6 avril: chapeau l'Iran!

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Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti
Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti

Baptisée du nom de code "Morsure", l'opération militaire américaine contre l'Iran, que les grands médias internationaux annonçaient pour le 6 avril, n'a pas eu lieu. Bravo l'Iran!

Bravo, parce que Téhéran n'a pas gobé l'hameçon. Les Iraniens, aux dires de nombreux témoins, n'ont pas abandonné leur train-train quotidien. La radio et la télévision publiques iraniennes offraient une grille d'émissions habituelle. Les bulletins d'information diffusés dans la nuit du 5 au 6 avril relataient, comme toujours, les derniers événements de la vie sportive et culturelle et répétaient les actualités de la journée écoulée en Iran et dans le monde. Jusqu'à présent, la République islamique mène une vie routinière, comme si l'heure H n'avait jamais été fixée.

Or, Téhéran aurait bien pu croire à cette campagne d'intoxication ouvertement provocatrice, à l'instar de toute une armée d'experts militaires, y compris russes. Cela était d'autant plus possible qu'un groupe de frappe de l'US Navy dirigé par le porte-avions Dwight Eisenhower est déployé dans le golfe Persique, et un autre conduit par le porte-avions Stennis se trouve en état d'alerte dans le nord de la mer d'Oman.

Face au caractère inéluctable, comme l'affirmaient tous les experts, du scénario musclé, il était réellement difficile de résister à la tentation. Une "morsure" préventive aurait été pour les Etats-Unis le meilleur cadeau, et le 6 avril aurait eu lieu sans aucun doute.

Bien sûr, les experts militaires ont raison en affirmant que la Maison Blanche prépare un scénario musclé, et leurs prévisions ne datent pas d'hier. Le scénario de règlement militaire du dossier nucléaire iranien existe depuis longtemps à la Maison Blanche, plus précisément depuis le jour où l'ayatollah Khomeini, le premier dirigeant de la République islamique, proclama son idée d'exportation de la révolution à l'iranienne dans les pays du Moyen-Orient et de priver l'Etat d'Israël du droit à l'existence. L'ayatollah ne cachait pas que l'une des premières motivations de la révolution islamique était de résister à la présence américaine en Iran même et dans la région du Moyen-Orient.

Quoiqu'il ne soit rien arrivé de grave le 6 avril dernier, l'Iran n'a jamais été aussi proche de la guerre qu'il ne l'est aujourd'hui. En affichant sa fermeté vis-à-vis des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU et en rejetant les appels au gel du programme nucléaire iranien lancés par Washington, Téhéran semble pousser délibérément les choses vers la guerre. Les nombreuses prévisions sur l'éventualité de frappes aériennes le renforcent dans son intransigeance et lui permettent d'affirmer que les Etats-Unis sont suffisamment embourbés en Irak et en Afghanistan pour ne pas prendre le risque d'une nouvelle action militaire.

Il se trouve, cependant, que les Américains peuvent facilement prendre un nouveau risque. Il est vrai que l'Iran n'est pas l'Irak et que cette évidence n'est pas sans déplaire aux Etats-Unis. Mais la réalité négative côtoie une réalité positive sans que l'on sache encore laquelle des deux finira par l'emporter. Ensuite, les Etats-Unis et l'OTAN ne sont pas embourbés en Afghanistan au point de ne pas pouvoir se permettre une nouvelle campagne militaire. Et, enfin, Washington ne laissera jamais Israël seul face à un Iran doté de la bombe nucléaire.

Le plus grave est que l'Iran pourrait autant qu'il veut nier son intention de concevoir une bombe atomique ou en appeler à l'islam et à la fatwa de l'ayatollah Khomeini interdisant de fabriquer des armes de destruction massive, personne ne le croira, ni les Etats-Unis, ni l'Europe, ni même ses voisins du Moyen-Orient. Pour cela il y a toute une série de raisons que Téhéran, hélas, refuse de prendre en compte.

Aujourd'hui, la situation semble être une impasse. Mais dès que les Etats-Unis auront été amenés à choisir entre un Iran nucléaire et une opération militaire, ils n'hésiteront pas à choisir la deuxième option.

Enfin, bravo, l'Iran, pour ne pas avoir pris la décision qui se posait d'elle-même, celle de retenir en otage les marins britanniques pour le cas d'une frappe. De surcroît, en les autorisant à regagner leur pays, Téhéran a laissé entendre à ses interlocuteurs qu'il était prêt à mener un dialogue constructif à condition que ses positions soient prises en compte.

Et si les négociateurs européens acceptaient de s'asseoir à la table des négociations avec l'Iran sans exiger comme préalable la suspension de l'enrichissement de l'uranium, comme le souhaite Téhéran? Du moins jusqu'à la prochaine session du Conseil de sécurité de l'ONU. Car, dans tous les cas de figure, les centrifugeuses lancées par l'Iran continueront d'enrichir de l'uranium.

Avec ou sans le 6 avril, l'enjeu s'annonce de taille.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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