Affaire Bout: une campagne médiatisée très agressive

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La puissante campagne médiatique lancée aux Etats-Unis contre l’homme d’affaires russe Viktor Bout, dont le procès a commencé mardi à New York par la sélection des jurés, n’est pas la première dans sa vie, mais c'est la première à être aussi acharnée et agressive.

La puissante campagne médiatique lancée aux Etats-Unis contre l’homme d’affaires russe Viktor Bout, dont le procès a commencé mardi à New York par la sélection des jurés, n’est pas la première dans sa vie, mais c'est la première à être aussi acharnée et agressive.

La campagne des médias américains a commencé immédiatement après la déclaration de la juge fédérale Shira Scheindlin qui, pour la première fois de l’histoire de la justice américaine, a souhaité limiter l’accès des jurés à internet, afin que l’immense vague négative, qui s’est accumulée sur le web durant les dix années de guerre médiatique des services de renseignement américains contre Bout, n’influence pas le jugement de personnes astreintes à l'impartialité et dont la décision doit être prise exclusivement sur les dossiers de l’affaire.

Comme par enchantement, les agences d’information et les chaînes américaines ont de nouveau commencé à qualifier Viktor Bout de marchand de mort, bien que cette formulation eût été proscrite par Shira Scheindlin comme contraire au principe de la présomption d’innocence.

Ensuite, on a assisté à de véritables " miracles" : une présentatrice sur la chaîne CNN USA, diffusée aux Etats-Unis et sur internet, a qualifié Viktor Bout de "trafiquant d’armes et de drogues célèbre dans le monde entier". Auparavant, la presse américaine et de certains pays européens traitaient Bout de "plus grand trafiquant d’armes", mais personne n’avait encore eu l’idée de l’accuser de trafic de stupéfiants. Même les agents du service américain de lutte contre la drogue (DEA), qui ont organisé un traquenard contre Bout à Bangkok, n’avaient pas eu cette idée.

Depuis 2001, hormis la lutte contre les stupéfiants la DEA est également chargée du terrorisme, et c’est le département antiterroriste de ce service qui a tenté de  convaincre Viktor Bout de vendre aux Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) d’innombrables systèmes antiaériens pour abattre des hélicoptères transportant les équipages américains qui opèrent sur le territoire colombien.

L’homme d’affaires russe a été accusé sur la base des enregistrements illégaux des négociations entre Bout et les "indics"  de la DEA, réalisés à Bangkok, de préparation de conspiration visant à tuer des citoyens et des militaires américains, à vendre des moyens de défense antiaérienne et à aider financièrement une organisation terroriste étrangère.

Aux Etats-Unis et en Union européenne, les FARC sont considérées comme une organisation terroriste. Ni l’ONU, ni la Russie, ni la Thaïlande, où Bout a été appréhendé, ne les reconnaissent comme telle. Mardi, sur la même chaîne, "l’expert de la CNN pour les questions juridiques"
a déclaré que lors du premier interrogatoire en mars 2008 Bout avait fait ses aveux complets devant les agents de la DEA, mais qu’au tribunal ce fait n’aura aucune importance, car sur la demande de la défense de Bout, la juge Shira Scheindlin a interdit d’utiliser les éléments du premier interrogatoire au tribunal, comme obtenus illégitimement et sous la menace. En effet, la juge Scheindlin a interdit à l’accusation d’utiliser les éléments du premier interrogatoire. Cependant, ils ne contenaient aucun aveu.

L’agence RIA Novosti est en possession d'une copie de ce document. Pendant l’interrogatoire Bout a exigé la présence de son avocat et du consul de Russie, et il a refusé de déposer en leur absence. De plus, il a déclaré que depuis le début il ne croyait pas que les gens qui cherchaient à le rencontrer étaient de véritables représentants des FARC.

Comment expliquer les "erreurs" dans les arguments de la plus grande chaîne américaine?
Et comment expliquer le fait que dans les reportages et les analyses de la chaîne CNN diffusés à Bangkok, Moscou et dans d’autres pays ces "erreurs"  ne soient pas mentionnées?

En fin de compte, comment expliquer le fait que les médias américains continuent à citer les rapports des groupes d’expertise du Conseil de sécurité des Nations Unies qui (chose que la majorité ignore) n’ont aucune force juridique? Les rapports dans lesquels Viktor Bout (sans aucune preuve, comme l’a montré une analyse minutieuse de tous les rapports où il est cité) est qualifié de chef d’un réseau clandestin mondial de trafic d’armes – précisément lorsque commence le procès, où le recours à ces rapports est interdit par la juge comme pouvant influer négativement sur l'impartialité des jurés?

La réponse semble évidente : il est possible d’interdire aux jurés de chercher des informations sur Bout sur internet sous peine de sanctions administratives et pénales. Mais il est impossible de débrancher leurs postes de TV à la maison par décision du tribunal.

Ceux qui dirigent les efforts des médias visant à désinformer les jurés dans l’affaire Bout ont des moyens presque illimités pour le faire. Ils poursuivent également un objectif "pieux" - même si la DEA et le Parquet américain savent parfaitement que les rumeurs concernant l’ampleur de l’activité de Bout sont très exagérées, ils doivent défendre le prestige des Etats-Unis. Il n’est possible de le faire dans l’affaire Bout qu’en infligeant un blâme à la Russie, qui a déclaré à maintes reprises que l’arrestation de l’homme d’affaires à Bangkok et son extradition aux Etats-Unis étaient illégales.

Les désinformateurs ont également pour but de défendre l’honneur de l’uniforme de la DEA, qui a dépensé des dizaines de millions de dollars entre 2001 et 2008 pour mettre la main sur Viktor Bout, qui était durant tout ce temps à Moscou, puis encore plusieurs dizaines de millions de dollars dans les provocations qui ont conduit à son arrestation à Bangkok puis à l’extradition vers les Etats-Unis pratiquement en dehors du champ juridique.

Aux Etats-Unis, certains experts de la sécurité nationale ont déjà commencé à parler d'actions infondées et contreproductives de la DEA lors de l’arrestation et de l’extradition des citoyens étrangers présumés coupables d’un crime "à caractère terroriste" contre les Etats-Unis.

L’affaire Bout pourrait être primordiale dans la question de la conservation du budget gigantesque de la DEA alloué à la lutte contre le terrorisme.

Les seuls contrepoids à tout cela dans le procès à New York demeurent la constitution américaine qui garantit un procès juste à tout individu accusé de crime, la conscience de la juge, le professionnalisme des avocats et la capacité des jurés à distinguer la vérité du mensonge des agents américains dans le volumineux (plusieurs milliers de pages) dossier de l’affaire.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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