Tempête du désert, prologue des guerres du futur

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Le 17 janvier 1991, les troupes des forces multinationales ont lancé l’opération Tempête du désert afin de libérer l’émirat du Koweït occupé par l’Irak.

Le 17 janvier 1991, les troupes des forces multinationales ont lancé l’opération Tempête du désert afin de libérer l’émirat du Koweït occupé par l’Irak. La guerre du Golfe est l’un des principaux événements des vingt dernières années, mais elle a surtout laissé une trace importante dans le domaine militaire en devenant le premier conflit portant un "nouveau visage". En un mois et demi d’opérations militaires actives, les Etats-Unis et leurs alliés ont montré au monde une approche foncièrement nouvelle de la guerre, basée sur un système flexible de commandement, la supériorité matérielle, le matériel militaire de dernière génération et des schémas tactiques et opérationnels novateurs. Ajoutée à cela une vaste campagne d’information amplifiant et renforçant l’effet escompté.

Historique du conflit

Le 25 juillet 1990 s’est tenue une rencontre entre Saddam Hussein et l’ambassadrice des Etats-Unis April Glaspie. Le problème de Koweït y a été également abordé. Cette rencontre est interprétée différemment par les historiens. Certains affirment que de facto les Etats-Unis ont délibérément provoqué l’Irak en autorisant l’ambassadrice à annoncer leur non-ingérence dans la situation. Mme Glaspie a déclaré que les Etats-Unis n’avait pas d’opinion précise au sujet du conflit entre le Koweït et l’Irak et qu’il "ne concernait pas les Etats-Unis". D’autres estiment que Saddam Hussein a mal interprété cette déclaration de la diplomate américaine, en voyant dans ses propos le feu vert des USA.

Le 31 juillet 1990, l’Irak a interrompu les négociations à Djeddah, et le 2 août, parallèlement à l’annonce de la "révolution" au Koweït, l’armée iraquienne forte de 120.000 soldats a franchi la frontière. La capitale du Koweït a été envahie. L’émir a réussi à fuir en Arabie Saoudite.

Le même jour, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l’unanimité la résolution numéro 660, obligeant l’Irak à retirer immédiatement ses troupes du Koweït. Les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont immédiatement annoncé des sanctions contre Bagdad. L’URSS et la Chine ont rapidement souscrit à ces sanctions. C'est la première fois depuis 1945 que les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies étaient aussi unanimes.

Le 7 août, les Etats-Unis ont lancé l'opération Bouclier du désert: les premières unités de l’US Air Force et de l’Armée américaine sont arrivées en Arabie Saoudite. Au cours des premiers mois tout semblait relativement habituel. Grâce à leur supériorité incontestable en termes de logistique, les Américains et leurs alliés projetaient de plus en plus de troupes, d’armes et de matériel avec tous les moyens logistiques et les pièces de rechange nécessaires sur le théâtre des opérations.

A ce moment, personne ne pouvait prédire la tournure que prendraient les opérations militaires. Même les analystes occidentaux supposaient que les pertes totales de la coalition (tués, blessés, malades, disparus) pourraient s’élever à quelques dizaines de milliers de soldats. On prédisait également des pertes importantes en matériel.

Il convient de noter que le Vietnam où, sur une période de pratiquement 10 ans, l’ampleur des pertes a été bien supérieure, fut la dernière grande guerre des Etats-Unis avant l’Irak.

L’heure de la tempête

Avant tout, personne ne pouvait s’imaginer la forme que revêtiraient les opérations militaires. L’Occident ne s’apprêtait pas à mener une guerre traditionnelle. En étudiant aussi bien leur propre expérience au Vietnam et d’autres conflits, que celle des autres, les Etats-Unis ont misé sur leur supériorité aérienne. Elle devait priver l’Irak de sa capacité de poursuivre la guerre.

Les combats terrestres à grande échelle ne faisaient pas partie des plans de la coalition, mais ils étaient envisagés. Les Etats-Unis et leurs alliés ont concentré aux frontières de l'Irak des groupements impressionnants. Les forces de la coalition comptaient près de 600.000 soldats, plus de 4.000 chars, plus de 3.700 pièces d’artillerie et de mortiers, près de 2.000 avions et plus de 100 navires, dont six porte-avions polyvalents et deux navires de guerre dotés de missiles de croisière Tomahawk. Les Américains représentaient près de 80% de ces forces. Elles étaient dotées des derniers systèmes de combat.

L’Irak dépassait légèrement la coalition par le nombre de soldats, de chars et de pièces d’artillerie (plus de 700.000 soldats, près de 5.000 chars, plus de 8.000 pièces d’artillerie et de mortiers), mais lui cédait largement en termes d’avions de combats (près de 700) et de navires (près de 10).

L’Irak était encore plus faible en ce qui concerne les moyens de communication et de commandement, et, surtout, en matière de doctrine militaire. L’Irak s’est avéré impuissant face à l’offensive aérienne frappant ses sites vitaux et a été incapable d’y opposer quelque moyen que ce soit.

La guerre dans les airs

Un rôle particulier dans l’offensive aérienne, qui a marqué le début de l’opération Tempête du désert le 17 janvier 1991, a été joué par le dernier chasseur américain furtif F-117A. L’armée de l’air américaine ne pouvait pas garantir l’anéantissement total de la défense antiaérienne d’Irak, et le commandement américain craignait d’importantes pertes. Au cours des premières 24 heures, les avions F-117 n’ont représenté que 5% des vols au total, mais ont détruit le tiers de tous les sites stratégiques sans subir aucune perte.

Les Etats-Unis utilisaient également des avions de lutte radioélectronique destinés à brouiller les signaux, et les appareils Wild Weasel, les chasseurs F-4 et F-16 spécialement équipés et préparés pour détruire les systèmes de défense antiaérienne à l’aide de bombes et de missiles guidés. De plus, ils recouraient activement à l’utilisation des avions de détection radar à longue portée, des pétroliers volants et d’un groupe satellitaire de grande envergure. Avec un tel soutien, les chasseurs tactiques et les bombardiers de l’USAF et de l'US Navy ainsi que de leurs alliés pouvaient effectuer des centaines de vols opérationnels par jour avec des résultats remarquables.

Les pertes de l’armée de l’air de la coalition se sont avérées insignifiantes. Au total, 41 avions, dont 28 abattus par l’ennemi. Ces pertes, qui ont constitué une part insignifiante du nombre global des vols (à peine plus d’un dixième de pour cent des 35.000 vols effectués), ont conduit à l’apparition d’un grand nombre de spéculations sur les raisons de "l’échec" de la défense antiaérienne de l’Irak. Dont les plus exotiques: les forces de la coalition ont mystérieusement réussi à "s’introduire" dans le système de gestion de la défense antiaérienne et à le "débrancher".

Il existe également une version concernant l’incapacité totale des systèmes soviétiques de défense antiaérienne que possédait l’Irak face aux appareils occidentaux modernes. Mais c’est l’affrontement des forces armées de différentes générations ayant des niveaux de préparation et de matériel complètement différents qui a été la véritable cause.

L’Irak n’était pas préparé à mener le combat sous la forme proposée. Même s’il avait été armé de systèmes américains de défense antiaérienne, et ses avions avaient été exclusivement de production occidentale, l’issue de la guerre aurait été similaire.

La campagne terrestre, au cours de laquelle les troupes iraquiennes ont été repoussées du Koweït n’a duré que cinq jours, du 24 au 28 février. Les troupes du général Schwarzkopf, commandant les forces internationales, ont porté la frappe principale le long de la frontière saoudo-iraquienne, en encerclant les troupes iraquiennes au Koweït. Dans la matinée du 28 février, Saddam Hussein a annoncé un cessez-le-feu et déclaré que l’Irak acceptait toutes les conditions de l’ONU. Le 3 mars 1991, le cessez-le-feu a été signé sur la base aérienne occupée de Safwan, en Irak. Les pertes totales de la coalition étaient insignifiantes, moins de 300 victimes. Les pertes iraquiennes ont dépassé 20.000 morts. Les pertes civiles font l’objet de débats. Certaines sources parlent de 100, voire 200.000 morts, mais le chiffre officiel avancé par les autorités iraquiennes fait état d’à peine plus de 2.300 morts au cours des attaques aériennes.

L'effet psychologique


Les résultats de la guerre du Golfe ont été activement utilisés dans la guerre informationnelle contre l’URSS. Pendant cette dernière, on établissait activement des parallèles, très évidents, entre les armées soviétique et iraquienne, du fait que l’Irak était principalement équipé de matériel soviétique et que la plupart des officiers avaient effectué des stages de formation en URSS. En effet, les chefs militaires soviétiques étaient aussi choqués que les simples civils par les résultats de la guerre du Golfe. L’image télévisuelle impressionnante, l’un des principaux facteurs qui a consolidé la victoire des Etats-Unis, renforçait l’effet. Mais la propagande active des défauts, prétendument "insolubles" du matériel soviétique, "incapable" de faire face au "matériel moderne de l’Occident", était loin de la réalité.

Personne n’a pensé que la véritable raison de la défaite de l’Irak n’était pas du tout due au matériel. Le retard en termes de performances, réelles ou imaginaires, n’était qu’un maillon de la longue chaîne des causes techniques, psychologiques politico-économique et organisationnelles.

Le choc éprouvé a notamment conduit à la croissance de la popularité de la théorie des "guerres de nouvelle génération", dans lesquelles le "matériel obsolète du passé" serait inutilisable. Les racines de ces convictions résident également dans l’exagération des facteurs techniques de la victoire des Etats-Unis et de leurs alliés par rapport aux facteurs organisationnels.

C’est précisément l’organisation, le système moderne de commandement et sa flexibilité qui constituent la clé de la victoire dans les conflits contemporains courts. L’armement y joue un rôle crucial mais les caractéristiques techniques et la puissance de feu reculent au second plan par rapport à la capacité à régler les problèmes plus vite que l’ennemi et de disposer d'un tableau d’ensemble plus rapidement que l’ennemi.

Les lasers, les canons électriques, les frappes suborbitales et les "milliers de missiles de croisière", dont rêvent les "adeptes de science-fiction militaire", n’ont pas encore leur place dans cette guerre. Mais le rythme des actions militaires, leur essence et les cibles stratégiques ont considérablement changé. Ceci a été la principale leçon de la guerre du Golfe.

L’Irak pouvait-il gagner?

A première vue, cette question relève de la spéculation pure et n’a pas de réponse unanime. Plusieurs spécialistes, dont des anciens militaires soviétiques, estiment qu’avec une grande volonté et l’exploitation correcte des ressources, l’Irak pouvait remporter la victoire. Il pouvait porter une frappe préventive contre les forces de la coalition en automne 1990. En laissant de côté les raisons politiques qui excluaient presque une telle évolution des événements pour Saddam Hussein qui n’aspirait pas du tout à une guerre de grande envergure avec tous les voisins, penchons-nous sur l’aspect militaire.

En effet, théoriquement, l’Irak possédait un nombre suffisant de personnel et de matériel militaire moderne. Leur utilisation adéquate aurait permis de détruire les aérodromes, où les avions en déploiement n’étaient pas encore prêts aux combats, de détruire des dépôts immenses de matériel et de munitions déchargés des navires, etc.

Mais pour envisager une telle frappe il faut que plusieurs conditions soient réunies: du niveau différent de préparation du commandement iraquien au paradigme tout aussi différent des actions des forces de l'Irak. Elles auraient eu besoin d’esprit d’équipe, de rapidité de réaction, de souplesse et d’interaction, à l’instar des troupes américaines et de leurs alliés. L’armée de Saddam Hussein n’a fait preuve d’aucune de ces qualités et, par conséquent, toutes les théories concernant la possibilité de la victoire de l’Irak au moyen d'une frappe préventive demeurent sans fondement.



Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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