Le maire de Moscou n'a pas respecté la subordination

© RIA Novosti . Valery Melnikov / Accéder à la base multimédiaLe maire de Moscou Iouri Loujkov
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Le maire de Moscou Iouri Loujkov court au suicide politique en raison de sa négligence. Étant un combattant expérimenté, aguerri dans les guerres impitoyables de l'information de la fin des années 90, habitué aux intrigues les plus complexes, il a commis une erreur bien simple. Probablement, la seule de sa carrière. Mais cette erreur pourrait lui être fatale.

Le maire de Moscou Iouri Loujkov court au suicide politique en raison de sa négligence. Étant un combattant expérimenté, aguerri dans les guerres impitoyables de l'information de la fin des années 90, habitué aux intrigues les plus complexes, il a commis une erreur bien simple. Probablement, la seule de sa carrière. Mais cette erreur pourrait lui être fatale.

Loujkov s'est servi d'une technique, jusqu'à présent utilisée seulement par les leaders des partis d'opposition, à l'instar du chef des communistes Guennadi Ziuganov et des " dissidents " hors système : il a tenté d'opposer le président Dmitri Medvedev au premier ministre Vladimir Poutine. Il a tenté d'enfoncer un coin dans le tandem indestructible.

Il l'a fait de manière subtile en prétendant que: " D'une part, [il bénéficiait] du soutien du premier ministre russe Vladimir Poutine, d'autre part, [il a reçu] un coup de pied venant de l'administration présidentielle ". Il est ici question du comportement de Loujkov au mois d'août effrayant: alors que Moscou étouffait dans la fumée, le maire était absent de la capitale. Cela lui a valu en effet d’être critiqué par un employé anonyme de l'administration présidentielle. Le maire continue de s'indigner, même un mois après les faits.

"Voyez-vous, six jours c'est soi-disant beaucoup (note de l'auteur : il est question des fameux six jours pendant lesquels la concentration de monoxyde de carbone dans l'air de Moscou dépassait de plusieurs fois la norme). Je suis revenu aussitôt que possible ", a grommelé Loujkov dans une interview récente avec la chaîne télévisuelle moscovite TVTs.

On ne comprend pas très bien de quelle mystérieuse incapacité le maire voulait parler, problème pour réserver un vol ou incapacité à se déplacer. La question n’est, d’ailleurs, pas là. Exactement les mêmes antinomies " d'une part – d'autre part " ont été employées envers le premier ministre et le président dans l'article de Rossiïskaïa gazeta (Journal Russe) signé par Loujkov.

L'auteur haut placé donne son avis sur la construction de l'autoroute Moscou – Saint-Pétersbourg via la forêt de Khimki, n'approuve pas la décision de Dmitri Medvedev de suspendre les travaux pour étudier la question, et souligne que cet atermoiement est en contradiction avec un décret du gouvernement russe. De plus, le maire qualifie tout projet alternatif d’ " idées coûteuse et utopiques ". On y constate une confrontation ouverte et l'espoir d'une collision au sommet du pouvoir.

Aucun représentant officiel des institutions gouvernementales russes ne s'était encore permis de faire une telle chose. Et cette infraction flagrante de subordination allait forcément avoir des conséquences.

Le président n'a pas réagi personnellement. Mais des employés de l'administration présidentielle, qui ont souhaité garder l'anonymat, ont pris la parole. " Les tentatives sans perspectives de certains représentants des autorités de Moscou d'enfoncer un coin dans les relations entre le président du pays et le premier ministre "; " c'est parfaitement inadmissible et ne correspond en rien aux relations réelles entre le chef de l’État et le chef du gouvernement "; " les autorités de Moscou ont fait un excès de zèle dans leurs tentatives d'opposer le président au premier ministre."

Il s'agit là d'une série de citations tirées des déclarations des employés de l'administration du Kremlin. Mais voici la plus importante : " Il est clair que de telles tentatives recevront une réponse appropriée ". Sous couvert d'un langage diplomatique se cache une menace sans équivoque. Et la réponse a été rapide.

Loujkov a été littéralement criblé de matériaux compromettant, diffusés à la télévision. Il s'agirait en fait plutôt d’un véritable bombardement. En d'autres termes, quatre chaînes fédérales de télévision à la fois ont diffusé des films et des reportages révélateurs. NTV, Vesti-24, Rossiya et Perviy Kanal, en les mettant dans l'ordre chronologique des interventions. Et qualifier les passages et les déclarations adressés au maire de critiques serait peu dire.

Loujkov a été attaqué de tous les côtés pour tous ses faits. Pour la fameuse absence à son poste lors des fumées dans la capitale. Pour avoir accordé au sauvetage de ses abeilles, à son retour, un budget trois fois supérieur aux soins des retraités et des personnes handicapées. Pour l'état déplorable des routes de Moscou. Pour les subordonnés qui font l'objet de poursuites judiciaires pour corruption, l'un d'eux étant l'adjoint du maire. Et pour la démolition massive des monuments historiques.

Son épouse Elena Batourina, la présidente de la compagnie Inteko, n'a pas été épargnée non plus. Les auteurs des sujets télévisuels ont fortement insinué que la compagne du maire n'avait pas gagné ses milliards (de dollars) sans l'aide de son époux. D'ailleurs, Batourina, dès le 13 septembre, avait déclaré qu'elle avait l'intention de porter plainte contre les chaînes de télévision pour atteinte à l'honneur, à la dignité et à la réputation de sa société. Mais Loujkov, qui auparavant portait immédiatement plainte après chaque déclaration négative à l'égard de la mairie de Moscou, n'a toujours pas réagi à la canonnade compromettante de la télévision.

Il semblerait que le maire de Moscou n'ait pas encore décidé des actions à engager. Le travail bien agencé des chaînes télévisuelles pour discréditer le maire a montré qu'il ne lui sera pas facile de trouver une protection et un soutien au niveau fédéral. Officiellement, son mandat de maire s'écoulera l'été prochain. Cependant, il n'existe aucune certitude qu'il le termine. La rumeur concernant la démission de Loujkov avait circulé si longtemps en coulisses qu’elle a fini par ressembler plutôt à une vieille blague. Pour la première fois elle pourrait devenir réelle.

À première vue, pourquoi ne serait-ce pas normal? Loujkov occupe son poste depuis 18 ans. Les grands-princes de Moscou qui ont réussi à rester au pouvoir autant d'années sont rares. Actuellement, la Russie subit le renouvellement inévitable du corps des gouverneurs. Il ne reste que trois dinosaures similaires à Iouri Loujkov. Ce sont les chefs des régions de Belgorod, d'Omsk et de Tomsk, Evgueni Savtchenko, Leonid Polejaïev et Viktor Kress. Et selon certaines sources, un remplaçant a déjà été trouvé pour ce dernier.

Enfin, Loujkov va bientôt fêter ses 74 ans. Il est temps de prendre sa retraite. Mais le fait est que suite aux révélations télévisuelles scandaleuses, il ne pourra plus partir tranquillement et dignement, avec une médaille supplémentaire sur la poitrine et des mots d'adieu chaleureux de la part des dirigeants du pays qui accompagneraient son départ. Ainsi sont partis, par exemple, les présidents du Tatarstan et du Bachkortostan, Mintimer Chaïmiev et Mourtaza Rakhimov. La démission de Loujkov sera maintenant inévitablement scandaleuse, indépendamment du moment de son départ. Ce n'est pas la meilleure manière de terminer une carrière politique.

Quant au successeur au poste de maire de Moscou, une phrase de l'époque soviétique était très juste à ce sujet : " Il n'existe pas de personnes irremplaçables, il existe des personnes qui n'ont pas été remplacées ". La Russie ne manque pas de dirigeants forts, capables de gérer parfaitement la capitale.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur

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