Attaque terroriste à Vienne: après la France, au tour de l’Europe?

© REUTERS / LEONHARD FOEGERAttaque à Vienne, le 2 novembre 2020
Attaque à Vienne, le 2 novembre 2020 - Sputnik Afrique
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La décapitation de Samuel Paty le 16 octobre, l’attaque meurtrière de Nice ce 29 octobre puis la campagne de boycott dirigée contre la France pour sa défense des caricatures ne laissaient pas augurer l’attaque islamiste contre l’Autriche. Pourtant, c’est l’ensemble de l’Occident qui est visé, explique Alain Rodier, spécialiste du terrorisme.

La France n’est finalement plus seule dans la souffrance. Alors que l’Hexagone se remet à peine des lourdes attaques islamistes sur son sol, l’Autriche est à son tour frappée: dans la nuit du 2 novembre, Vienne a subi un attentat djihadiste qui a fait au moins quatre morts et une quinzaine de blessés.

Originaire de Macédoine du Nord et «sympathisant» du groupe djihadiste État islamique* selon le gouvernement, Kujtim Fejzulai, déjà condamné en 2019 pour avoir tenté de rejoindre la Syrie, a frappé en plein cœur de la capitale, près d’une synagogue, de l’opéra et de plusieurs restaurants. Armé d’un fusil d’assaut et d’une ceinture d’explosifs factice, l’assaillant a été tué par la police après avoir tiré sur des passants.

«La France est une cible privilégiée»

Les réactions internationales ne se sont pas fait attendre. La chancelière Angela Merkel a souligné que «le combat contre ces assassins et leurs instigateurs est notre combat commun», Donald Trump que «les États-Unis se tiennent aux côtés de l’Autriche, de la France et de l’Europe tout entière dans le combat contre les terroristes, y compris les terroristes islamiques radicaux» et Emmanuel Macron a déclaré que «l’Europe est en deuil». Le Président de la République s’est même rendu ce 3 novembre à l’ambassade d’Autriche à Paris afin d’apporter «son soutien inconditionnel au peuple autrichien.»

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Premiers éléments sur l'identité de l’assaillant tué pendant l'attentat de Vienne
Le choix de l’Autriche par les djihadistes interroge toutefois, car le pays avait été relativement épargné jusqu’à présent par les attentats islamistes. L’AFP recense seulement deux cas solitaires, un jeune islamiste en 2018 qui avait attaqué au couteau à Vienne un membre des forces de l’ordre avant d’être abattu, puis en 2017, un homme originaire de Tunisie qui a tué un couple à Linz, déclarant se sentir discriminé en tant qu’étranger et musulman. Interrogé par Sputnik, Alain Rodier, chargé de l’étude du terrorisme au sein du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), explique que «les terroristes ont généralement frappé toujours la civilisation occidentale» et c’est donc en tant que «pays européen et occidental» que l’Autriche a été visée.

La vague terroriste qui s’est abattue sur la France au mois d’octobre et l’immense polémique sur les caricatures de Mahomet qui s’en est suivie semblent avoir occulté le fait que l’Europe tout entière est la cible régulière d’attentats. Attaquée pour sa défense de la laïcité, la France est également dans le collimateur pour son intervention dans le Sahel. L’ancien officier supérieur des services de renseignement extérieurs le confirme au micro de Sputnik:

«Il est vrai que la France est une cible privilégiée parce que nous sommes à la pointe du combat anti-djihadiste, en particulier à l’heure actuelle au Sahel. Ces derniers jours, il y a eu d’ailleurs une opération remplie de succès, puisque 50 djihadistes ont été neutralisés. Il est donc vrai que la France est visée, mais pas qu’elle.»

Celui-ci considère toutefois que la France et ses médias ont oublié «que nos voisins étaient régulièrement attaqués, je pense en particulier à la Grande-Bretagne, je pense à l’Allemagne», des pays qui subissent régulièrement des attaques au couteau.

Vers une communauté européenne du renseignement?

Le 4 octobre à Dresde, un jeune Syrien assassinait au couteau un touriste allemand, un acte pour lequel le gouvernement allemand dénonçait la «menace permanente» de la «terreur islamiste». Londres est aussi dans le viseur des islamistes: la capitale britannique a été confrontée à plusieurs attaques terroristes, notamment celle du London Bridge en novembre 2019, qui a fait deux morts. En mai 2017, un djihadiste s’est fait exploser au concert d’Ariana Grande à Manchester, faisant 22 tués.

Alain Rodier évoque également le cas de la Belgique, durement touchée en mars 2016 à Bruxelles avec 32 morts ou encore les attentats de Catalogne en août 2017 avec un bilan de 16 victimes. D’autres pays en Europe tels que l’Italie sont «effectivement moins touchés», mais rien ne dit que dans l’avenir, «malheureusement ça ne peut pas leur arriver». À qui donc s’attaquent les djihadistes? La réponse du spécialiste fuse:

«Aux kouffars, c’est-à-dire aux mécréants. Puisque les djihadistes appliquent un salafisme extrêmement dur, nous, les kouffars sommes considérés comme des ennemis à abattre ou à soumettre. On est attaqués en tant que kouffars.»

Tous dans le collimateur, mais désunis pour s’en prémunir, tel est le constat déploré par Emmanuel Macron, qui a appelé à la mise en place d’une réponse européenne contre «des ennemis qui s’attaquent à ce qu’est l’Europe». Le chef de la diplomatie italienne, Luigi di Maio est allé encore plus loin que l’hôte de l’Élysée en proposant un «Patriot Act» européen, à l’image de la loi antiterroriste américaine adoptée après le 11 septembre 2001. Il a ainsi évoqué un «renforcement des contrôles sur les mosquées avec la coopération des communautés islamiques et de l’islam modéré, qui a toujours condamné» ces attaques.

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Alain Rodier le confirme, «aucun pays ne peut mener tout seul dans son coin, une lutte contre le salafisme djihadiste». Il appelle également de ses vœux à l’harmonisation des juridictions européennes afin notamment de pouvoir «extrader des suspects». La coopération des différents services de polices et de renseignement a d’ores et déjà été mise en place, mais celui-ci estime qu’elle pourrait «être améliorée». C’était le sens du discours d’Emmanuel Macron en mars 2019 auprès de responsables européens, où il préconisait la création d’une culture européenne commune du renseignement.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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