Vers l’Eurasie!

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Alexandre Latsa - Sputnik Afrique
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La semaine dernière, j’ai écrit une tribune dans laquelle je soutenais que l’Europe de l’ouest aurait intérêt à sortir du giron atlantiste pour construire une alliance économique et politique avec le bloc euro-oriental en création autour de l’alliance douanière Russie/Biélorussie/Kazakhstan.

La semaine dernière, j’ai écrit une tribune dans laquelle je soutenais que l’Europe de l’ouest aurait intérêt à sortir du giron atlantiste pour construire une alliance économique et politique avec le bloc euro-oriental en création autour de l’alliance douanière Russie/Biélorussie/Kazakhstan. Il me semble que pour une union européenne endettée, en panne d’élargissement, et très dépendante sur le plan énergétique, cette orientation pourrait apporter de nouveaux marchés à l’exportation, la sécurité énergétique, un potentiel de croissance économique important et aussi une vision politique nouvelle.

Suite a la publication de ce texte, un de mes lecteurs, David, m’a envoyé le commentaire suivant : "j'ai du mal à saisir ce que ton union eurasienne pourrait faire avec l'UE (…) Tu vois l'Europe aller jusqu'au Kazakhstan"?

La question de David est fondamentale, à mon avis. La première réponse que j’ai envie de lui faire est la suivante: L’Europe n’est pas que l’UE, dont la dernière vague d’élargissement date de 2004, et sachant qu’aucune autre vague d’élargissement n’est à ce jour sérieusement envisagée.  L’espace européen compte 51 états, et l’UE n’en est qu’à  27 membres. L’UE n’est à mon avis en rien une finalité, mais une étape dans la construction d’une grande Europe continentale, allant de Lisbonne a Vladivostok, une Europe par nature eurasiatique puisqu’étalée géographiquement en Europe et en Asie.

Les discussions sur les limites de l’élargissement de l’UE ont amené à des contradictions: La Russie ne serait pas européenne peut on souvent lire, alors que généralement pour les mêmes commentateurs, l’Ukraine, la Biélorussie ou la Turquie devraient à contrario  intégrer l’Europe. Il faudrait en effet expliquer en quoi la Russie ne serait pas européenne, si l’Ukraine, la Biélorussie ou encore la Turquie le sont. Aujourd’hui, ni l’UE à 27 en état de quasi banqueroute, ni la Russie seule n’ont cependant la force et les moyens de pouvoir faire face aux géants que sont l’Amérique sur le déclin, ou les deux grands de demain, l’Inde et surtout la Chine, quasi-assurée de devenir la première puissance mondiale au milieu de ce siècle. La Russie comme les états européens de l’ouest sont donc aujourd’hui et chacun de leur côté engagés dans une politique de création d’alliances afin de renforcer leurs positions régionales, et leur influence globale. 

Après l’effondrement de l’Union Soviétique, l’extension vers l’est de l’union européenne semblait inévitable. Cette extension, accompagnée d’un élargissement de l’OTAN, s’est faite dans un esprit de confrontation avec le monde post soviétique. Mais la renaissance de la Russie ces dernières années et le choc financier de 2008 ont lourdement modifié la situation. La crise financière terrible que connaît l’union européenne est sans doute la garantie la plus absolue que l’UE ne s’agrandira plus, laissant certains états européens sur le seuil de la porte, Ukraine en tête. Andrei Fediachine le rappelait il y a quelques jours: "En cette période de crise, peu de puissances européennes veulent penser à une éventuelle adhésion à l’UE d’un autre pays pauvre de la périphérie orientale (…l’Ukraine…) Qui plus est l’extension à un pays de près de 46 millions d’habitants qui connaît constamment une crise politique et économique". 

Quand à la Russie, membre à part de la famille européenne, il serait bien naïf de penser que sa reconstruction ne se fasse pas via une consolidation maximale des relations avec les états de son étranger proche, c'est-à-dire dans l’espace post soviétique, et dans une logique eurasiatique.

Alors que l’Europe de l’ouest sert actuellement de tête de pont à l’Amérique, qui lui impose un réel bouclier de Damoclès avec le bouclier anti-missile, il est grand temps d’envisager une collaboration entre l’Europe et l’espace post soviétique et de s’intéresser à ce qui se passe à l’est, autour de cette nouvelle union douanière animée par la Russie. La semaine dernière a d’ailleurs été riche en événements de très grande importance. La récente condamnation de l’égérie de la révolution orange à sept ans de prison a sans doute contribué à éloigner un peu plus l’Ukraine de l’union européenne et la rapprocher un peu plus de l’union douanière animée par la Russie. Pendant que le président russe se trouvait la semaine dernière en Ukraine, l’union européenne annulait une rencontre avec le président ukrainien alors même que les discussions concernant la création d’une zone de libre échange avec l’Ukraine étaient en cours. Au même moment les 11 états de la CEI (l’Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Moldavie, l'Ouzbékistan, la Russie, le Tadjikistan, le Turkménistan et donc l'Ukraine) ont signé un accord sur la création d’une zone de libre échange. Le même jour le Premier ministre Mykola Azarov a affirmé que l’Ukraine réfléchissait désormais a une adhésion à l'Union douanière Russie-Bélarus-Kazakhstan, ne jugeant pas contradictoire la potentielle appartenance a ces deux zones de libre échange.

Plus à l’est, c’est de Moscou qu’est venu la plus forte onde de choc puisque le premier ministre Vladimir Poutine a annoncé la plausible constitution d’une union eurasienne a l’horizon 2015. Le premier ministre a du reste rappelé que la coopération dans le cadre de la Communauté économique eurasiatique (CEEA) était la priorité absolue pour la Russie. Ce projet d’union eurasienne s’appuie sur l’Union douanière en vigueur avec la Biélorussie et le Kazakhstan, et a laquelle peuvent adhérer tous les Etats membres de la Communauté économique euro-asiatique. Le Kirghizstan (union douanière) et l’Arménie (union eurasienne) ont du reste déjà affirmé leur soutien à ces projets d’intégration eurasiatique.

L’organisation en cours, au centre du continent eurasiatique n’est pas qu’économique ou politique, mais également militaire, avec la création en 2001 d’une structure de collaboration militaire eurasiatique: l’organisation de la coopération de Shanghai. Cette organisation comprend 6 membres permanents que sont la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. L’Inde, l’Iran, la Mongolie et le Pakistan sont des membres observateurs, tandis que le Sri Lanka et la Biélorussie ont le statut de partenaires. L’OCS rassemble donc aujourd’hui 2,7 milliards d’habitants.

Cette année, c’est l’Afghanistan qui a demandé le statut d’observateur tandis que la Turquie (seconde puissance militaire de l’OTAN) à demandé elle à adhérer complètement a l’organisation. Des états arabes comme la Syrie ont l’année dernière également manifesté leur intérêt envers la structure. On peut aujourd’hui légitimement se demander quand est ce que des états européens choisiront d’adhérer à l’OCS, pour compléter cette intégration continentale.

Cette évolution globale traduit le glissement inéluctable vers un monde multipolaire qui ne sera plus sous domination occidentale. Pour les européens de l’ouest, il est temps de regarder vers l’est et leur continent. Le nouveau pôle eurasiatique, qui s’organise autour de la Russie, est probablement le plus prometteur.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

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* Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie".

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