Eurosceptique, conservateur, nationaliste, M. Duda partage l'attachement de ses compatriotes à l'église catholique, pilier de la nation polonaise, et aux valeurs traditionnelles. Il affiche aussi sa réserve vis-à-vis de l'Allemagne et des institutions de Bruxelles. Mais c'est surtout un farouche partisan d'un renforcement de l'armée polonaise, qu'il juge indispensable pour faire face à la remontée en puissance de la Russie, l'ennemi traditionnel aux yeux de nombre de ses compatriotes. Suivant cette logique Andrzej Duda est bien entendu favorable à un renforcement des liens avec les Etats-Unis. "La meilleure solution pour la Pologne serait le stationnement sur son territoire de troupes américaines, seul moyen de garantir sa sécurité", estime-t-il.
Du Golfe de Botnie aux rives de la Prusse, du Sund à l'embouchure de la Narva, les Américains jouent il est vrai sur du velours, tant l'hostilité envers la Russie relève quasiment de l'héritage culturel dans de nombreux esprits.
La Suède — dont le chef d'Etat-major des armées assurait il y a deux ans qu'elle n'avait pas les moyens de se défendre plus d'une semaine contre une agression — annonce qu'elle dispose d'un plan d'action en cas d'agression russe.
Certes l'impérialisme qui prévalait en Suède aux dix-septième et dix-huitième siècles est un vieux souvenir. Loin de l'esprit de Charles XII, Suédois, Finlandais, Baltes n'ont plus pour ambition que le développement durable. La crainte de la Russie qui, peu à peu, les rapproche de l'OTAN, relève davantage de l'irrationnel que d'une analyse dépassionnée.
C'est dans cette perspective qu'il faut considérer la promptitude de certains élus polonais à se ruer sur le Maïdan dès les premières manifestations hostiles à Viktor Ianoukovitch. Il s'agissait de saisir l'occasion d'empêcher l'Ukraine de basculer vers l'Union Douanière et de repousser l'influence russe afin de mieux assoir la sienne.
Mais c'est aussi dans ce cadre que l'on doit examiner les récentes tensions qui se sont récemment manifestées en Pologne vis-à-vis d'un pouvoir ukrainien ayant décidé de réhabiliter par une loi mémorielle les nationalistes de l'armée insurrectionnelle ukrainienne, l'UPA, responsables de la mort de 80 000 Polonais de Volhynie en 1943.
Russophobie balte, ukrainienne et polonaise, vieilles haines toujours vivaces entre nationalistes polonais et ukrainiens, méfiance entre Varsovie et Vilnius: Sur les confins de l'Europe orientale les passions identitaires se réveillent avec force, comme sur tout le continent. Mais dans ces régions où le devoir de mémoire ne s'est jamais exercé, où les procès n'ont jamais eu lieu et où personne n'a jamais demandé pardon, cet éveil risque d'être beaucoup moins pacifique qu'en Europe de l'Ouest.
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