Saparmourat Niazov: un monument à lui-même

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Par Andreï Kolesnikov, RIA Novosti

Chacune des anciennes républiques soviétiques se débarrasse de l'héritage communiste à sa manière. Certaines, comme la Russie, ont opté sans délai pour la "thérapie de choc". D'autres, comme l'Ukraine et la Géorgie, se sont immobilisées dans l'indécision, dont il a résulté une grande fatigue infligée par les représentants de l'élite politique soviétique, Léonid Koutchma et Edouard Chevardnadze, et des "révolutions colorées". D'autres encore ont vite fait de réaliser toutes les réformes nécessaires, tout en s'assurant la continuité du pouvoir, comme Noursoultan Nazarbaïev au Kazakhstan. Dans d'autres encore, l'establishment soviétique a très vite perdu ses positions, comme en Arménie, ou les a très vite rétablies, comme en Azerbaïdjan où Gueïdar Aliev a été invité à régner. En Biélorussie, le pouvoir s'est retrouvé entre les mains d'un leader populiste. En Ouzbékistan s'est conservé le régime rigide du pouvoir personnel d'Islam Karimov. Au Tadjikistan, Emomali Rakhmonov, ayant survécu à une guerre civile et en louvoyant entre différents centres d'influence, a réussi à garder le pouvoir entre ses mains. Le Turkménistan, dirigé lui aussi par un leader de type soviétique, issu de la nomenklatura du Parti communiste, s'est transformé en un Etat despotique oriental dont l'économie et la politique, intérieure comme extérieure, se ramènent exceptionnellement à la gestion des flux de gaz naturel.

Il s'avère que les anciens chefs du Parti, devenus numéro un chacun dans son pays pour avoir annoncé, chacun à sa manière, l'indépendance de sa république, ne sont pas immortels. Certains ont été balayés par une révolution, d'autres s'en sont allés naturellement, comme Saparmourat Niazov, l'auteur du Roukhnama (recueil poétique philosophico-religieux), devenu de son vivant un monument à lui-même.

L'attachement au marxisme officiel des hauts fonctionnaires du Parti communiste ayant une biographie soviétique idéale s'est avéré dans les cas de Niazov, Karimov, Chevardnadze, Aliev, Nazarbaïev et, au passage, de Boris Eltsine, n'être qu'un décor extérieur cachant leur grande passion irrésistible pour la politique et, naturellement, pour le pouvoir. Mais pour un pouvoir sans aucune idéologie. Quand il fallait jouer selon les règles soviétiques, ils les respectaient. Lorsque cette nécessité a disparu, les anciens membres de la nomenklatura sont très vite devenus des leaders nationaux.

D'une part, la continuité du pouvoir personnel a ainsi été assurée. D'autre part, dans la majorité des cas, il ne pouvait y avoir d'autres leaders nationaux dans les pays postsoviétiques, puisque toute l'élite politique et économique restait ex-soviétique. Dans les républiques baltes, les événements se sont développés d'après un scénario différent, mais il y a lieu de rappeler que le président estonien, Arnold Ruutel, avait occupé ce poste à la fin de la période soviétique. Nous n'avons pas d'autres chefs à vous proposer...

Niazov était un dirigeant soviétique classique. Ingénieur de formation, il se fait dans son usine militant du parti, afin de gravir petit à petit l'échelle hiérarchique de l'époque. En ce temps-là, personne ne s'étonnait qu'un "cadre national", après avoir un peu travaillé, en fait ayant effectué un petit stage, à Moscou, au Comité central, en qualité d'instructeur-organisateur du travail du parti, soit nommé président du conseil des ministres de sa république nationale. Pour diriger, depuis, le nouveau pays pendant une vingtaine d'années, dont quinze ans sans marxisme-léninisme mais sous l'étendard vert de sa propre doctrine: le Roukhnama.

Les conséquences de la mort de Niazov - du fait qu'il a instauré dans son pays un régime de pouvoir personnel et que le satrape n'a pas laissé de successeur - sont imprévisibles. Il est impossible de davantage serrer la vis, et une démocratisation rapide dans un pays qui n'a jamais connu aucune démocratie, ni à l'époque soviétique, ni à l'époque postsoviétique, est elle aussi fort peu probable. Il ne reste aux nouveaux dirigeants, qui ne sont autre qu'un "Niazov collectif", qu'à annoncer la continuité de la politique, y compris de la politique économique qui préoccupe tout le monde, et donc de la politique gazière.

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