Les hommes russes n'existent plus…

© Photo Mikhail Kharlamov/ Marie Claire RussiaSvetlana Koltchik
Svetlana Koltchik - Sputnik Afrique
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Oups! Je ne l'ai pas dit car je le regrette déjà... Mais enfin, la rumeur court. Dernièrement, j'ai entendu un nombre grandissant de femmes se lamenter sur la qualité déclinante nos hommes. Un nombre tellement significatif qu'il me semble reconnaître au moins une tendance, si pas une épidémie.

La Russie a été toujours considérée comme une femme, et la notion de femme russe reste le stéréotype le plus répandu à l'égard des Russes, au sens positif mais aussi négatif. Mais n'est-ce qu'une fantaisie des hommes? Voilà une femme russe moderne, travailleuse et, disons, de plus en plus consciente de la globalisation, qui expose sa vision des tendances du monde contemporain, évoquant des questions de genre ainsi que des thèmes sociaux plus larges. Elle parle et laisse parler les autres femmes.

 

Oups! Je ne l'ai pas dit car je le regrette déjà... Mais enfin, la rumeur court. Dernièrement, j'ai entendu un nombre grandissant de femmes se lamenter sur la qualité déclinante nos hommes. Un nombre tellement significatif qu'il me semble reconnaître au moins une tendance, si pas une épidémie.

Les méchancetés vont de la lamentation paresseuse des filles sur les hommes locaux à la simple panique. Et je ne parle pas du point de vue des "épouses-courrier" attendent d'être sauvées de la rude réalité russe, pour certaines femmes l'herbe semble toujours plus verte de l'autre coté de l'océan. Je parle de femmes qui sont relativement contentes et épanouies chez elles mais juste en quelque sorte pas satisfaites des hommes locaux.

Donc le spectre des rencontres et mariages de ces brillantes et jolies filles d'une vingtaine, trentaine d'années  évolue progressivement vers les étrangers – en particulier ceux de leur ligue, c'est-à-dire qui ont assez bien réussi et sont ouverts d'esprit.

Je dois avouer que je peux m'identifier à cette tendance. Les trois années que j'ai passé aux Etats Unis au début de ma vingtaine m'ont transformé – peut être la CIA a-t-elle secrètement implanté une puce dans mon cerveau pendant que je dormais dans ma petite chambre du logement collectif de l'Université de Columbia à New York.

Mais lorsque je suis rentrée à Moscou, j'ai immédiatement senti que j'ai perdu le pouls avec la plupart des garçons locaux. Lors des rendez-vous avec des hommes russes que j'appellerais "typiques" (n'ayant pas beaucoup voyagé, ne parlant pas de langues étrangères, jouant les machos), je me suis souvent sentie comme une extra-terrestre. Ou plutôt comme une actrice amateur, un personnage type "Legally Blonde", qui doit prétendre (gratuitement!) qu'elle n'est pas beaucoup plus qu'un joli minois sur un corps sexy. Nombre de mes rendez-vous ont essayé de m'amuser en racontant leur concours de beuverie et comment ils ont dépensé leur argent autour du monde (je dois admettre que certains de mes admirateurs étaient de grands voyageurs, mais désespérément étroits d'esprit).

Je n'étais pas amusée même en faisant de mon mieux. Nos perspectives étaient différentes. Les conversations s'enlisaient. Les différences culturelles semblaient plus grandes avec mes compatriotes qu'avec mes potes de Manhattan.

Et ce fut ainsi jusqu'à ce que je rencontre mon "type" de Russe: un natif de Vladivostok, diplômé de Cambridge travaillant dans une banque anglaise après près de sept ans vécus hors de Russie.

Du coup, lorsque j'ai réalisé que de plus en plus de mes pairs choisissaient des expatriés ou des Russes "avec un implant occidental", c'est-à-dire une solide expérience à l'étranger, je me suis sentie soulagée. Au moins je n'étais pas la seule."

Ennuyeux, tout simplement ennuyeux", soupire Maria, 27 ans, spécialiste des relations publiques, tout en sirotant un cappuccino dans un café pittoresque du centre de Moscow où elle partage un appartement avec son mari, un entrepreneur viennois de 30 ans. Elle sous-entend les hommes russes, visiblement un vague souvenir de sa prime jeunesse.

Depuis lors, cette jolie et piquante brunette, diplômée de l'Académie du Tourisme de Moscou me dit qu'elle n'est jamais tombée amoureuse de locaux, pas plus que ses copines.  "Lorsque tu apprends les langues étrangères et tu commences à voyager, en particulier à l'Ouest, ton état d'esprit change", dit-elle. "Tu commences à rechercher un partenaire, un égal dans un homme. Ce qui est difficile de trouver en Russie".

"Nos hommes manquent tellement de confiance en eux" ajoute Maria avec nostalgie, "ils sont souvent intimidés lorsqu'ils rencontrent une femme forte qui a du succès. Du coup pour moi, cela a toujours été plus facile avec un étranger."

Plus facile? Vraiment? Les différentes statistiques portant sur le sujet montrent que le taux de divorce est supérieur d'au moins 30% parmi les couples " internationaux ". Les défis portent sur les questions d'argent, de religion, d'autres différences culturelles et récemment sur d'épuisantes batailles légales autour des enfants. Malgré tout, il semble que de nombreuses moscovites sont suffisamment courageuses pour prendre le risque.

Mon ancienne camarade de classe Anya, 32 ans, qui comme professeur d'histoire mène un style de vie très différent du mien -introverti, voyageant peu-, a rencontré son fiancé, un consultant marketing de San Francisco, en ligne. Ils attendent leur premier enfant pour cet automne. Elle insiste sur le fait qu'elle ne cherchait pas spécifiquement un étranger et qu'elle n'a toujours pas l'intention de déménager à l'étranger car elle est plutôt heureuse à Moscou. "Mais la plupart des Russes avec qui j'ai été, y compris mon ex-mari, ont été machos ou gâtés ou simplement irresponsables", se plaint Anya. L'éducation soviétique est à blâmer, croit-elle.

"Dans une famille soviétique typique, une femme, même si elle travaille très dur, fait tout à la maison, et c'est encore ce que la majorité des hommes attendent de leur moitié", dit-elle. "En Russie, beaucoup d'hommes ont grandi avec des mères-célibataires qui les ont beaucoup gâtés. Et ensuite il y a les profs, qui sont majoritairement des femmes dans ce pays – les femmes sont habituées à être au service des hommes". Alors qu'avec son Américain, qui est parti de la maison à 18 ans, Anya se sent rassurée. "On partage les tâches ménagères et il fait même la cuisine", ajoute-t-elle le visage rayonnant de fierté.

De même Maria, qui étudie actuellement pour son MBA, utilise souvent, en parlant de son mariage avec son autrichien, le terme anglais "empowerment". "Je me sens plus forte grâce à mon époux", dit-elle. "Il croit en moi et me soutient de toutes les manières possiblesr".  J'ai essayé en vain de trouver un équivalent russe à "empowerment". Mais ensuite j'ai pensé que peut être nombre de nos femmes ont de toute façon toujours été fortes – mais pour certaines raisons l'ont caché, du moins de nos hommes. Comme dit cette ancienne et populaire chanson soviétique "le bonheur absolu d'une femme est simplement un homme à ses cotés". Il semble qu'une nouvelle génération de femmes russes voudrait d'avantage…

* Svetlana Koltchik, 33 ans, est la rédactrice en chef adjointe de l'édition russe du magazine Marie Claire. Elle est diplômée de la faculté de journalisme de l'Université de Moscou et de l'Ecole de journalisme de l'Université de Columbia à New York. Elle a travaillé dans l'hebdomadaire russe Argumenty i Fakty à Moscou, le journal USA Today à Washington et a écrit pour RussiaProfile.org ainsi que pour les éditions russes de Vogue et de Forbes.

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