La matière sombre sous la loupe d'astrophysiciens russes et italiens

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MOSCOU, 16 mars. (Par Youri Zaïtsev, expert de l'Institut d'études spatiales). La création par des chercheurs russes et italiens du spectromètre magnétique de grande précision "Pamela" a achevé une étape, très importante selon la direction de Roskosmos, du projet international "MRI-Pamela" (Mission russo-italienne-Pamela). Les objectifs scientifiques de ce projet, auquel prennent part également des chercheurs allemands, suédois et américains, sont liés à la solution de problèmes fondamentaux de la cosmologie (théorie générale de la matière dans l'espace-temps).

Selon le directeur scientifique du projet pour la partie russe, Arkadi Galper, professeur à l'Institut technico-physique de Moscou (MIFI), ces problèmes concernent "la nature de la matière sombre, la génération et la diffusion des rayonnements galactiques, les processus se déroulant sur le Soleil, les rayonnements solaires, les particules de hautes énergies dans la magnétosphère terrestre". Ce projet a été initié à partir de recherches effectuées antérieurement par le MIFI.

Le spectromètre "Pamela" est équipé de détecteurs dernier cri de particules élémentaires, permettant, à partir de l'analyse magnétique, d'enregistrer et de mesurer les signes et la grandeur de la charge électrique, la vitesse, l'énergie et la masse, la direction et la durée du cheminement des particules cosmiques.

Les tests autonomes du spectromètre sont effectués à l'Université de Rome "Tor Vergata" sous la responsabilité du co-directeur scientifique du projet pour la partie italienne, le professeur Picozza Piergiogio. Au mois d'avril, quand ils seront achevés, l'appareil sera acheminé en Russie où il sera placé dans un conteneur hermétique lui-même installé à l'intérieur du satellite russe d'exploration de la Terre "Resours-DK1", conçu et construit au Bureau d'études Progress à Samara.

Ordinairement six mois environ sont impartis aux essais d'un satellite doté de la totalité de ses instruments et appareils. Par conséquent, le "Resours-DK1" ne pourra pas être lancé avant le IV-e trimestre 2005. Le satellite sera placé sur orbite par une fusée Soyouz-M depuis le cosmodrome de Baïkonour. Evoluant à une altitude de 360 à 690 kilomètres, sa durée de vie sera de trois ans au minimum. Pendant les mesures l'axe sensible de "Pamela" sera orienté sur le zénith tandis que le gros de l'appareillage du satellite restera tourné vers la Terre. Cette position de "Pamela" permettra d'observer sans interruption le rayonnement cosmique pendant toute la durée du fonctionnement du satellite.

Le volume d'informations recueillies quotidiennement pendant les mesures sera de l'ordre de 10 milliards d'unités. Les performances techniques du satellite permettront de mémoriser et de transmettre chaque jour aux stations réceptrices au sol deux fois plus d'informations. La principale station se trouve à Moscou (c'est de là aussi que le projet sera géré), une autre est située dans le district autonome des Khanty-Mansi, en Sibérie occidentale. Dans l'heure qui suivra la réception des informations celles-ci seront traitées par un groupe opérationnel. Le système de réception des informations a ceci de très important qu'il permettra leur analyse à la station moscovite avec des terminaux éloignés, dont ceux qui se trouvent en Italie et en Suède. Le traitement complet sera réalisé selon un programme élaboré en concertation avec les pays participant au projet. Les résultats scientifiques obtenus seront utilisés et publiés d'un commun accord.

Au cours de trois années d'observations ininterrompues il est prévu d'enregistrer 10.000 antiprotons (particules élémentaires possédant les mêmes propriétés physiques que leurs "jumeaux" les protons, des particules qui se distinguent des antiprotons uniquement par le signe de la charge électrique) et 100.000 positrons, des antiparticules associées aux électrons. Les participants au projet pensent que ce sera suffisant pour dégager l'effet de l'annihilation, c'est-à-dire de la transformation des particules et antiparticules en heurtant d'autres particules massives à faible interaction et que l'on appelle WIMP (sigle anglais de Weakly Interactive Massive particule), qui, selon les chercheurs, constituent la matière sombre de l'Univers. De surcroît, au cours de l'expérience on réussira peut-être aussi à définir leur masse.

Etant donné que la seule analyse magnétique est insuffisante pour détecter les antiparticules (les électrons peuvent ressembler à des antiprotons, ces particules ayant des charges négatives: quant aux protons, ils peuvent ressembler à des positrons), on a introduit dans "Pamela" plusieurs instruments et détecteurs complémentaires (dont certains sont de conception russe), qui garantiront la détection infaillible des antiparticules et la détermination de leur énergie. Jusqu'à présent les données expérimentales sur les flux d'antiprotons et de positrons de haute énergie dans les rayonnements cosmiques étaient obtenues au moyen d'instruments emportés par des aérostats, mais en raison de l'influence de l'atmosphère les mesures effectuées n'avaient pas la précision requise. Par conséquent, "MRI-Pamela" pourrait être la première expérience réalisée au monde en vue de déterminer avec des techniques spatiales la matière invisible dans l'Univers.

"Il est notoire que l'Univers est composé à 25 pour cent de matière sombre (ou matière invisible) et à 70 pour cent d'énergie sombre ou énergie du vide, orientée contre la force de gravitation et assurant à notre Univers sont extension continuelle", dit le professeur Galper. Auparavant non plus personne ne doutait de la présence de la matière sombre dans l'Univers. Il a également été établi que des régions entières étaient remplies de substance invisible. Pour un observateur situé sur la Terre elle se présente comme une lentille qui focalise le rayonnement électromagnétique (en le faisant dévier dans le champ gravitationnel) d'un corps céleste éloigné, si l'observateur, la matière invisible (la lentille) et l'objet observé se trouvent sur une même ligne.

"Cependant, une question se posait toujours, souligne Galper: quelle fraction de la masse de la partie visible de l'Univers, observée par les astronomes, constitue la matière invisible? C'est là une question très importante, car si la densité totale de la matière - visible et invisible - dans l'Univers, est inférieure à la densité critique, alors l'Univers s'étendra indéfiniment. Si elle est supérieure, alors dans un certain temps il commencera à se résorber. Si la densité totale est égale à la densité critique, alors l'Univers continuera son extension, mais avec une vitesse régressive".

Les recherches effectuées dans le cadre du projet "MRI-Pamela" permettront de pénétrer dans le monde mystérieux que l'on appelle la matière sombre, de mesurer la masse des particules (si, bien sûr, elle est composée de particules élémentaires), et de déterminer leur origine et leurs propriétés.

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