L’argent chinois

© Photo Evgeniy ValuiskiyLe Centre mondial des finances de Shanghai
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Le rapport sur les investissements mondiaux directs en 2010 montre où va le monde après la crise, ou, si l’on considère que la crise n’est pas encore terminée, qui en sortira, et comment, qui sera le premier au monde, qui perdra la prééminence et ainsi de suite.

Le rapport sur les investissements mondiaux directs en 2010 montre où va le monde après la crise, ou, si l’on considère que la crise n’est pas encore terminée, qui en sortira, et comment, qui sera le premier au monde, qui perdra la prééminence et ainsi de suite. Autrement dit, le document est plus qu’intéressant et son auteur est fiable puisqu’il s’agit de la CNUCED, ou de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement.

À première vue, rien de sensationnel d’une manière générale. La situation demeure telle qu’elle l’était avant la crise. Les États-Unis sont les premiers au monde à bénéficier des investissements, suivis par la Chine. Dans le monde, 1 200 milliards de dollars devraient voyager cette année à la recherche de pays d’accueil ce qui est peu dans la mesure où avant la crise la somme était de 2 000 milliards par an, mais pour 2012 tout devrait rentrer dans l’ordre, fait remarquer le rapport. Les États-Unis, quant à eux, comme déjà mentionné, sont en tête mais à vrai dire la Chine les rattrape à grands pas.

Répétons-le, il ne s’agit pas d’un mouvement chaotique d’investissements de portefeuille et d’autre « commerce de vent », mais d’investissements directs en quelque chose de tangible, par exemple dans des usines. Ce sont de sérieux investissements qui ne disparaîtront pas en une minute par simple pression d’un bouton.

Les économistes chinois ont déjà calmement et franchement commenté la situation, en faisant remarquer que les lois et les règlements rigides, une main d’œuvre de qualité et un marché de consommation puissant (autrement dit les États-Unis) sont plus favorables qu’une croissance rapide et une main d’œuvre bon marché (autrement dit la Chine). Pour ces raisons, l’an dernier, 34,9 milliards de dollars de moins ont été investis en Chine par rapport aux États-Unis. Mais à vrai dire, au début de 2010 les investissements directs en Chine ont considérablement augmenté, et aux États-Unis ils ont chuté de 60%, et si cette tendance se maintient…

En fait, au cours des deux dernières décennies, la Chine a dépassé à trois reprises tous les autres en un court laps de temps comme premier bénéficiaire d’investissements, en réalité ou du moins dans les sondages sur les préférences des investisseurs. Mais elle a immanquablement retrouvé la deuxième place, derrière les États-Unis. Or, l’économie n’est pas un sport, et rattraper et dépasser les États-Unis n’est pas une mission impossible pour la Chine. Une mission impossible, c’est autre chose. La Chine devient elle-même le plus grand des investisseurs. C’est bien plus important, et pas seulement pour elle-même.

À ce stade il faut se tourner vers une autre source, l’article du Washington Post qui semble occuper une page entière du journal, voire plus. Il y est question du Brésil.

Émotions mises à part, pour le seul premier semestre 2010, la Chine a investi au Brésil (sous la forme de ces mêmes investissements directs) 20 milliards de dollars, devenant ainsi le premier investisseur du pays en y construisant des aciéries, des usines automobiles et des infrastructures pour les centrales électriques et bien d’autres. Petrobras – compagnie pétrolière locale – a perçu 10 milliards de dollars en provenance de la Chine qui, en même temps, est devenue le premier partenaire commercial du Brésil.

Toutefois, les émotions de l’analyste américain, auteur du rapport, sont très compréhensibles. Le Brésil, ce n’est pas une petite île souveraine quelconque dans l’océan Pacifique. C’est le leader de l’Amérique Latine et c’est un membre du mécanisme du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). À l’heure actuelle, il est à la mode de dire qu’il est insensé d’unir ces quatre pays, qu’ils n’ont aucun lien entre eux. Eh bien, ils semblent au contraire être très liés. On remarque une similitude à considérer les liens entre la Chine et l’Inde: la croissance, malgré les différends territoriaux et beaucoup d’autres choses. En y ajoutant l’habitude du BRIC d’organiser des sommets et des rencontres ministérielles à la suite desquelles l’argent des Chinois et des autres semble se déplacer encore plus vite dans le cadre du BRIC.

En fait, pour comprendre où va le monde, il ne suffit pas de déterminer quels sont les leaders du secteur des investissements directs ou autres. Il serait plus utile de porter un regard sur les choses moins évidentes comme par exemple le flux important d’argent chinois dans les pays-clés comme le Japon, le Pérou, l’Iran et autres endroits intéressants.

Et pour compléter le tableau, qu’en est-il de l’Union Européenne? La situation n’est pas très bonne. Durant les derniers mois, les Européens, essentiellement représentés par la Chambre de commerce européenne en Chine, étaient occupés à faire entendre aux autorités de Pékin leur inquiétude concernant les perspectives d’investissement dans le pays. Ils déclaraient que « la Chine [fermait] petit à petit la porte » aux entreprises étrangères pour protéger les siennes et que dans les conditions de la crise financière en Europe c’était très, très affligeant. Les Européens se voient tout d’abord exclure des secteurs tels que celui de l’énergie « propre », autrement dit alternative, ainsi que de l’informatique. Alors quoi? Les Chinois ne veulent-ils pas finalement dépasser les États-Unis et devenir le premier bénéficiaire d’investissements directs? Apparemment non, il ne le veulent pas.

Or, trois mois auparavant, cette même Chambre du commerce avait effectué un sondage selon lequel, dans les deux années à venir, la moitié des hommes d’affaires européens interrogés investiraient encore plus d’argent en Chine.

Pendant ce temps, la Hong Kong & Shanghai Banking Corporation, l'une des plus grandes banques du monde, qui, comme son nom l’indique, est en provenance d’Asie, a publié un rapport. Une idée implacable y est exprimée: l’économie mondiale tend de plus en plus clairement vers l’Asie mais les affaires européennes risquent de prendre du retard dans cette tendance. Sauf si elles apprennent à investir dans les recherches d’innovation dans les pays d’Asie et oublient l’idée « désuète » (selon le rapport) qu’on invente en Occident et qu’on fabrique en Orient.

Ce que viennent confirmer les déclarations récentes du président de la Commission européenne José Manuel Barroso concernant l’obsolescence de l’Union Européenne en matière de relations économiques avec les États-Unis, mais il s’agit là d’un autre sujet, important et complexe.

Ainsi se dresse le tableau général du monde, ou, en tout cas, de ses tendances majeures, aux yeux de ceux qui cherchent à investir quelque part l’argent qui a survécu à la crise.

 

Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur

 

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