Lisbonne, l’OTAN et la Russie : la grande revue des conceptions

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Les 19 et 20 novembre, 28 chefs d’Etat de l’OTAN se sont rencontrés à Lisbonne lors du sommet d’automne traditionnel.

Les 19 et 20 novembre, 28 chefs d’Etat de l’OTAN se sont rencontrés à Lisbonne lors du sommet d’automne traditionnel. On l’a déjà qualifié de sommet des sommets des dix dernières années. A l’ordre du jour : la nouvelle Conception stratégique, l’Afghanistan et les relations avec la Russie, et de nombreux dérivés purement otaniens des thèmes ci-dessus. Le président russe Dmitri Medvedev, qui présentait à Lisbonne plusieurs propositions de développement des relations avec le bloc, a participé aux discussions Russie-OTAN au Portugal.

Toutes les initiatives russes, notamment l’initiative de Moscou concernant la mise en place avec l’OTAN et les Etats-Unis d'un système de défense antimissile (AMB) en Europe, la coopération en Afghanistan, la transformation des responsabilités du Conseil Russie-OTAN, le renforcement de confiance, la nouvelle architecture de sécurité européenne, sont les composantes de la nouvelle conception commune des relations Russie-OTAN.

Selon le Kremlin, la Russie n’a pas l’intention d’imposer ses idées à qui que ce soit, mais propose au bloc de réfléchir sérieusement au passage des déclarations démagogiques sur la coopération et la confiance aux mesures pratiques. Après le 11 septembre 2001, les guerres en Irak et en Afghanistan, l'accroissement de la narco-menace, le terrorisme et la nécessité d’assurer la sécurité des ressources, il est désormais impossible de demeurer dans une situation proche de la guerre froide.

Il faut soit changer l’approche du bloc et son opinion de la Russie, son rôle et le rôle de l’OTAN dans le système de sécurité mondiale, soit chercher d’autres voies de coopération. Par exemple, au niveau des gouvernements nationaux des pays membres de l’alliance. Si l’OTAN ne possède pas un point de vue unanime sur le ‘’ travail avec la Russie ‘’ (et pour l’instant cela semble être le cas), la Russie sera prête à en tenir compte à l’avenir. C’est une question purement pragmatique. A l’époque actuelle changeante et peu stable il reste peu de place pour de longs préparatifs.

C’est à l’OTAN de changer

Moscou est depuis longtemps prêt à de ‘’ nouvelles relations ‘’ avec l’OTAN, mais ne voit plus de sens à la démagogie qui emplissait le Conseil Russie-OTAN jusqu’à présent. Tout cela ressemblait au ‘’ mouvement unilatéral ‘’ de Moscou vers la coopération.

D’autant plus que tous les problèmes mondiaux actuels poussent objectivement les parties à la coopération et au partenariat. Les seuls obstacles ne sont dus qu’aux mœurs rudimentaires antisoviétiques et/ou antirusses dans la moitié orientale de l’OTAN.

Dmitri Medvedev propose à l’OTAN de ne pas refuser ou accepter immédiatement les propositions russes. Mais d’y réfléchir sérieusement. La transformation des ‘’ partenaires malgré eux ‘’ en ‘’ partenaires ‘’ tout court (personne n’a l’intention de parler d'’’ amis fidèles ‘’) ne fera que renforcer la capacité de l’OTAN et de la Russie d’influer sur la situation mondiale et régionale.

A la veille du sommet de Lisbonne, deux groupes d’experts internationaux très influents, l’Institut international d’études stratégiques de Londres et l’Institut russe de développement contemporain, ont publié un grand rapport sur les axes probables du développement des relations entre Moscou et l’OTAN.

Entre autre, il est écrit : ‘’ Des relations plus saines avec la Russie sont également nécessaires dans le contexte des priorités actuelles de l’OTAN qui incluent : l’élaboration d’une stratégie sensée et fondée du retrait de l’Afghanistan; le renforcement de la coopération multilatérale dans le domaine de la défense antimissile; la résolution du problème de la prolifération des armes de destruction massive; la prévention de l’apparition de nouveaux conflits en Eurasie; le développement de la coopération dans de nouvelles régions et domaines, telles que l’Arctique; la sécurité cybernétique et énergétique. L’OTAN a beaucoup plus de chances de succès dans ces domaines avec l’aide de la Russie, plutôt que sans elle. La Russie estime que la disparition de l’hostilité dans les relations avec l’OTAN pourrait considérablement améliorer ses relations avec l’Occident dans l’ensemble, en créant un climat plus favorable à la mise en œuvre des réformes nationales. ‘’


La participation à l’AMB européen n’est pas le plus important

Pour le moment, l’OTAN n’a rien proposé de concret au sujet de l’AMB. La défense antimissile européenne de l’OTAN et l’adhésion de la Russie est une idée très complexe et problématique. Pour l’instant elle a une composante clairement politique à laquelle il manque ‘’ l'ingrédient professionnel. ’’ Certains experts russes estiment qu’elle ne pourrait pas influer radicalement sur la sécurité européenne.

Etant donné que l’OTAN est composée de deux ‘’ univers parallèles ‘’, les Etats-Unis et l’Europe, il serait plus convenable de parler de l’AMB des Etats-Unis : celui dont le doigt effleure le bouton antimissile détient les clefs de la défense. Après tout, les dépenses militaires de Washington, ‘’ un partenaire inégal ‘’ de l’OTAN, s’élèvent aujourd’hui à 710 milliards de dollars, tandis que l’Europe dépense seulement 280 milliards.

L’AMB européenne du théâtre des opérations militaires, dont il est actuellement question, coûterait environ 210-230 millions de dollars. Compte tenu des problèmes financiers en Union Européenne, pour beaucoup de pays la contribution sera trop difficile à avaler. Et en ce qui concerne l’AMB américaine pour l’Europe, l’affaire est encore plus corsée. Même les experts européens et américains reconnaissent que la destruction des missiles nucléaires potentiels de l’Iran, aussi cynique que cela paraisse, coûterait des centaines de fois moins cher que de construire une structure nouvelle et coûteuse de l’AMB.

Ainsi, la question de l’adhésion de la Russie ne se pose pas de sorte ‘’ l’adhésion ou la catastrophe. ‘’ Il est clair qu’on va tenter de changer la participation de la Russie à l’AMB de l’OTAN contre son implication dans les opérations en Afghanistan de l’OTAN et des Etats-Unis. Ce n’est pas un échange très équitable. Il ne faudrait pas ‘’ se vendre à vil prix. ‘’ La Russie a déjà été en Afghanistan une fois. Et cela s’est terminé directement par l’effondrement de l’URSS.

Le programme américain de cessation progressif des opérations militaires des forces internationales et du retrait des troupes d’Afghanistan doit être adopté lors du sommet. Il est prévu de le mettre en œuvre dès l’année prochaine, et le contrôle total de la sécurité du pays devrait être transmis à l’armée et à la police afghane en 2014-2015.

Ce dernier programme a été corrigé à plusieurs reprises, devenant très vague et flou quant à son calendrier. Comme d’habitude, il contient des réserves du type ‘’ si la situation le permet ‘’, qui laissent un champ d’interprétation des délais et de leur extension si large que le retrait et la transmission pourrait, en fait, durer encore plusieurs années. Ce qui sera probablement le cas. Personne n’a besoin de l’Afghanistan revenu à l’état de guerre civile, de ‘’ l’occupation ‘’ par les talibans et/ou transformé en narco-Etat, libre de toute responsabilité.

Dans l’ensemble, à Lisbonne on a assisté à une grande revue des conceptions et à une certaine renaissance des relations avec la Russie. Lorsqu’un sommet réussi est programmé au sein de l’OTAN, cela a toujours des répercussions sur ses documents finaux : beaucoup de brume et de flexibilité y apparaissent. Mais on n’y peut rien : la réussite sur la scène internationale est particulièrement nécessaire à Barack Obama, président des Etats-Unis, où les républicains freinent le ‘’ redémarrage ‘’ avec la Russie et sont prêts à bloquer le nouveau Traité de réduction des armes stratégiques (START-3). Faire progresser ce redémarrage via l’OTAN pourrait s’avérer bien plus simple.

Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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