Rostropovitch, le Chevalier du violoncelle

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Article publié en mars 2007 a l'occasion des 80 ans du Mstislav Rostropovitch
Par Olga Sobolevskaïa, RIA Novosti

Tout anniversaire de Mstislav Rostropovitch est un "sommet" auquel participent présidents et monarques. Le jour de son 80e anniversaire, le 27 mars, le "roi des violoncellistes" trônera au Kremlin.

Télévision et journaux ne passeront pas cet événement sous silence, musiciens consacreront leurs concerts au maestro Rostropovitch. Mais la somptuosité des célébrations ne semble pas déplacée. Il serait difficile de contredire Dimitri Chostakovitch, le maître du musicien, qui a qualifié son disciple de "toute une époque de l'art du violoncelle".

Parmi les 60 compositeurs du XXe siècle ayant créé des oeuvres spécialement pour "Slava le volcanique" on trouve Dimitri Chostakovitch, Benjamin Britten, Leonard Bernstein, Alfred Schnittke, Aram Khatchatourian, Astor Piazzolla. Ayant exécuté tout le répertoire pour violoncelle, Rostropovitch a été le premier à jouer 117 oeuvres musicales. "Je méprise les violoncellistes de l'époque de Mozart, qui n'ont pas su lui "extorquer" une seule oeuvre pour violoncelle", a une fois plaisanté le musicien.

On ne saurait compter le nombre de décorations et titres de Rostropovitch, membre de plusieurs académies d'art européennes. Chaque année, il en reçoit d'autres. Tout récemment, le "Chevalier du violoncelle" s'est vu remettre par le président russe l'Ordre du mérite envers la Patrie de première classe, distinction suprême de la Russie.

"Un homme avec un moteur déchaîné à l'intérieur", dit de lui sa femme Galina Vichnevskaïa, ancienne diva du théâtre du Bolchoï. A 13 ans, Rostropovitch, fils et petit-fils de musiciens d'origine russo-polono-lituano-allemande, s'est produit pour la première fois avec un orchestre. De la deuxième année au Conservatoire de Moscou, il est passé directement à la cinquième. Au début des années 1950, le nom du violoncelliste, lauréat du Concours national de musique de l'URSS, renommé pour sa technique perlée et sa puissante énergie émotionnelle, retentissait déjà à travers le pays. Et en février 1952, avec le pianiste Sviatoslav Richter, qui a pris la baguette de chef d'orchestre, Rostropovitch a exécuté dans la Grande salle du Conservatoire de Moscou la Symphonie concertante pour violoncelle et orchestre de Sergueï Prokofiev. C'était un acte civil insolent: on se souvenait encore trop bien de la campagne politique de la fin des années 1940 contre les compositeurs "formalistes" (dont Chostakovitch et Prokofiev) qui auraient sacrifié le contenu au profit de la forme.

Les autorités ont pardonné à Rostropovitch son audace et n'ont pas posé trop d'obstacles à ses tournées à l'étranger. Partant, à trente ans déjà, le musicien était déjà qualifié en Europe de "premier violoncelliste du monde". Il familiarisait le public étranger avec les oeuvres de ses compatriotes contemporains. Il se consacre aujourd'hui encore son activité civilisatrice.

Habitué à jouer en soliste, le maestro n'avait cependant pas peur de "tenir les seconds rôles". Bien entendu, quand cela valait le coup. Au début des années 1960, Mstislav Rostropovitch a accompagné Galina Vichnevskaïa alors qu'elle exécutait les Satires, cycles vocaux de Chostakovitch sur des textes de Sacha Tchiorny.

Ce couple de talent s'est vu pardonner là aussi, une fois de plus, leurs aigres railleries contre la vie sociale de l'époque. Jusqu'à la fin des années 1960, Rostropovitch avait les coudées relativement franches.

En 1968, il a réalisé son rêve qui était de diriger au théâtre du Bolchoï "Eugène Onéguine" de Piotr Tchaïkovski. Mais les critiques ont jugé peu réussie sa version du fameux opéra. Rostropovitch avait manifestement interprété la partition en partant de l'individualité artistique de sa femme, dont le tempérament était contraire à celui (rêveur) de son personnage, Tatiana. Peu après, Rostropovitch dirigeait l'opéra "La Guerre et la paix" de Sergueï Prokofiev.

"Soljenitsyne a assez souffert pour avoir le droit d'écrire la vérité", a déclaré le musicien en 1970 dans une lettre ouverte à la presse. Et il a déterminé ainsi son destin. "Depuis ce moment-là, j'ai la conscience tranquille", dira le maestro beaucoup plus tard. Le violoncelliste a soutenu l'écrivain disgracié, qui habitait dans sa datcha aux environs de Moscou. Et très vite, il s'est trouvé privé de tournées, son nom et celui de Galina Vichnevskaïa ont disparu de la presse.

En 1974, le couple s'est décidé à quitter le pays, après avoir obtenu un contrat à l'étranger. Et encore quatre ans après, Vichnevskaïa et Rostropovitch, devenu chef de l'Orchestre symphonique national de Washington, ont été déchus de la nationalité soviétique.

Ce n'est qu'en 1990, à la veille d'une tournée de l'orchestre washingtonien en Russie, que le grand violoncelliste a recouvré la citoyenneté de l'URSS et récupéré toutes ses distinctions d'Etat (dont les plus prestigieuses, les prix Staline et Lénine). Le musicien a dirigé cet orchestre pendant 17 saisons.

"Je n'ai aucun problème personnel sauf un, la Russie", dit Mstislav Rostropovitch. En 1991, pendant le putsch d'août en URSS, il est arrivé à Moscou pour soutenir les forces démocratiques, la Maison blanche, où siégeait le parlement russe à l'époque. Plus tard, les méchantes langues ont qualifié son acte de "spectacle politique", de manifestation d'idéalisme dont est malade l'intelligentsia russe. "Je n'aime aucun pays aussi fort que la Russie", répond toujours le maestro.

Mstislav Rostropovitch est le chef du comité d'organisation du XIIIe concours international de musique Tchaïkovski, qui se déroulera au mois de juin. Il continue ses tournées à travers le monde, se consacre à l'oeuvre de bienfaisance. "Je vis dans les avions, dit-il. Je dois me dépêcher pour avoir le temps de tout faire!".

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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