Russie-Bulgarie: fraternité spirituelle et intérêt économique

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Par Andreï Vavra, RIA Novosti
Par Andreï Vavra, RIA Novosti

La Bulgarie est le dernier pays où Vladimir Poutine se rend en visite officielle en qualité de président (pour l'instant, aucune autre visite n'a été annoncée). Comme si le président russe avait programmé ses actions les plus importantes dans l'arène internationale pour la fin de son mandat... Par conséquent, cette visite ferait un accord final très efficace de la politique de Vladimir Poutine.

Le "pragmatisme" est le mot clé de cette visite. Certes, un rôle important est joué par les composantes humanitaire, culturelle et spirituelle: liens historiques séculaires, sympathies réciproques, "fraternité slave", souvenirs touchants de la période du COMECON, lorsque la Bulgarie fournissait la Russie en légumes, en fruits et en tabac. A cette époque-là, les voyages touristiques en Bulgarie étaient presque, pour les Soviétiques, l'unique fenêtre sur l'Europe. Cette nostalgie se maintient, malgré une certaine stagnation dans les rapports russo-bulgares du début des années 90 jusqu'au milieu des années 2000. Cependant, cette visite peut montrer que les sympathies réciproques et la "fraternité slave", mises à la base de contacts économiques mutuellement avantageux, assureront leur fiabilité et leur efficacité croissantes.

La Bulgarie est aujourd'hui extrêmement importante pour la Russie. C'est pour cette raison que Moscou passe outre à son adhésion à l'OTAN. En fait, elle est la clé de la coopération énergétique russo-européenne. C'est par ce pays que la Russie accède directement au marché de l'Europe centrale et du Sud. Combiné avec le gazoduc nord-européen (Nord Stream), cela assurera à la Russie une liberté d'actions maximale en tant que fournisseur de ressources énergétiques à l'Europe.

Grâce à son entente avec la Bulgarie, la Russie diminuera substantiellement sa dépendance vis-à-vis de l'Ukraine (et de la Biélorussie) en matière de livraisons régulières de ressources énergétiques à l'Europe. Elle assurera ce que Vladimir Poutine a qualifié, dans son article publié à l'occasion de sa visite en Bulgarie, de "diversification des itinéraires des livraisons énergétiques" et "d'introduction de nouveaux schémas de garantie". La Russie pourra lever ainsi toutes les accusations selon lesquelles elle ne serait pas un partenaire suffisamment fiable dans le secteur énergétique (accusations qui sont apparues lorsque la régularité des livraisons dépendait directement des ententes avec les pays assurant le transit).

Deux accords ont été élaborés en vue d'être signés au cours de cette visite. Le premier porte sur la création d'une société internationale chargée de construire et d'exploiter le pipeline Bourgas-Alexandroupolis en voie de réalisation par les deux pays conjointement avec la Grèce. Cet oléoduc permettra d'acheminer du pétrole russe en Europe du Sud en évitant le Bosphore turc, dont l'engorgement crée de graves menaces sur le plan écologique.

L'autre document est l'accord sur le lancement de la construction de la centrale nucléaire de Belene. Le russe Atomstroïproïekt qui a remporté l'appel d'offres le 31 octobre 2006 doit y installer deux réacteurs. La mise en oeuvre du contrat fera de la Bulgarie, au début de la prochaine décennie, un des principaux exportateurs européens d'énergie électrique (aujourd'hui, sa production d'énergie électrique lui suffit à peine pour satisfaire ses besoins intérieurs). Quant à la Russie, elle intervient, par l'intermédiaire de son secteur nucléaire, sur le marché européen.

A la veille de la visite, le sort du troisième projet économique - celui de South Stream - a suscité quelques appréhensions. Fin novembre 2007, Gazprom et la société italienne Eni se sont entendus pour créer une coentreprise chargée d'établir le projet de ce gazoduc. Son secteur maritime d'une longueur d'environ 900 km passera par le fond de la mer Noire et reliera le littoral russe au littoral bulgare.

La réalisation de ce projet portera un sérieux coup à l'intérêt que représente le projet de Nabucco, qui fait l'objet d'un puissant lobbying américain et prévoit l'acheminent de ressources énergétiques en Europe en contournant la Russie. La construction de ce gazoduc partant de la région de la Caspienne et reliant l'Autriche par le territoire de la Turquie est prévue pour 2011.

Malgré toutes les difficultés, ce document très important a été signé. Dmitri Medvedev a déclaré: "Ce qui est très important, c'est que les deux parties ont fait preuve d'une volonté d'accepter des compromis et que le projet élaboré traduit l'équilibre des intérêts et permet de faire avancer ce sujet complexe".

La Russie est également très importante pour la Bulgarie. Cependant, en ce moment, parmi les membres de l'Union européenne, cette dernière est un des pays les plus en retard. Si elle avait suivi une voie de développement inertielle, elle aurait probablement attendu encore très longtemps avant que les "vieux" européens ne la considèrent comme une des leurs.

Mais, la Bulgarie est un pays d'une extrême importance en raison de sa position géographique. De même que la Roumanie, elle ferme l'anneau des pays de l'OTAN situés autour des Balkans toujours en proie à quelques soubresauts et qui n'ont pas encore emprunté la voie de l'intégration européenne.

La Bulgarie a une valeur géopolitique exceptionnelle en tant qu'Etat de transit. En misant sur ce potentiel - en signant l'accord avec la Russie - elle devient un membre très important de l'Union européenne, un membre ayant voix au chapitre.

Conscients de cet intéressement mutuel exceptionnel, nos partenaires bulgares ont été, il faut bien le reconnaître, des négociateurs assez difficiles. Il était important de respecter les intérêts mutuels, sans toutefois trop céder.

Apparemment, c'est ce qu'ils ont finalement réussi à faire.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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