La Russie indépendante est née de la "conjuration" de Belovej

© RIA Novosti . Iouri Ivanov / Accéder à la base multimédiaLes présidents ukrainien, biélorusse et russe après la signature de l'Accord de Belovej en décembre 1991
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C'est dans la forêt biélorusse de Belovej qu'a vu le jour la Russie indépendante et que s'est formée la Communauté des Etats indépendants (CEI), qui existe toujours.

Le texte de l'Accord de Belovej, signé il y a 15 ans jour pour jour, le 8 décembre 1991, par les leaders des trois républiques slaves de l'URSS - la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine - avait été rédigé par Egor Gaïdar, celui-là même dont l'empoisonnement est largement commenté un peu partout dans le monde ces dernières semaines.

La logique juridique du complot de la forêt de Belovej (Belovejskaïa Pouchtcha) avait été formulée par Sergueï Chakhraï, qui par la suite sera l'un des auteurs de la Constitution russe de 1993: l'URSS avait été instituée en 1922 justement par la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine (si l'on ne prend pas en considération la Fédération transcaucasienne qui existait à l'époque), par conséquent elle pouvait de jure être dissoute par ces mêmes républiques.

L'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev estime que ce qui s'est produit est une "trahison", une violation du "processus de Novo-Ogarevo" visant à maintenir l'Union dans des formes plus souples, et que la législation soviétique a été enfreinte. Ce qui est à la fois vrai et faux.

Vrai si l'on estime que la législation fédérale soviétique était encore appliquée en réalité. Or, elle n'avait déjà plus aucune signification pour les républiques fédérées qui à l'époque avaient proclamé leur indépendance.

Faux si l'on suppose que l'Union aurait pu être sauvée à force de volonté. Or, la plupart des leaders des anciens pays de l'URSS ont accueilli l'Accord de Belovej avec un soupir de soulagement manifeste. D'ailleurs, l'éclatement de l'URSS s'était produit bien avant. Exactement au moment de l'échec du putsch d'août 1991.

A l'époque Mikhaïl Gorbatchev lui-même entendait convoquer le XXIXe Congrès extraordinaire du PCUS (Parti communiste de l'Union soviétique). Ses conseillers voulaient diviser le parti en deux courants, démocratique et orthodoxe. Mais tout cela était une réaction tardive aux événements qui se déroulaient depuis longtemps contre la volonté du PCUS et du gouvernement. Le parti, assimilé à l'Etat, n'exerçait plus aucune influence. Par conséquent, l'Etat lui aussi avait disparu, incapable d'exister physiquement sans le PCUS.

Le 24 août 1991, M.Gorbatchev avait pris une décision pragmatique en renonçant à ses fonctions de secrétaire général du PCUS. Justement parce qu'il était conscient que le parti en tant que "force qui dirige et oriente", que structure exerçant une influence tant soi peu importante sur le cours de l'histoire, n'existait plus. De jure, Mikhaïl Gorbatchev restait président de l'URSS. Mais pas de facto. Parce que les fonctions de secrétaire général et de président étaient inséparables dans le système politique soviétique. Tout comme le parti et l'Etat étaient inséparables.

Tout ce qui s'est passé ensuite, en automne 1991, n'était que l'agonie de l'empire. Personne ne pouvait plus s'opposer à ce processus lancé en avril 1985 au début de la perestroïka. Les accords de Belovej n'ont fait que confirmer ce qui était évident non seulement à l'élite soviétique, mais aussi à la population de l'immense pays: l'Union soviétique n'existait plus. Son effondrement était devenu une réalité géopolitique. Le fait qu'après avoir informé le leader kazakh, Noursoultan Nazarbaïev, les "comploteurs" aient, faisant fi de l'éthique politique, adressé leur premier coup de fil à George Bush senior ne doit rien au hasard. C'est seulement ensuite que le Biélorusse Stanislav Chouchkevitch et le Russe Boris Eltsine avaient mis Mikhaïl Gorbatchev au courant.

C'est à Belovej qu'a vu le jour la Russie indépendante et que s'est formée la Communauté des Etats indépendants (CEI), qui existe toujours. Il est significatif que les documents fondateurs de la Communauté, qui n'est plus du tout ce qu'elle était il y a 15 et même 5 ans, au sein de laquelle la Russie ne joue plus le rôle géopolitique clé, n'ont pas été amendés une seule fois depuis. En dépit de tous les changements intervenus dans le monde et dans l'espace postsoviétique ces quinze dernières années, la CEI issue de la "conjuration" s'est révélée comme un édifice étonnamment stable sur le plan juridique.

Ce qui s'est passé dans la résidence officielle implantée dans une forêt biélorusse peut être qualifié de "catastrophe géopolitique monumentale" ou présenté comme la seule solution pragmatique possible. Pragmatique au moins dans le sens économique: en tout cas, grâce aux accords de Belovej la Russie a pu réaliser les réformes libérales qui ont sauvé le pays de la faim et des désordres, réformes qui par la suite seront baptisées du nom de Gaïdar.

L'histoire ignore le mode conditionnel. Poser la question "Mais que se serait-il passé si..? n'a aucun sens dans le cas de la forêt de Belovej. L'Union soviétique et le communisme à visage humain de Mikhaïl Gorbatchev ne pouvaient plus être sauvés. Une autre époque grandiose s'annonçait.

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