François Hollande et l'avenir de l'Europe

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L'establishment européen s'est figé dans un suspens tendu. L'élection présidentielle en France est toujours un grand événement pour le Vieux Continent, car Paris est le berceau de l'intégration européenne, et l'orientation de l'Europe unie dépend significativement de la position française.

L'establishment européen s'est figé dans un suspens tendu. L'élection présidentielle en France est toujours un grand événement pour le Vieux Continent, car Paris est le berceau de l'intégration européenne, et l'orientation de l'Europe unie dépend significativement de la position française.

Cette fois, la mise est encore plus grande. L'Europe lutte contre la crise de la zone euro, et du président sortant Nicolas Sarkozy dépend le succès du pacte budgétaire – plan de durcissement de la discipline financière dans les pays de la zone euro considéré comme pratiquement la dernière chance de sauvetage de l'union monétaire.

Quoi qu'il en soit, c'est la conviction des dirigeants des puissances européennes (l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni) qui se sont conduites de manière inhabituelle pendant la campagne présidentielle en appuyant l'un des candidats dans la course présidentielle. Et Angela Merkel a carrément participé à la campagne de Sarkozy en se rendant à Paris et en annonçant publiquement les préférences de Berlin.

L'utilité des préférences des élites politiques européennes pour le président sortant est discutable. Les électeurs de tout pays apprécient peu lorsque des étrangers, même des pays les plus proches et les plus amicaux leur dictent leur conduite.

Cependant, l'Union européenne a trop peur de dévier du cap désigné, qui de l'avis général est sans alternative, et elle ne veut être subordonnée à l'opinion des électeurs. Elle a peur à un tel point qu'elle risque depuis le début de détériorer les relations avec le nouveau président si François Hollande s'impose.

Le fait que le candidat socialiste, qui a recueilli le plus grand nombre de voix au premier tour et est le favori selon les sondages pour remporter le second, a promis de revoir les conditions du pacte budgétaire conçu par Sarkozy et Merkel. Il s'oppose à l'idéologie actuelle du règlement de la crise financière et de la dette en UE, en disant qu'il est temps de mettre fin aux mesures d'économie draconiennes imposées par l'Allemagne. Les pays d'Europe n'ont pas besoin de la terreur fiscale, mais de la stimulation de la croissance.

Si Paris renonçait effectivement à soutenir le pacte approuvé par la majorité des pays de l'UE, la zone euro risquerait de connaître un nouveau cycle de crise avec des conséquences imprévisibles, avant tout pour des raisons psychologiques. L'entente relative sur le pacte budgétaire permettrait de calmer les marchés en donnant l'impression qu'une solution a été trouvée.

Toutefois, on ignore dans quelle mesure Sarkozy s'apprêtait à remplir les conditions des accords, dont il est l'initiateur. Après la prise de la décision fondamentale, le président français a déclaré à plusieurs reprises qu'il ne pouvait être question de restriction des droits souverains du pays dans le domaine budgétaire.

Cependant, c'est précisément l'idée du pacte – tout Etat, y compris les puissances, doit être subordonné à l'Union et fera l'objet de sanctions en cas de violation de la discipline budgétaire. Mais on a immédiatement commencé à assouplir les règles. Ainsi, au lieu d'appliquer automatique les sanctions prévues en cas de dépassement des plafonds de déficit et de dette publics autorisés une autre procédure prévoyant la possibilité d'éviter des mesures punitives a été adoptée.

Evidemment, l'assouplissement concerne avant tout "les plus grands", et personne n'a l'intention d'être indulgent avec la Grèce ou la Hongrie, mais les infractions commises par la France et l'Allemagne seront traitées avec bien plus de délicatesse.

Evidemment, la rhétorique pendant la campagne et après l'élection au poste présidentiel n'ont rien à voir. En arrivant au palais de l'Elysée, Hollande sera confronté à de nombreux problèmes, qu'il n'est pas habitué à résoudre, car la seule détermination ne suffit pas.

L'un des principaux arguments de Sarkozy est que son rival n'a aucune idée de la gestion. Contrairement au président qui a occupé de nombreux postes administratifs municipaux et régionaux, Hollande est un simple fonctionnaire de parti. Il a fait carrière dans l'appareil central du PS, y compris en travaillant avec le seul président socialiste de la Ve République François Mitterrand.

Les mauvaises langues disent que le vote d'aujourd'hui est une caricature de l'élection qui a eu lieu plus de 30 ans auparavant, lorsqu'en 1981 le président-gaulliste Valéry Giscard D'Estaing était en course pour un second mandat et s'est incliné face à Mitterrand. Aujourd'hui, aucun des deux candidats n'est à la hauteur de leurs prédécesseurs, mais la disposition est la même et le résultat pourrait être identique.

Il est tout à fait possible qu'après son élection Hollande revienne progressivement sur le chemin européen habituel, dont la direction est prédéterminée par la coopération franco-allemande. Après tout la France dépend énormément de la situation paneuropéenne, et faire tanguer la barque en proposant des approches "révolutionnaires" pourrait avoir un effet boomerang contre Paris.

D'autant plus qu'en principe François Hollande est un homme politique modéré et prudent, cherchant à éviter les situations difficiles. Cependant, la somme des différends politiques et personnels conduira finalement au refroidissement des relations avec Berlin, des tournants inattendus pourraient attendre l'Europe.

En fait, l'avenir de l'intégration européenne dépend directement des futures relations entre la France et l'Allemagne. Depuis le début de l'unification il y a plus de 60 ans, leur entente a été la clé du succès et le garant du franchissement des obstacles.

Supposer que Paris et Berlin se retrouveront réellement de chaque de la barrière en ce qui concerne l'avenir de la construction européenne signifierait marcher sur un champ de mine, car l'effondrement de cet axe annulerait les principes fondamentaux de l'Europe après-guerre.

Par la force des choses l'Allemagne est déjà propulsée vers les positions de leader, qu'elle ne veut pas assumer, mais auxquelles elle n'a plus le droit de renoncer. Cependant, dès que les Allemands font le moindre geste supposant des actions décisives, tous les voisins deviennent méfiants en raison de leur triste expérience historique.

Et le rôle de la France est central, car son attitude positive envers l'Allemagne est le garant pour tous que le passé ne se répétera pas. Si pour des raisons quelconques cette attitude changeait, l'atmosphère en Europe pourrait brusquement s'assombrir.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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