La toxicomanie chez les mineurs ou la descente aux enfers

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La condamnation d'une mère de deux jeunes enfants pour organisation d'un refuge clandestin de toxicomanes et trafic de stupéfiants est un phénomène désormais courant.

La condamnation d'une mère de deux jeunes enfants pour organisation d'un refuge clandestin de toxicomanes et trafic de stupéfiants est un phénomène désormais courant. La femme a été condamnée à 4 ans et 7 mois de prison (le paragraphe 1 de l’article 228 du Code pénal punit ce délit d'une peine maximale de 8 ans). De toute évidence, le tribunal a pris en compte le fait que la prévenue avait des enfants, qui pendant sa détention seront placés dans des centres sociaux spécialisés.

Cette histoire est effrayante non seulement par sa banalité (rien que la dernière semaine de juillet, 90 abris clandestins pour toxicomanes ont été découverts), mais également par l’influence négative sur les enfants. Selon Alexeï Skripkov  chef du Centre d’expertise et de monitorage toxicologique de Saint-Pétersbourg, plus de 90% des individus impliqués dans l'écoulement des drogues consomment eux-mêmes des stupéfiants. Or la mère remplissait ses seringues de désomorphine en présence de ses deux enfants.

Comment lutter contre le fléau? Au cours des 5-6 dernières années toute une série de mesures a été prise pour renforcer les sanctions contre les crimes impliquant les stupéfiants. Mais la consommation ne diminue pas pour autant. Il est évident que le problème ne peut pas être réglé par l’Agence fédérale de contrôle des drogues (FSKN) avec ses 40.000 agents armés. Il ne faut pas seulement lutter contre l’offre de stupéfiants, mais également contre la demande. Or la menace de sanctions pénales ne suffit pas.

Bien que certaines choses soient faites sur ce plan. Il convient de rappeler qu’en 2004-2006 la législation russe ne prévoit aucune poursuite judiciaire pour détention de faibles doses de stupéfiants. On supposait que la drogue était destinée à  la consommation personnelle des usagers, et dans ce cas il n’y avait personne à punir.

Désormais, la consommation n’est plus sans risques sur le plan juridique. "Etant donné que la consommation de stupéfiants est une infraction administrative, aucune sanction pénale n’est prévue. Pour l’instant nous pouvons seulement infliger aux toxicomanes une amende d’environ 100-130 euros. Toutefois, les consommateurs de stupéfiants qui se sont habitués à des sanctions aussi indulgentes doivent faire face à une nouvelle mesure coercitive: la détention administrative pendant 15 jours. Cette mesure incite beaucoup de toxicomanes à se pencher sur le sens de leur vie et à réfléchir aux conséquences de leurs actes", a expliqué le chef du département de coopération interdépartementale du FSKN Vladimir Goloubovsky lors d’une conférence de presse à RIA Novosti consacrée au problème de toxicomanie chez les mineurs.

Hélas, 15 jours de détention ou des peines plus lourdes ne sont pas en mesure de raisonner les toxicomanes. Et la Russie n’est pas la seule dans ce cas. En France, où conformément à la loi de 1970 la consommation de stupéfiants (toutes classes confondues) est passible d’une amende de 3750 euros et d’une peine de 12 mois de prison maximum, le nombre des consommateurs de marijuana s'élève à environ 1,2 million de personnes. Et ce chiffre ne diminue pas, bien que selon Le Monde chaque année 18.000 personnes soient traduites en justice pour consommation de marijuana.

Quelque chose a bougé dans la culture, dans l’humain lui-même, aussi bien en Russie que dans le monde."Pendant plus d’un siècle, le cannabis était cultivé en quantités industrielles en Russie, rappelle Guennadi Semikine, directeur du Centre de prévention de la toxicomanie chez les jeunes de l’université technique d’Etat de Moscou. Mais la toxicomanie était inexistante. La famille et la société parvenaient en évitant l'application de sanctions sévères à expliquer aux jeunes que la consommation de drogue est synonyme de mort, que c'est une voie sans issue. Et aujourd’hui, toutes les sous-cultures des jeunes, sous une forme ou une autre, encouragent "l’extension de la conscience"  par des moyens chimiques".

La "conscience" peut être "élargie" grâce à la littérature, la musique, le sport, l’art et la science. Mais tous ces moyens traditionnels ne sont guère considérés comme populaires au sein des jeunes générations pour de nombreuses raisons. La littérature, l’art et la science rapportent peu d’argent. Par contre, les drogues rapportent un certain temps beaucoup d’argent aux trafiquants, qui deviennent souvent victimes de leurs propres drogues.

"Il s’agit du problème de la définition par les jeunes de leurs objectifs, de l’indépendance de l'évaluation de leurs succès ou de leurs échecs, estime Alexeï Skripkov, qui a consacré 20 ans de sa vie à la lutte contre les stupéfiants à Saint-Pétersbourg. Dans certains pays la situation culturelle est telle que le rejet de la drogue est pratiquement un signe d’échec. Si nous voulons éviter la même situation en Russie, il faut rétablir d’urgence le rôle éducatif de la famille, de l’école, de l’université. Aujourd’hui, l’école a renoncé à l’éducation des enfants".

Les statistiques montrent que les jeunes deviennent le plus souvent toxicodépendants dès le lycée ou au début des études supérieures (la deuxième année est statistiquement la plus dangereuse). Et une fois "accoutumés", peu de toxicomanes réussissent à s'en sortir.

"Lorsqu’on propose aux condamnés de choisir entre la cure de désintoxication et la prison, malheureusement la majorité choisit la prison, déclare Tatiana Klimenko, chef du département des expertises légistes dans le domaine de la toxicomanie et de l'alcoolisme du Centre Serbsky de psychiatrie sociale et légale. Il est nécessaire de remplacer plus activement les peines par les cures et pousser les gens vers la guérison. C’est la meilleure solution pour eux et pour la société. Aux Etats-Unis, parmi les toxicomanes qui ont préféré la cure à la prison, le risque de récidive diminue de 40-45%".

En Union soviétique, la cure de désintoxication était obligatoire. Aujourd’hui, le gouvernement russe est confronté à un problème complexe : trouver le moyen de réintégrer les toxicomanes dans la société par des méthodes non punitives. La tâche est ardue. Mais la liberté en soi est une chose complexe et pénible en général.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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