La Russie vue par la presse de la CEI et des pays baltes

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ESTONIE

Les journaux locaux continuent d'évoquer la brusque recrudescence ces dernières années des activités des services secrets russes dans le pays et leur impact sur la sécurité de l'Etat estonien. "Les services secrets russes, en pleine crise sous Eltsine, auraient retrouvé, à en croire des analystes occidentaux, leur niveau d'avant la "guerre froide". A l'époque, la Finlande, voisin le plus proche de l'Union soviétique et point de rencontre entre le monde occidental et l'empire communiste, représentait une arène d'importance pour les services secrets du monde entier. Aujourd'hui, les pays baltes sont dans la même situation. Les services secrets russes y sont attirés par un milieu linguistique propice, par l'appartenance de ces pays à l'OTAN, par des communications modernes, par une économie et un secteur bancaire développés. Ajoutez-y les intérêts stratégiques de la Russie en mer Baltique" (Pohjarannik, 02.02).

LETTONIE

La déclaration du président de la commission parlementaire Indulis Emsis au sujet des tentatives entreprises par Moscou pour influer sur les élections parlementaires lettonnes en finançant des ONG locales, a suscité de vastes échos dans le pays. "Si la sécurité de l'Etat est menacée, les structures de sécurité sont tenues de vérifier cette information (...). De toute évidence, l'intérêt de la Russie consiste non pas à raffermir la démocratie en Lettonie mais à faire en sorte que des hommes politiques loyaux envers Moscou s'y retrouvent au pouvoir" ("Diena", 03.02).

Certains journaux rappellent le financement d'ONG étrangères décidé par la Douma russe. "Le bien-fondé des paroles de M.Emsis est confirmé par les débats à la Douma en automne dernier, lorsqu'on évoquait la dépendance politique d'ONG russes vis-à-vis du financement étranger. A l'époque, la thèse du soutien public aux ONG avait été formulée. Souvent, dans ces débats, on évoquait des ONG de l'"étranger proche" (...). Mais si le parlement d'un pays dit que le financement d'ONG étrangères permet d'influer sur la politique d'autres Etats et si à l'intérieur de ce même pays cette influence est limitée (...), si dans ce contexte politique, on décide d'un financement dont l'objectif consiste à exercer une influence sur des Etats étrangers, n'est-ce pas la raison d'évoquer l'influence que la Russie cherche à exercer, avec son argent, sur la politique de ses voisins par le biais d'ONG ?" ("Neatkariga rita avize", 06.02).

Les éditions plus radicales développent, dans cet ordre d'idées, la thèse du danger que revêt le contrôle - à leur avis insuffisant - sur la presse de langue russe. "Alors que les médias de langue lettonne ne cessent de compter l'argent dans les poches de leurs propriétaires réciproques, les journaux en langue russe restent en dehors des intérêts (du pays). Leur contenu est ostensiblement prorusse et on peut déduire des paroles qui se font entendre dans les entretiens officieux dans les couloirs diplomatiques que les lecteurs et les annonceurs ne sont pas les seuls à les financer (...). Et si personne ne veut s'opposer aujourd'hui à l'influence que le pays voisin exerce (sur nous) en cette période préélectorale, nous risquons de devenir un "arrondissement national". Qui, après, en assumera la responsabilité?" ("Latvijas avize", 03.02).

LITUANIE

Le problème de la sécurité énergétique ravivé par la "politique gazière" menée par la Russie à l'égard de ses voisins, reste au centre de l'attention des médias locaux. "Il faut que l'UE et les Etats-Unis recommandent conjointement à la Russie de garantir des livraisons sûres et transparentes de ressources énergétiques, fondées sur une politique claire et nette. Tout cela est indéfectiblement lié aux destinées des réformes démocratiques en Russie. Et si on veut que les livraisons de gaz russe soient garanties, il faut que la Russie ratifie la Charte énergétique européenne" ("Verslo zinios",03.02).

Dans le but de faire obstacle aux "desseins impériaux du Kremlin", la création d'un front unique de pays démocratiques est de plus en plus souvent proposée. "Tous les Etats postsoviétiques doivent se réunir pour défendre conjointement, face à Moscou, leurs intérêts énergétiques. La coopération de chacun de ces petits Etats avec la Russie sera de loin plus faible que la voix unique de leur front commun avec lequel Moscou devra compter" "Kauno dena", 06.02).

La presse se montre déçue par le fait que la Lituanie n'a pas obtenu le soutien escompté de la part de l'Union européenne. "La Commission européenne approuve l'accord russo-allemand, en vertu duquel le gazoduc nord-européen (GNE, ndlr) qui passera sous la mer Baltique contournera la Lituanie et rejette toutes les demandes de Vilnius de l'autoriser à ne pas fermer la centrale nucléaire d'Ignalina (...). En invitant leurs compatriotes à approuver l'adhésion à l'UE, la classe politique lituanienne espérait que le pays pourrait ainsi se libérer du joug du Kremlin et se retrouver - avec plaisir - dans l'étreinte démocratique de Bruxelles. Aujourd'hui, elle est amenée à constater que Bruxelles est un mauvais amant, qui choisit ses partenaires en fonction du profit qu'il pourra en tirer (...). Rien d'étonnant donc, si au bout de quelques années, nous voyons que l'Union européenne a besoin de nous comme de la cinquième roue du carrosse, et si nous comprenons que nous replissions les directives du Kremlin et non pas du Parlement européen" ("Respublika", 01.02).

Les producteurs lituaniens ont profité de l'interdiction décrétée par Moscou frappant les importations de laitages ukrainiens, s'empressant d'occuper ce créneau devenu libre sur le marché russe. "Certaines entreprises lituaniennes, par exemple, les fromageries et les producteurs de légumes, ont augmenté ces derniers temps leurs exportations vers la Russie, réagissant aux restrictions imposées aux importations de denrées en provenance d'Ukraine, de Pologne et de Norvège" (Verslo zinios, 06.02).

UKRAINE

La conférence de presse donnée par le président russe Vladimir Poutine le 31 janvier dernier a eu un grand retentissement. Les commentaires des médias étaient plutôt sarcastiques. "La plupart des questions ressemblaient peu à celles qu'on attend d'une presse critique. Beaucoup de sujets abordés étaient adaptés au goût de la personne interviewée. "Cela ne ressemble pas à une conférence de presse, mais plutôt à une audience accordée par le roi aux solliciteurs", a noté un journaliste étranger. De manière générale, il ressort que la conférence de presse du leader russe avait pour but d'exprimer son mécontentement envers l'Occident, la Géorgie, l'Ukraine, et cela a quelque peu terni l'image du dirigeant tout puissant d'un septième de la superficie mondiale et de deux tiers des régions polaires" (Obozrevatel, 02.02).

Les déclarations faites par le président russe à propos des rapports russo-ukrainiens font douter les médias ukrainiens sur les perspectives de l'accord gazier signé par Moscou et Kiev. "Faisant le bilan des propos tenus par Vladimir Poutine, nous pouvons conclure que la Russie peut violer le contrat sur la livraison de gaz à n'importe quelle occasion politique favorable et qu'elle compte vendre le gaz livré au-dessus des limites à au moins 230 dollars au lieu de 90 dollars le millier m3" (Obozrevatel, 02.02).

Les journalistes considèrent l'absence de fournisseurs alternatifs d'hydrocarbures comme un facteur déstabilisateur pour l'économie ukrainienne. "Les documents qui ont fait surface et le projet de création d'une coentreprise représentaient un plan d'annexion non violente de l'Ukraine qui a failli être exécuté. Il n'était pas question d'une annexion pour 5 ans, mais pour 25 ans, jusqu'à 2030... Si rien ne change, l'Ukraine contrôlera l'industrie et les magasins de chaussures, alors que Moscou dirigera les entreprises "d'envergure nationale" (Zerkalo nedeli, 04.02)

MOLDAVIE

Les journaux de Chisinau déplorent le fait que les participants aux négociations sur le règlement du conflit transnistrien refusent de se pencher sur la présence militaire russe en Transnistrie. "Moscou et Tiraspol souhaitent rayer ce dossier du programme des négociations, Kiev l'accepte passivement, alors que Washington, Bruxelles et le secrétaire général de l'OSCE recherchent une solution en progressant "à petits pas" et en tentant de maintenir à flot l'OSCE" (Moldova Suverana, 01.02).

Les médias expliquent la déclaration du président Poutine sur le caractère universel des futures décisions concernant le Kosovo par le désir de la Russie de faire du chantage aux États-Unis et à l'UE en menaçant de reconnaître les républiques autoproclamées dans l'espace de l'ex-URSS. "Le leader russe semble se moquer des États-Unis et de l'Union Européenne qui ont si souvent accusé Moscou de mener une politique des doubles standards... Moscou essaiera, sans doute, d'en tirer le maximum d'avantages politiques dans sa confrontation "froide" contre l'Occident... La Russie tient beaucoup plus à la possibilité de jouer cette carte dans le jeu géopolitique contre l'Occident qu'à la reconnaissance même de l'Abkhazie, de l'Ossétie du Sud et de la Transnistrie" (Nezavisimaya Moldova, 03.02).

ARMENIE

La hausse des tarifs du gaz russe et les explosions survenues sur le gazoduc reliant la Russie à la Géorgie via l'Arménie sont au centre d'attention des médias qui les considèrent comme un élément de la stratégie de Moscou visant à assurer la suprématie russe dans l'espace post-soviétique. "Le régime poutinien ne punit pas l'Arménie, mais la Géorgie en y impliquant directement l'Arménie. L'Arménie a suspendu la livraison de gaz en Géorgie deux ou trois heures seulement après l'explosion. Nous avons ainsi mené la politique russe en jouant le rôle d'un instrument de punition de la Géorgie (Haikakan Zhamanak, 01.02). "Il s'est avéré que rien ne garantit la sécurité de notre pays (et la sécurité énergétique en est un élément clé). Le seul gazoduc se transforme peu à peu en un instrument de chantage politique pour notre "allié stratégique". Les Russes ont recours au stratagème suivant: accorder un crédit pour utiliser le potentiel stratégique des pays voisins. On peut en déduire que la Russie mène une politique agressive dans l'ensemble de l'espace post-soviétique... La Russie ne cache pas ses aspirations néo-impériales" (Haikakan Zhamanak, 04.02).

GEORGIE

Les propos du président russe sur l'"universalisme" du futur règlement au Kosovo et sur son utilisation comme modèle de règlement des conflits de Soukhoumi et de Tskhinvali ont provoqué une puissante réaction négative. Ces déclarations ont été interprétées par les experts et les médias comme une menace directe à l'intégrité territoriale de la Géorgie. "En ce qui concerne le Kosovo, il existe, malheureusement, une certaine similitude avec le problème de l'Abkhazie, et c'est la raison pour laquelle ce thème est particulièrement douloureux pour la Géorgie" ("Rezonansi", 01.02); "Poutine menace déjà directement la Géorgie de reconnaître l'indépendance de Soukhoumi et de Tskhinvali" ("Rezonansi", 01.02).

Les publications condamnant la politique de la Fédération de Russie dans l'arène internationale sont de plus en plus nombreuses. "Le monde s'est aperçu de ce que la Russie s'est mise à utiliser ses hydrocarbures comme un levier d'influence politique sur ses pays voisins pro-occidentaux. Tout porte à croire que Moscou n'entend plus se limiter à sa seule "arme énergétique" pour dompter ses voisins "rétifs", mais pense au moyen beaucoup plus habituel et bien éprouvé qu'est l'usage de la force armée" ("Sakartvelos Respublika", 03.02). "De toute évidence, Moscou n'est plus favorable à l'intégrité territoriale de la Géorgie et a mis le cap sur l'annexion de l'Abkhazie. Les responsables russes ont changé d'attitude, en décidant de ne plus soutenir le principe fondamental du règlement du conflit consistant à définir le statut de l'Abkhazie dans les limites de l'Etat géorgien" ("24 saati", 03.02).

AZERBAÏDJAN

Selon les médias, Moscou cherche toujours à obtenir l'"allégeance" des Etats dans l'espace post-soviétique. "Des conflits séparatistes, fomentés par Moscou, existent justement dans ces pays dont les gouvernements pratiquent, d'après la Russie, une politique par trop indépendante, qu'il s'agisse du Haut-Karabakh en Azerbaïdjan, de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie en Géorgie, de la Transnistrie en Moldavie ou du "conflit qui couve" en Crimée ukrainienne... Dans ce contexte, il serait tout à fait logique de supposer qu'en menaçant d'appliquer le modèle kosovar dans l'espace post-soviétique, Moscou compte tout simplement obtenir l'"allégeance" des Etats dans l'espace post-soviétique et non pas des changements dans les destinées du Kosovo" ("Ekho", 03.02).

KAZAKHSTAN

Les médias condamnent la complaisance des autorités russes face aux manifestations de plus en plus nombreuses de xénophobie en Russie. Les commentateurs estiment que la multiplication des mouvances nationalistes profite au Kremlin. "On a l'impression que le pouvoir en Russie ferme les yeux sur le nationalisme montant ou qu'il n'est plus capable de faire face à ce phénomène... Le pouvoir contribue à la xénophobie, tout en créant une sorte d'atmosphère de peur: ennemis extérieurs convoitant des morceaux de territoire russe, ennemis intérieurs - opposition. La xénophobie est le corollaire d'autres objectifs du pouvoir: sa verticalisation" (Liter.kz, 02.02).

Par tradition, la presse soulève le thème du renforcement par la Russie de ses positions géostratégiques en Asie Centrale. L'avis prédomine selon lequel l'usage de leviers économiques est en train de devenir pour la Fédération de Russie le moyen de faire valoir ses intérêts. "Petit à petit, la Russie organise un système plus pragmatique de rapports avec d'autres pays... Elle draine les flux de pétrole et de gaz depuis les Etats d'Asie Centrale, développe l'infrastructure régionale de transport de pétrole et de gaz, crée des coentreprises et réalise d'autres projets dans ce secteur" (Gazeta.Kz,02.02).

KIRGHIZIE

Certains médias continuent de commenter la récente visite en Kirghizie du président du directoire de Gazprom, Alexeï Miller. "Les experts des institutions financières internationales avaient affirmé pendant une bonne quinzaine d'années que la Kirghizie était pauvre en ressources naturelles. Les étrangers nous ont poussés à abandonner l'exploitation de nos richissimes réserves de charbon. La disposition de Gazprom à investir dans l'industrie minière kirghize pourrait enfin débarrasser la république de sa crainte, celle de passer tout l'hiver sans chaleur" (KyrgyzPress, 05.02).

La restriction par Moscou de ses importations d'ampoules électriques laisse augurer la monopolisation du secteur. "Le quota maximum accordé à la Kirghizie est de 80 millions d'ampoules... Viktor Stolpovskikh, président du fabricant de matériel d'éclairage BABC, n'ignore pas les principes de la répartition des quotas. Depuis deux ans, il contrôle près de 90% de la production d'ampoules en Russie. BABC assure également le gros des fournitures de lampes à incandescence. En Kirghizie, il n'y a qu'une usine fabriquant des ampoules, et elle est contrôlée par Viktor Stolpovskikh" (Obchtchestvenny Reïting, 03.02).

OUZBEKISTAN

Certains médias supposent que le président Islam Karimov pourrait quitter la scène politique, notamment en raison de la prudence affichée à son égard par Moscou. "Le soutien apporté à Karimov par ses nouveaux compagnons russes issus du KGB et les compliments répétés en public à chaque évocation du leader ouzbek relèvent de la même rhétorique hypocrite... La Russie est toujours consciente de la fragilité de son alliance avec l'Ouzbékistan, puisque Karimov reste au gouvernail. Et le Kremlin, à moins qu'il y ait encore un stratège, doit avoir entamé la recherche de celui qui pourrait remplacer pacifiquement l'actuel dirigeant ouzbek. On n'exclut pas non plus que la propagation des idées de Mohammed Solikh (leader de l'opposition démocratique), si elle n'a pas été initiée par la Russie, fasse le jeu du Kremlin, aussi bizarre que cela puisse paraître. Tout porte à croire que Moscou pourrait, sans se préoccuper des petits détails, chercher le nouveau leader ouzbek parmi les anciens partisans de Karimov" (Ferghana.ru, 01.02).

TADJIKISTAN

La visite du président Emomali Rakhmonov en Iran est censée encourager la concurrence saine entre les différents pays au Tadjikistan et la réalisation des ententes russo-tadjikes existantes, estime le directeur du Centre d'étude de l'Iran contemporain et conseiller du vice-président de la Douma, Radjab Safarov. "Après la visite en septembre 2004 du président iranien Mohammad Khatami à Douchanbe, où il a signé plusieurs accords bilatéraux, notamment le protocole sur la mise en place d'une commission pour la construction de la centrale hydraulique de Sangtouda, le président russe Vladimir Poutine, de peur de perdre le Tadjikistan, s'est rendu immédiatement à Douchanbe pour faire à Emomali Rakhmonov une proposition qu'il ne pouvait pas refuser" (Asia-plus, 02.02).

Les médias commentent la réaction mitigée de la communauté internationale face à la victoire du Hamas aux élections législatives en Palestine. Ils constatent que les experts russes et occidentaux hésitent dans leurs appréciations des événements. "Les experts, y compris russes, mettent en garde contre la libéralisation en cours des pays musulmans qui promet la victoire imminente des islamistes dans la quasi-majorité de ces pays, et s'interrogent sur la nécessité d'aider les peuples à bâtir la démocratie, à un moment où les intérêts de l'Occident et de la Russie sont en danger. Donc, la question reste ouverte. Qu'est-ce qui est plus important: veiller sur ses intérêts propres ou respecter la volonté des autres peuples?" (Asia-plus, 02.02).

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