Le président russe à Varsovie : quelle attitude adopter

© RIA Novosti . Ilya Pitalev / Accéder à la base multimédiaDmitri Medvedev
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Le 6 décembre débutera la visite du président russe Dmitri Medvedev en Pologne, et le 8 décembre il participera au sommet Russie-UE à Bruxelles.

Le 6 décembre débutera la visite du président russe Dmitri Medvedev en Pologne, et le 8 décembre il participera au sommet Russie-UE à Bruxelles. Il semble que le président russe ne recherche pas la facilité : les deux voyages, à Varsovie et à Bruxelles, surviennent dans une période difficile des relations entre la Russie et l’Union Européenne et avec le plus problématique de ses membres, la Pologne.

La barrière psychologique

Les difficultés ne sont pas d’ordre économique, mais plutôt psychologique. L’Union Européenne examine " Le plan détaillé du réseaux énergétique européen intégré ", qui devrait exclure les compagnies russes du processus d’adoption des décisions dans l’approvisionnement des pays de l’UE en énergie. L’élan positif de nos relations, dû à la compassion sincère de la Russie envers la Pologne après le crash de l’avion présidentiel à Smolensk en avril 2010, s’estompe progressivement en Pologne.

Pourquoi je parle de psychologie au lieu de politique ? Parce qu’il n’existe aucun motif économique réel aux contradictions entre la Russie et les pays de l’UE, y compris la Pologne. Leurs économies ne sont pas en concurrence, elles sont plutôt complémentaires. En échangeant les ressources énergétiques russes contre les technologies allemandes et françaises, les engrais russes contre les produits polonais courants bon marché et de bonnes qualité, ils pourraient s’entraider.

En réalité, il n’existe aucune alternative à la coopération entre la Russie et l’Union Européenne. La Chine, qui suscitait beaucoup d’espoirs en tant qu’alternative au consommateur européen, a en réalité refusé de payer le prix européen. Le Turkménistan, qui se plaignait depuis plusieurs années de Gazprom et menaçait d’expédier tout son gaz à l’Est, a déjà été confronté aux propositions chinoises très peu rentables. Selon Moscou, la différence entre la vision russe et la vision chinoise du " prix juste " du gaz sibérien atteint 100 dollars pour 1.000 m³. Comparé à cela, l’Europe ressemble à un paradis. Le partenariat énergétique entre la Russie et l’UE est la seule issue, aussi bien pour Moscou que pour Bruxelles.

Une minorité agressive et docile à la fois

Cependant, l’Union Européenne ne s’empresse pas d’entrer dans un partenariat de toute évidence avantageux pour les deux parties. " Le plan d’actions détaillé " du réseau énergétique européen prévoit d'évincer des gazoducs en construction leurs propres investisseurs, en règle générale de grandes compagnies énergétiques russes et européennes (par exemple, l’allemand E.ON ou le russe Gazprom). Le schéma est le suivant. Vous construisez un gazoduc, par exemple, Nord Stream pour l’acheminement des ressources russes directement de la région de Saint-Pétersbourg vers l'Allemagne. Et lorsque la construction sera terminée, on vous obligera à fournir l’accès à ce gazoduc à des distributeurs indépendants. Ou, comme c’est actuellement le cas en Lituanie avec les actifs de Gazprom, on vous demandera de vendre vos actions dans le projet à d’autres personnes, bien précises, qui auront probablement bénéficié des faveurs de la Commission européenne ou du gouvernement lituanien.

Qui en tirerait profit ? Les résidents des pays de l’UE ? Non. Il n’est pas certain que le gaz vendu par de petites compagnies sera moins cher que le gaz vendu aujourd’hui par de grandes sociétés. Les gouvernements des pays de l’UE, y compris la Pologne, afin d’assurer leur indépendance énergétique ? Non plus. Chaque gouvernement se préoccupe avant tout de ne pas laisser sa population sans gaz en hiver. Et en presque 50 ans de fourniture de ressources en Europe occidentale et centrale, la Russie à prouvé sa fiabilité en tant que fournisseur. Or, on ne change rien à une équipe qui gagne. A moins d’être un imbécile. Ou un ennemi.

Il ne s’agit donc pas d’économie mais de psychologie. Les problèmes psychologiques (voire psychiatriques) sont particulièrement notables dans la minorité active russophobe qui s’est mise à dominier la politique européenne antirusse au cours des dix dernières années. Ces personnes ne sont pas légion mais elles sont actives et bruyantes. Pour la majorité d’entre elles, la russophobie est une profession. Ils sont très présents dans les médias, les parlements et les organisations non gouvernementales. On trouvera beaucoup moins de russophobes dans les institutions gouvernementales ou dans les entreprises chargées d’une production concrète. Et c'est bien compréhensible : l’échec du partenariat avec la Russie conduira à l’augmentation des prix et du chômage (la Russie, selon les informations de l’Institut d’Europe de l’Académie des sciences de Russie, fournit près de 2 millions d’emplois dans les pays de l’UE). Le gouvernement devra rendre des comptes du chômage, et la hausse des prix des ressources énergétiques impliquerait des frais supplémentaires pour les producteurs. Or les " braillards antirusses " resteront bien tranquilles dans leurs rédactions ou dans leurs bureaux au parlement. Ils se réjouiront de l’annulation des contrats et des relations économiques entre la Russie et l’UE : on pourra dire que le gouvernement est responsable d’avoir fait confiance à Poutine et d’être une nouvelle fois victime de " l’ours russe " perfide.

L’utopie " l’Europe sans la Russie "

Que veulent ces personnes? En réalité, une utopie, qui s'intitule "l’Europe dans la Russie. " Cette utopie est apparue il y a relativement peu de temps (moins de 50 ans) dans les œuvres des historiens polonais et ukrainiens émigrés offensés par la Russie. Parmi ces auteurs, il y avait des personnes de talent, telles que Richard Pipes, Jerzy Giedroyć, Bohdan Osadczuk. Ils ont proposé un plan qui paraissait irréalisable dans les années 60 : " arracher " la Biélorussie et l’Ukraine à la Russie, en les lançant peu à peu sur l’orbite politique et économique de l’UE sous la supervision de la Pologne. Par ailleurs, les combattants polonais et ukrainiens de " notre et votre liberté " ont recommandé d’exclure la Russie de la division internationale du travail. Ces " sympathisants " ont seulement conseillé de soutenir en Russie les dissidents soviétiques les plus radicaux et les protecteurs des droits de l’homme russes ayant les mêmes convictions que leurs homologues polonais, mais portant des noms russes.

Le pire c’est que cette mesquine utopie a constitué la base de la politique européenne à l’égard de la Russie des 15-20 dernières années.

La politique russe de l’UE et les plans de Varsovie, en omettant la rhétorique, se réduisent à mettre en place des communications énergétiques, financières et militaires nécessaires en contournant la Russie. C’est à cela que se réduisent toujours les " stratégies nationales " et les " paquets énergétiques ", des documents d’un niveau d’accès plus ou moins restreint, mais avec un contenu invariablement antirusse. Dans les documents officiellement publiés, pour respecter le politiquement correct, on y ajoute quelques assurances d’aspiration à de " bonnes relations " et à la " coopération culturelle " avec la Russie. Etant donné que dans le monde contemporain les " bonnes relations " ne valent rien sans une base économique, et le rôle de la grande culture, où la Russie excelle, est réduit au minimum, le tableau s’avère peu réjouissant. On lui montre la porte

Mais le problème de l’Occident et le bonheur de la Russie réside dans le fait que " l’Europe sans la Russie " reste une utopie. Il s’avère impossible de matérialiser le rêve de longue date de nombreux analystes occidentaux, à savoir " oublier la Russie. " On manquera toujours de quelque chose. L’Allemagne manquera de gaz et de pétrole, la Hongrie de touristes sur les rives du Balaton, les agents immobiliers tchèques d’acheteurs d’immobilier à Prague, l’UE de médiateurs aux négociations avec l’Iran concernant son armement nucléaire. Les Russes vont manquer à la Biélorussie et à l’Ukraine. Mais la patrie de cette abjecte utopie, la Pologne ressentira particulièrement ce manque, aussi étrange que cela puisse paraître. Car la Russie est un reflet slave oriental de la Pologne, une partie importante de l’âme polonaise qui ne se soumet pas à l’amputation, quelle que soit l’envie de certains politiciens et " ingénieurs des âmes humaines ", à l’instar de l’ancien président tchèque Vaclav Havel, qui a été contaminé par la russophobie au cours des dernières années.

Comment se faire entendre par la majorité?

En réalité, la majorité des Russes et des Polonais sont en faveur de l’amitié entre leurs pays. Mais un simple humain peut difficilement formuler ces bons sentiments.

" Lorsque je sors dans la rue quelque part en Allemagne, je suis dans un pays étranger intéressant. Si je fais la même chose en Pologne, je suis chez moi, comme si je n’avais jamais quitté ma ville natale ", m’a dit un jour un diplomate russe qui avait travaillé en Pologne pendant seulement trois mois.

Et cette majorité russo-polonaise généralement silencieuse montrait ses meilleures qualités pendant le deuil en avril. Mais elle est rapidement retournée à ses occupations quotidiennes : le travail, les enfants et les personnes âgées, chose que les Polonais font d’une manière très touchante. Mais les " experts " lâches des " centres d’études " et des " organisations non gouvernementales ", qui ont fait de l’éreintement de la Russie la source de leur existence sont également retournés à leurs " train-train " quotidien.

Voici les problèmes auxquels sera confronté le président russe Dmitri Medvedev à Varsovie, puis au sommet à Bruxelles. Toutefois, il faut garder le contrôle de soi et conserver une attitude positive. Il ne faut jamais oublier une partie importante de l’auditoire en la personne de la majorité favorable silencieuse. Elle n’existe pas seulement en Pologne, mais également dans d’autres pays de l’UE. Il faut s’armer de patience et aller vers cette majorité. Il ne faut pas l’irriter par des discours emphatiques sur la grandeur de l’Union Soviétique ou de Djougachvili-Staline. Il vaut mieux, en rendant hommage aux victimes du XXe siècle, se concentrer sur le règlement des problèmes communs : le gazoduc de l’Ukraine, les sites nucléaires de l’Iran, les rues des villages afghans. Se battre avec courage, ne pas faire de longs discours, agir en être humain : ces normes slaves de comportement sont revendiquées par la majorité de Gdansk à Vladivostok. En réalité, dans le monde, les gens humainement bien sont majoritaires.


Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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