Faut-il diaboliser Depardieu?

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Les intellectuels libéraux russes ont un nouvel antihéros: Gérard Depardieu. Les propos de Gérard Depardieu sur la politique russe me paraissent parfois naïfs mais je suis content d'être devenu le compatriote d'une star de cette pointure sans changer de citoyenneté.

Les intellectuels libéraux russes ont un nouvel antihéros: Gérard Depardieu. Les propos de Gérard Depardieu sur la politique russe me paraissent parfois naïfs mais je suis content d'être devenu le compatriote d'une star de cette pointure sans changer de citoyenneté. C’est lui qui est devenu Russe - il est aujourd’hui enregistré à Saransk.

La Russie doit briser les stéréotypes obsolètes qui pèsent sur elle à l’étranger. Selon moi, la naturalisation de Gérard Depardieu montre justement que ce processus avance aussi lentement qu'une tortue et reste pratiquement imperceptible, mais qu’il avance. Et si aujourd'hui tout ne change pas de façon radicale, d'ici 15 à 20 ans nous verrons les fruits de ce progrès.

Je me suis retrouvé en 2007 à Naples, en compagnie d'un guide local instruit et convivial. Cet Italien joyeux ne s'est pas arrêté à la présentation des curiosités connues de la ville: la cathédrale, le musée archéologique ou le palais de Capodimonte.

Ce brave guide m'avait amené en plein centre du quartier où régnait la mafia locale. "Ne fais pas attention aux apparences pacifiques, me disait-il pendant notre promenade dans les rues étroites pleines d'enfants hurlant. Les policiers évitent de se rendre ici après le coucher du soleil. Est-ce que vous avez vu qu'en passant j'ai dit à un "parfait inconnu" qui vous étiez et pourquoi vous étiez ici? C'était un "surveillant" de la mafia. On nous observe très attentivement depuis que nous avons pénétré dans le quartier!"

L'intrépidité a quitté mon courageux guide quand il a commencé à partager ses impressions sur son récent voyage en Russie, le premier de sa vie. "C'est si effrayant à Moscou. Je me promenais sur le boulevard Smolenski et je m'attendais à être tué ou pillé d'une seconde à l'autre!"

Heureusement, le voyage de mon nouvel ami italien dans la capitale russe s'est déroulé sans incident. Mais il ne reviendra plus jamais à Moscou – il a trop peur! Alors que Naples est calme, sûre, et même un guetteur de la mafia est ton frère et ami.

Bien sûr, il s’agit ici d’un exemple presque anecdotique des stéréotypes au sujet de la Russie. Mais c'est bien le problème: l'étendue des stéréotypes obsolètes ou sauvages sur la Russie a atteint une ampleur vraiment folle. Le nombre de touristes étrangers venant en Russie est extrêmement bas à l'échelle mondiale et les communiqués des médias étrangers sur les événements en Russie sont en général une panoplie standard de mauvaises nouvelles.

Quelqu'un pourrait demander: pourquoi, y a-t-il des nouvelles positives en Russie? Et nous répondrions que oui, et en grand nombre.

Voici la meilleure: en dépit de toutes les embrouilles politiques et des problèmes de croissance, la Russie cesse pas à pas d'être un pays qui vit dans un univers parallèle par rapport à l'Europe occidentale.

Je vois déjà venir les objections. Comment peut-on dire une chose pareille? Laissez-moi m'expliquer. Une augmentation significative des impôts pour les personnes fortunées par le président socialiste qui vient d'arriver au pouvoir: ce n'est pas seulement la France de 2012; c'est aussi la France de 1981.

En mai 1981, le programme présidentiel du candidat socialiste François Mitterrand s'intitulait "110 propositions pour la France". Sous le numéro 34 on pouvait lire: "Instauration d'un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ".

L'ISF empoisonnait la vie des Français aisés jusqu'à l'arrivée, en 1986, du gouvernement de Jacques Chirac. Mais aucun d'eux - ni même Gérard Depardieu qui était déjà un acteur connu et riche à l'époque - n'a eu l'idée de demander la citoyenneté soviétique.

C'est absurde, absurde et encore une fois absurde. Si en 1981 en France les riches étaient "opprimés" par les impôts, en URSS la richesse était considérée comme un crime. Le réfugié fiscal Depardieu n'aurait pu compter sur rien, ni à Moscou ni à Saransk ni à Grozny.

En 2013 beaucoup pensent également que l'acte de Depardieu est absurde. Mais en prenant la citoyenneté russe, ce grand acteur n'a pas perdu en termes de niveau de vie. Lorsqu'en URSS les étrangers recevaient la citoyenneté soviétique, on les expulsait des hôtels Intourist (hormis les personnalités les plus émérites) pour les installer dans des appartements communautaires misérables. L'adoption de la citoyenneté soviétique était, à l'époque et même plus tard, un acte de folie.

Alors que l'adoption de la citoyenneté russe par Depardieu n’est qu’un acte extravagant. Le grand comédien s'est laissé emporter par ses émotions, notamment après les déclarations du premier ministre français à son égard. Il a pris la citoyenneté d'un pays dont le gouvernement, au contraire, l'apprécie et le respecte. Depardieu n'a rien perdu, hormis le respect d'un certain nombre d'intellectuels.

Son acte est un important facteur psychologique, une sorte de système d'avertissement. La Russie revient progressivement sur la carte de la "vie civilisée". Certes, très lentement, mais elle devient un pays où on peut non seulement "vivre et lutter" mais aussi simplement vivre. Gérard Depardieu a peut-être mis la charrue avant les bœufs mais il est précisément un grand comédien pour ressentir plus tôt ce en quoi les autres refusent catégoriquement de croire. Quoi qu'il en soit, c'est en cette interprétation précise des actes de Depardieu que je voudrais croire.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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