Navires chinois en eaux japonaises : qui est responsable et que faire

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Six navires de surveillance chinois ont navigué en eaux japonaises près des îles Senkaku - appelées par la Chine Diaoyu.

Six navires de surveillance chinois ont navigué en eaux japonaises près des îles Senkaku - appelées par la Chine Diaoyu. Ce n'est bien sûr pas une guerre, plutôt une démonstration. Mais de quoi ? Dans un litige de longue date, c'est toujours celui qui fait un mouvement brusque qui a tort. Mais si ce geste est tout de même fait…

Sans demander la permission à Obama

Les îles Senkaku délimitent la frontière septentrionale de l'archipel japonais – une sorte de miroir des Kouriles, au nord du Japon. Seule différence : les îles Senkaku sont physiquement contrôlées par Tokyo.

Qui est responsable de ce partage ? Les Américains. Après la Seconde guerre mondiale, le Japon devait perdre les deux îles – ou au moins Senkaku – et l’on envisageait même, pour se faire, d’emprunter la manière douce.

Le litige russo-japonais sur les Kouriles, par exemple, pouvait être réglé en 1956. Les deux pays auraient alors montré au monde un exemple positif : en cas de conflit, la solution est de partager le territoire convoité en deux. Les Etats-Unis ont empêché cette stratégie en faisant pression sur Tokyo, puis ils ont conclu un traité de sécurité américano-japonais, en 1960 (toujours en vigueur), garantissant au Japon un "parapluie nucléaire" contre ses voisins, l'URSS et la Chine.

Les îles Senkaku faisaient partie des territoires de la préfecture d’Okinawa occupés par les USA, redonnés au Japon sans avoir conscience que le pays devait en retourner une partie  aux Chinois à l'issue de la Seconde guerre mondiale. Au final, ces deux "bombes" territoriales se sont transformées en prétextes de conflit.

Aujourd'hui, la situation est complètement différente. Imaginons les sentiments du candidat Barack Obama, par exemple, qui enverrait un escorteur pacifique dans le sud du Japon à titre d'avertissement pour les Chinois. Ce serait jouer avec le "feu nucléaire" de la Chine. Et s'il n'y avait pas, dans le même temps, de catastrophe politique au Moyen-Orient ? Et si on ne l'envoyait pas… Et l'accord passé avec les Japonais dans tout ça ? Quoi qu'il en soit Mitt Romney, qui n'a pas la langue dans sa poche, dira tout ce qu'il pense à ce sujet.

La marine chinoise n'égalera la puissance de celle des Etats-Unis avant longtemps. Mais elle n'en a pas besoin dans le cas présent au moins pour une raison, à première vue secondaire.

Taïwan, surnommé le "porte-avions américain" et autrefois considéré comme "insubmersible" dans ces eaux, ne voudra pas aider les Etats-Unis dans cette histoire. Le président taïwanais a déjà déclaré à ce sujet que Diaoyu était un territoire chinois, et Chinois à part entière.
 Les habitants des zones situées entre Pékin et Taipei trouveront bien un terrain d'entente puisque personne, de toute façon, n'a demandé l'avis ni des Japonais ni des Américains.

Qui a commencé

Qui est le plus en tort ? La question est complexe. Pourquoi Pékin a-t-elle envoyé des navires militaires dans ces eaux contrôlées par le Japon? Parce que la veille, le gouvernement japonais avait décidé de racheter ces rochers inhabitables à un propriétaire particulier. Bien sûr, tout cela s'est passé en conformité avec la juridiction japonaise mais cela fait tout de même une différence. Un individu, c'est un individu - mais tout un Etat…

Pourquoi les Japonais ont-ils agi ainsi ? Parce que le 14 août, les Chinois et les Taïwanais envoyaient déjà vers Diaoyu une flottille de militants civils, pour rappeler à Tokyo ce litige territorial. Et pourquoi les deux équipages chinois l'ont fait ? Parce que…

Et pourtant, les peuples asiatiques montrent depuis longtemps l'exemple quand il faut régler ce genre de questions complexes.

En 1972 débutait la normalisation sino-japonaise, conclue par des accords en 1978. Une partie de ces textes stipulait justement qu'on ne touche pas aux îles contestées ni qu'on ne change leur statut. Décision était prise de laisser le problème aux futures générations. Et personne n'y a touché, ce que Pékin rappelle aujourd'hui au Japon. D'ailleurs, la situation était presque semblable à celle de nombreux territoires litigieux en mer de Chine méridionale : tous étaient conscients que les îles resteraient en possession de ceux qui les contrôlaient au moment présent et surtout, que l’on respecterait ces règles de conduite dans les situations sensibles. Aujourd’hui, la zone connaît conflit sur conflit.

Qu'est-ce qu'a changé ? Le fait que le monde bipolaire américano-soviétique soit aujourd’hui sino-américain ? Ou que les Etats-Unis encouragent tous les pays d'Asie à taquiner la Chine pour changer l'équilibre à son avantage dans le monde futur ? En effet, mais il existe un autre problème.

Qui commence les guerres ?

La thèse classique de l'idéologie marxiste était que les guerres sont initiées par les gouvernements impérialistes mais qu’elles n'apportent rien aux peuples. C'était peut-être le cas en 1914 mais aujourd'hui, la situation est quelque peu différente.

Les discussions avec des diplomates chargés du règlement des nombreux conflits maritimes en Asie arrivent toujours à la même conclusion. Il n’y aurait pas d’obstacle à ce que  les Japonais parviennent une nouvelle fois à un accord avec les Chinois - ou avec les Sud-coréens, qui sont dans une situation identique avec le Japon pour les îles Dokdo, ou Takeshima. Les diplomates savent le faire, qu'ils soient japonais, chinois ou représentants d’un autre pays de la zone.
Mais souvent, ils désespèrent face aux gouvernements faibles ayant une dépendance excessive de l'opinion publique, notamment avant les élections. Et cette dernière préfère la fermeté au consensus de la part de ses dirigeants.

Et qu'en est-il de la thèse antimarxiste selon laquelle les peuples commencent les guerres et les gouvernements les terminent ?

Le gouvernement japonais aurait pu ne pas racheter ces îles contestées à un particulier mais ce dernier aurait, peut-être, simplement été destitué.

Les autorités chinoises… vous dites que leur chef d'Etat est élu comme en Allemagne, par un vote loin d'être populaire ? Mais il existe une opinion publique en Chine, et une activité civile – notamment concernant les Japonais, les étrangers et l'humiliation nationale.

Il suffit de regarder aujourd'hui ce que disent les médias des deux pays au sujet de l'histoire insulaire en Chine.

Les Chinois organisent constamment des manifestations et des émeutes, principalement lorsqu'on les prive d'un terrain pour la construction d'un complexe d'habitations ou quand des ouvriers se retrouvent à la rue. Ils n’hésiteraient pas à le faire contre les Japonais. Et l’on a déjà mentionné où les concurrents politiques et les électeurs américains poussaient Barack Obama...

En effet, l'époque a changé, et pas en mieux. Il est peut-être temps de dire ouvertement à ceux qui veulent être de véritables citoyens que la citoyenneté implique la responsabilité et le fait d'être informé - soit la capacité de lire des textes de plus de trois lignes. Il est peut-être temps de limiter le pouvoir absolu de la presse en matière d'encouragement du public à l'agression.
Et pendant ce temps, les diplomates tiennent un front fragile de neutralité dans les litiges territoriaux.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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