains mois ne seront pas révolutionnaires, mais plutôt administratifs en Ukraine. Des professionnels de la manœuvre en coulisses remettront les leviers du pouvoir à d'autres professionnels dirigés par Victor Iouchtchenko et chercheront à priver les combattants de rue de l'influence réelle. Ces derniers y résisteront en essayant notamment à désavouer les ententes intervenues entre MM.Ianoukovitch, Iouchtchenko et Koutchma ou même à faire adopter une nouvelle Constitution mettant en place un régime tout à fait différent dans le pays.

La position des investisseurs et des partenaires de l'économie ukrainienne sera un facteur clé de cette confrontation. Or ils ne s'intéressent pas seulement à la politique. La stabilité du système bancaire dépend beaucoup du fonctionnement normal de la partie du pays qui assure la plus grande partie du PIB - métaux, produits pétrochimiques exportés en Europe de l'Est et en Chine, transports et secteur tertiaire. Il s'agit de l'Ukraine orientale qui a voté pour Victor Ianoukovitch et de Kiev (secteur tertiaire). C'est dans ces régions que le sort du régime de Iouchtchenko sera décidé dans les mois à venir. Son objectif est de rétablir la stabilité de l'économie réelle ukrainienne au lieu de s'occuper de l'économie idéale qu'il a promis de construire.

Quant à la politique, l'élection ukrainienne prolongée suscite beaucoup de questions à l'étranger. Le fonctionnement des mécanismes démocratiques en Ukraine est typique pour un État qui ne fait que des premiers pas vers la démocratie développée. On peut trouver des analogies aux comportements des électeurs, des entrepreneurs, des partis et des médias dans une telle société en Russie, aux Philippines ou à Taiwan.

Mais les observateurs étrangers n'y ont jamais joué un rôle aussi important. Comme des milliers d'observateurs d'organisations occidentales sont arrivés en Ukraine pour le troisième tour, ils devront en partie répondre des fraudes électorales dénoncées par les partisans de Victor Ianoukovitch. En tout cas, il faudrait réfléchir sur le phénomène des observateurs internationaux après "l'épisode ukrainien".

Les discussions sur l'impartialité des observateurs européens seraient ridicules après les événements en Ukraine. Mais Kiev n'est pas la dernière capitale mondiale qui assistera au renouvellement du président ou du gouvernement dans les prochaines années. Il est, probablement, nécessaire d'élaborer des principes universels de participation des observateurs aux élections et de définir leur statut réel et l'importance de leurs déclarations. Bref, il faut empêcher aux observateurs de devenir "un groupe de soutien" légal d'un candidat et de semer la confusion dans le processus électoral qui est déjà loin d'être idéal.

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