La montée de l'influence américaine dans le monde dans la première décennie du XX siècle est liée à la personnalité de Theodore Roosevelt. Sous sa présidence (1901-1909) les Etats-Unis sont devenus une puissance mondiale au sens propre du terme. Il affirmait que " l'Amérique était obligée d'étendre son influence dans le monde ". Le Monténégro a démontré sa volonté de l'aider en la matière.
A l'époque le Monténégro se trouvait sous le pouvoir autocratique du prince Nicolas Ier de Monténégro et sous la protection de l'Empire russe.
Cependant après l'arrivée au pouvoir en Serbie en 1903 des Karageorges pro-russes la Russie a perdu son intérêt pour le Monténégro et a tablé sur la Serbie dans sa politique dans les Balkans. A cette époque le mouvement pour l'unification de deux Etats serbes, le Monténégro et la Serbie, gagnait en vigueur et le prince Nicolas Ier, qui le considérait comme une menace personnelle, a compris qu'il fallait chercher un nouveau protecteur.
En 1909 l'ambassadeur des Etats-Unis au Monténégro Richmond Pierson a exposé dans un rapport la proposition du prince monténégrin au président américain William Taft. Le premier ministre du Monténégro Lazar Tomanovic a communiqué que " le prince et le parlement étaient disposés à céder aux Etats-Unis sur une base permanente et sans compensations, conditions et retards le golfe de Valdanos et un territoire attenant d'une superficie de 15-20 milles carrés. Nous sommes prêts à le faire pour donner aux Etats-Unis une base navale et une station de livraison de charbon dans les eaux européennes ".
La proposition a surpris Pierson : " Je me suis écrié, pris d'étonnement : votre excellence, le Monténégro a décidé de dépasser l'Amérique en générosité. Vous possédez seulement 30 milles de la ligne côtière et vous êtes prêts à renoncer à près d'un quart ! Mon gouvernement l'apprécie hautement et vous remercie, mais sa décision finale dépendra de l'analyse minutieuse des conséquences à long terme que cet accord peut entraîner. J'ai pensé alors que quelque chose en ce genre serait incroyable à Downing Street ou dans les bureaux de Vienne ou de Berlin ".
Le Département d'Etat s'est adressé au Département de la Marine au sujet de la proposition du Monténégro. Le Département de la Marine a décidé que les Etats-Unis n'avaient pas besoin d'une telle base car ils ne possédaient pas des bases navales permanentes en Méditerranée. " Des stations de charbon n'étaient pas non plus nécessaires car à présent la flotte et même de petites escadres étaient ravitaillées par des navires spéciaux et non pas par des stations ".
Mais l'histoire a eu une continuation. Lors d'une visite d'un nouveau ambassadeur américain à Cetinje en juin 1911 le prince Nicolas Ier a proposé à l'Amérique une ville sur la mer Adriatique : Ulcinj. L'ambassadeur a écrit au secrétaire d'Etat : " Après mon arrivée à Cetinje le vieux roi m'a fait venir et m'a dit :
" Je propose aux Etats-Unis un bail de 90 ans pour le port d'Ulcinj avec toutes les terres attenantes pour construire une station de charbon, une base navale ou à toute autre fin choisie par les Etats-Unis. Nicolas a voulu que sa proposition soit transmise directement au président comme un message secret d'un chef d'Etat à un autre ".
Les spécialistes américains ont analysé la proposition du Monténégro et ont conclu que l'Autriche et l'Italie étaient les principaux " candidats " à l'annexion du Monténégro. C'est pourquoi les autorités de ce dernier croyaient que la présence d'une flotte américaine sur son littoral pouvait garantir la sécurité. Cependant dans sa lettre au prince monténégrin de 1911 le président Taft a remercié " pour ce signe d'amitié envers les Etats-Unis et a communiqué que la politique et les besoins actuels des Etats-Unis ne permettaient pas au gouvernement d'accepter cette offre généreuse ".
Tel est l'épilogue de cette proposition extraordinaire du Monténégro faite au début du XX siècle. Peu après le prince Nicolas a perdu son trône, mais cent ans plus tard de nouveaux gouvernants du Monténégro font aux Etats-Unis des propositions similaires. Rien ne change...
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