Vers une CIA européenne?

© REUTERS / Yves HermanSoldats armés à l'extérieur du Parlement européen, Bruxelles, Belgique, le 17 nov. 2015.
Soldats armés à l'extérieur du Parlement européen, Bruxelles, Belgique, le 17 nov. 2015. - Sputnik Afrique
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La France et la Belgique parlent de "Lancer une initiative" ... Les neuf pays européenne les plus menacés par le terrorisme veulent s’accorder sur un moyen d’intensifier l’échange de renseignements. Sommes-nous en route vers une CIA européenne?

La France et la Belgique vont organiser dans les prochaines semaines un sommet bilatéral: les ministres des deux pays en charge des questions de sécurité devront s'accorder sur des engagements opérationnels et concrets en termes d'échanges de renseignement. Il n'est pas nécessaire de rappeler l'urgence de la situation: même si la collaboration est déjà soutenue entre les deux pays, elle n'a pas été à la hauteur des derniers temps. La faute à un cadre parfois trop restrictif, selon Claude Moniquet, ancien journaliste et agent de la DGSE, actuellement directeur de l'European Strategic Intelligence and Security Center à Bruxelles:

Pour le moment, il y a quand un même un travail déjà très intense qui se fait entre la Belgique et la France, d'échange de renseignements, entre la police et les services de renseignement, entre les justices. Mais dans un cadre qui est restrictif: par exemple, dans le cas du 13 novembre, les terroristes étaient venus de Belgique étaient connus des autorités belges, mais les autorités belges n'avaient pas la possibilité de donner leurs noms aux autorités françaises parce que c'était des gens qui étaient suspectés d'être radicaux mais qui n'avaient pas commis de crime ou de délit, donc on ne peut pas transmettre comme ça de liste simplement de suspects. Ce n'est pas possible. Donc ça, c'est quelque chose qui faut changer, mais ça nécessite un changement légal: il faut prévoir qu'on a le droit d'échanger des informations sur des personnes qui n'ont pas été condamnées et qui sont du renseignements et pas des informations judiciaires.

Il faut un changement légal. Et ce ne sera pas chose simple à priori. Si les dirigeants européens s'accordent sur le même objectif à atteindre: collecter des informations sur personnes qui se radicalisent et prévenir les attentats, ils ne s'entendent pas encore sur les nouveaux moyens à déployer. Le Premier Ministre belge Charles Michel propose de crée une CIA Européenne. Plus que de l'échange de renseignement, il faudrait mettre en place une agence européenne qui suppléerait ou supplanterait les services nationaux. Trop long et trop compliquer à mettre en place, selon Claude Monniquet:

Moi je suis favorable à l'échange de renseignement, mais je suis assez d'accord avec les allemands sur l'idée de la CIA européenne, ça, ça, ne marchera pas, c'est une fausse mauvaise idée, elle ressort de temps en temps mais ça ne marchera pas. Echanger les informations entre des services c'est une chose, créer une espèce de super service européen ça ne marchera pas parce que nos cultures et nos lois sont différentes. Et déjà, pour échanger le renseignement il va falloir changer beaucoup de choses. Maintenant, si on veut avoir un service international européen, le chantier juridique ça va durer des années et on n'a pas ce temps. Parce que nos cultures sont différentes, parce que nos cultures du renseignement sont différentes, nos cadres légaux sont différents, donc il faudra tout adapter, et fatalement l'adaptation elle va se faire sur le plus petit dénominateur commun. Ce sera un service qui, objectivement, ne servira à rien. Donc je crois que c'est une mauvaise idée.

Une CIA Européenne serait chantier juridique qui durerait des années. Contraire donc à la volonté du ministre belge Charles Michel de créer une structure le plus vite possible. L'idée d'une agence de renseignement à l'échelle européenne ne séduit pas que les belges, mais aussi le Commissaire européen chargé des Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos. L'Allemagne et Bernard Cazeneuve se montrent, eux, réticents. Pourtant, dès juin 2014, la Belgique a alerté la France, la Belgique, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Espagne, l'Irlande et la Suède, sur le manque de communication multilatérale:

C'est certainement quelque chose qu'il va falloir faire. C'est un des principaux problèmes du 13 novembre: toutes ces personnes étaient connues soit des français, soit des belges mais personnes n'a pu mettre face à face les informations qui venaient des deux pays. Et qui aurait peut-être, peut-être, permis de les repérer avant qu'ils ne passent à l'acte. Donc, c'est sûr que c'est une chose qui doit changer. Maintenant je ne sais pas si elle va changer, parce qu'après ça passe par le parlement et au parlement il peut y avoir des députés qui ne veulent pas voter ce genre de loi.

Pourquoi la France a-t-elle fait la sourde oreille? Ce n'est pas de la mauvaise volonté, selon notre expert, mais l'absence d'un cadre légal clair:

Pour les mêmes raisons je pense, c'est dans les deux sens. Les belges effectivement n'ont pas communiqué aux français les informations qu'ils avaient sur des ressortissants belges ou français vivant en Belgique et qui étaient radicalisés, donc on a eu les attentats du 13 novembre. Mais un an auparavant, les français savent que Medhi Nemouche, qui est français, qui est dangereux, est revenu de Syrie en Europe et ils ne vont pas le dire aux belges. Et Medhi Nemouche s'installe à Bruxelles et va frapper le musée juif de Bruxelles. Donc c'est dans les deux sens. Plus que de la mauvaise volonté, je crois que c'est l'absence d'un cadre légal clair qui autorise d'avantage l'échange de renseignement. C'est plus de ça qu'on a besoin.

Mettre en place un fichier commun qui regroupe des informations confidentielles sur le terrorisme soulève beaucoup de questions. Certains pays ne veulent pas échanger leurs sources, craignant de mettre en péril leurs partenaires. Si le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maiziere est si persuadé que la création d'une CIA européenne serait «gaspillage d'énergie », est-ce parce que les services allemands ont coopéré avec une autre grande agence américaine, la NSA, et qu'un changement dans les rapports de forces pourrait opérer?

Alors ça, c'est un autre problème: la coopération des allemands avec la NSA c'est quelques chose qu'il faudra un jour creuser mais c'est un des exemples des difficultés qu'on peut avoir. On a des intérêts communs dans la lutte contre le terrorisme et il y a d'autre domaine dans lesquels manifestement nos intérêts que ce soit entre la France et l'Allemagne ou entre la France et l'Angleterre, ou la France et la Belgique, ne sont pas les mêmes. Donc, je ne pense pas qu'il faut se lancer dans un grand chantier parce qu'on y arrivera pas et que si on y arrivait, ça prendrait des années. Après, effectivement, il peut y avoir des cas spécifiques comme la collaboration entre les allemands et les américains sur certains domaines. Ça n'a pas empêché les américains d'écouter Mme Merkel.

Harmoniser le renseignement sur le plan européen passe t il part la création d'une agence européenne de renseignement? Si tous les hommes politiques ne soutiennent pas l'idée d'une CIA sur le vieux continent, le constat est le même: il est indispensable d'intensifier l'échange multilatérale de renseignements pour éviter les catastrophes du musée juif de Bruxelles et les attentats de Paris. Echanger vite, échanger mieux: car les méthodes terroristes aussi sont en évolution. D'autres idées sont à l'étude, comme le port du bracelet électronique pour les personnes fichées pour radicalisme. Pour l'heure, la date du sommet bilatéral sur la sécurité n'est pas connue.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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